"Si on ne fait rien, il n'y aura que des silures dans nos cours d'eau " : l'alerte des pêcheurs sur la disparition de la biodiversité aquatique

L'impact du poisson géant silure sur les espèces migratrices comme la lamproie ne fait plus de doute, selon un rapport rendu public par la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Résultat : l'État annonce un déploiement plus important des pêches de régulation dans la Dordogne.

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C'est un monstre d'eau douce. "Il est tout en haut de la chaine alimentaire. Il n'a pas de prédateur, à part l'homme", résume David Durand, pêcheur professionnel à Sainte-Terre en Gironde.  Avec ses allures de poisson-chat, le silure peut peser jusqu'à 100 kilos et mesurer 2,50 mètres de long. Des dimensions qui en font le plus gros carnassier présent en eau douce.

Ce poisson géant est aujourd'hui très répandu. Les premiers auraient été introduits volontairement en France dans les années 1980 avant de coloniser fleuves et rivières. Régulièrement, des pêcheurs de loisir capturent des spécimens impressionnants. Ce fut notamment le cas l'été dernier, avec une prise record dans l'Isle en Dordogne.

Selon Sabine Durand, secrétaire de l’Association agréée des pêcheurs professionnels en eau douce de Gironde (AAPPED 33), le silure contribue, sans en être la seule cause, au déclin des autres espèces. "Dans les estomacs de silures, on retrouve des lamproies et d'autres espèces migratrices", explique-t-elle.

Aujourd'hui, si on ne fait rien, si on laisse ce poisson proliférer, on n'aura bientôt plus que des silures dans nos cours d'eau.

Sabine Durand

Association agréée des pêcheurs professionnels en eau douce de Gironde


Silure sous surveillance

Il y a quatre ans, un protocole de pêches expérimentales de régulation, à visée scientifique, a été lancé. Le résultat vient d'être rendu public par la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, mettant en évidence l'impact du prédateur sur les espèces migratrices, notamment en pied de barrage et sur les zones de frayères où de fortes concentrations ont été constatées.
"Le protocole mis en œuvre en Gironde, en Dordogne et en Lot-et-Garonne a permis de confirmer que l'impact des silures est important sur les poissons migrateurs, note la préfecture. Il permet également d'attester de l'efficacité des engins de pêche testés, ainsi que de leur sélectivité pour limiter les risques de capture accidentelle de poissons migrateurs."

Amplification des pêches expérimentales

Se disant "très soucieux" de l'avenir des pêcheurs professionnels qui ne sont plus que 35 en Gironde, le préfet Etienne Guyot estime que les pêches expérimentales de régulation devront être poursuivies et même s'amplifier dans les années à venir. 

Un nouveau protocole assurant un plus grand déploiement de ces pêches sera mis en œuvre dès 2025. Une réflexion sera par ailleurs ouverte sur la création d'une filière commerciale pour la consommation humaine, car le silure se cuisine très bien. Pour les derniers pêcheurs confrontés à une grave crise économique, c'est aussi l'espoir de nouveaux débouchés. Depuis avril 2023, la pêche à la lamproie est en effet suspendue pour préserver la ressource, suite à l'action de l'association Défense des milieux aquatiques.

Des exigences plus radicales

Toutefois, cela ne suffit pas pour les pêcheurs girondins. Considérant qu'il y a urgence, ils veulent agir plus vite et plus fort. "On demande l'autorisation de pêcher le silure toute l'année avec tous les engins qui ont prouvé leur efficacité, notamment les filets à maille 135 qui laissent passer les autres espèces", lance Émilie Rapet, chargée de mission pour le Centre pour l'aquaculture, la pêche et l'environnement de Nouvelle-Aquitaine (CAPENA).

Si on ne l'obtient pas, on va perdre la biodiversité aquatique.

Emilie Rapet,

Chargée de mission CAPENA

Regardez notre reportage, dans lequel interviennent David Durand, Sabine Durand et Emilie Rapet.

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Le silure a été introduit dans les années 1980. Une étude montre l'impact de ce prédateur sur les poissons migrateurs ©France 3 Aquitaine

Le silure, sujet sensible

Les pêcheurs amateurs, conviés à la réunion de restitution du préfet de Nouvelle-Aquitaine sur les pêches expérimentales de régulation, ne sont pas tous d'accord sur un sujet présenté comme sensible. 

Le silure est pêché pour la performance sportive en "no kill", relâché aussitôt dans le milieu après avoir été capturé. "Il y a ceux qui aiment pêcher le silure et ceux qui le détestent, car il s'attaque à d'autres poissons", déclare Jean-Michel Ravailhe, le président de la Fédération de la Dordogne pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

Selon lui, le protocole sur l'impact du poisson géant n'est pas concluant : "Quatre ans de suivi, c'est trop court pour en tirer des conclusions, il faut continuer l'étude avant de prendre des décisions." Visiblement, le poisson géant n'en a pas fini de faire des remous dans les eaux douces de nos fleuves et rivières.

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