Féminicide de Mérignac : selon l'IGPN, des dysfonctionnements en série ont précédé le meurtre de Chahinez Daoud

Le 4 mai, Chahinez Daoud était tuée par son mari à Mérignac. Cette mère de trois enfants avait pourtant porté plainte contre lui. Un rapport de l'IGPN pointe une série de dysfonctionnements et de manquements, survenus lors du traitement de sa plainte et dans les semaines qui ont précédé sa mort.

La police a-t-elle failli à sa mission de protection envers Chahinez Daoud ? C'est ce que laisse entendre le rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) révélé par nos confrères de France Inter. Le 4 mai, cette jeune mère de famille était abattue par son mari, puis brûlée vive dans la rue à Mérignac. C'était le 39e féminicide de l'année 2021.

Une mission d'inspection avait déjà mis au jour des séries de défaillances  n'ayant pas permis d'empêcher le meurtre de Chahinez Daoud. Le rapport de l'IGPN, qui fait suite à cette mission, conclut à des fautes et à des erreurs d'appréciation de la part de plusieurs agents.

Conseil de discipline

Selon France Inter, qui a eu connaissance des conclusions du rapport, tous les agents de police concernés par cette affaire, recevront un courrier du directeur général de la police nationale. "Certains se verront notifiés d’un ou plusieurs blâmes pour des manquements professionnels et plusieurs d’entre eux seront convoqués devant un conseil de discipline en vue de sanctions plus élevées", précisent nos confrères. Seraient notamment concernés un commissaire, deux commandants et un brigadier.

Quelques semaines avant sa mort, Chahinez Daoud, 33 ans, avait porté plainte contre son ex conjoint, après qu'il l'a agressée sur un parking d'un supermarché, séquestrée et battue pendant plusieurs heures. Chahinez Daoud avait alors porté plainte. Elle avait été reçue par un gardien de la paix, qui, lui-même venait d'être condamné, à huit mois de prison avec sursis probatoire pour "violences intra-familiales"

Une plainte en partie illisible

Rendu public en juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration  pointait déjà des défaillances dans le suivi de cette plainte visant Mounir Boutaa, un homme déjà incarcéré en 2020 pour violences conjugales. Ce rapport pointait notamment le fait que les pièces jointes accompagnant la plainte envoyée au parquet étaient illisibles. Le policier en charge de l'envoi n'avait pas donné suite au mail de la greffière le lui signalant. "Il est vrai que nous n'avons aucune certitude que le dossier ait atterri entre les mains d'un officier de police judiciaire", reconnaît une source proche de l'enquête.

Si les syndicats de police n'ont pas encore pu prendre connaissance du rapport de l'IGPN, ils tiennent avant tout à défendre l'action de leurs homologues. "Si le fonctionnaire qui a pris la plainte doit être sanctionné, il serait intéressant de savoir ce qui lui est reproché", rétorque Cyril Jeannin, représentant Unité SGP Police.

C'est sûr qu'il y a une série d'événements qui ont fait que malheureusement ça s'est terminé par un drame. Bien évidemment que si les policiers devaient reprendre l'affaire dès le début et recommencer, ils le feraient différemment. Mais des plaintes pour violence conjugale, il y en a un grand nombre, et on ne sait pas comment ça va se terminer.

Cyril Jeanin Unité SGP Police

Sollicités, le parquet et l'IGPN refusent de s'exprimer sur ce que pointe le rapport. Me Julien Plouton, avocat de la famille de Chahinez Daoud reconnaît ne pas avoir encore obtenu le document et s'abstient pour l'instant de le commenter. "Tout ce que je peux dire, c'est que par rapport à ce qu'on a pu voir du dossier, je ne suis pas surpris qu'il y ait cette avancée".

Dysfonctionnements en série

Alors que Mounir Boutaa était activement recherché par les forces de police après le dépôt de plainte du 15 mars, l'unité départementale de protection de la famille n'a pas été saisie. Son véhicule n'a pas été géolocalisé. Et en dépit du dispositif mis en œuvre pour le retrouver, Mounir Boutaa a pu se rendre à ses rendez-vous obligatoires avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), sans que la justice n'informe la police de sa présence sur les lieux.

Plus invraisemblable encore, entre le dépôt de plainte et la mort de Chainez Daoud, Mounir Boutaa s'était de lui-même présenté au commissariat de Mérignac au sujet de la garde de ses enfants. L'entretien avec les policiers s'est mal passé, et l'homme aurait quitté les lieux sans que son identité ne soit reliée au nom figurant sur la plainte déposée par Chahinez Daoud.

Une plaque commémorative

A Mérignac, le nom de Chahinez Daoud, encore dans tous les esprits, sera bientôt appliqué sur une plaque commémorative. Pour le maire de Mérignac Alain Anziani, la responsabilité dans ce drame est collective. " La police est responsable, tout comme nos services de la ville, même s'ils n'étaient pas prévenus", rappelle l'élu.
Le voisinage dans le quartier était au courant, mais il ne savait pas quoi faire de ce qu'ils entendaient. Les gens qui ont vécu ce drame sont aujourd'hui effondrés".

La violence faite aux femmes, c'est l'affaire de tous. On ne doit pas laisser passer. Pendant trop longtemps, on a considéré que c'étaient des affaires de couples qui ne nous regardaient pas. Si, cela nous regarde, car ce sont des vies qui sont en jeu.

Alain Anziani, maire PS de Mérignac

La Mairie de Mérignac prévoit l'ouverture dans les mois à venir d'une structure d'écoute et d'accueil en urgence des femmes victimes de violences conjugales. 

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