C’est un fléau pour l’écosystème des Landes de Gascogne. Après un automne et un hiver pluvieux, les écrevisses de Louisiane se sont démultipliées le long de la Leyre, détruisant la faune et la flore locale. Le parc régional des Landes de Gascogne a lancé une alerte.
Leurs carapaces rouges sont devenues omniprésentes. Cette année, les écrevisses de Louisiane prolifèrent dans les marais, mais aussi dans la Leyre, en Gironde. Cette espèce invasive a profité d’une météo aussi douce que pluvieuse pour coloniser ces zones humides, au détriment des autres espèces.
600 bébés par an
Pêcher l’écrevisse est aujourd’hui un jeu d’enfant. “J’ai vu des tout petits les attraper à la main”, lance Laurent Degrave, technicien médiateur rivière au Parc naturel régional des Landes de Gascogne. Celui qui se surnomme le “gardien de la Leyre” est inquiet. “Je compte environ 10 écrevisses par m². Sur une pêche de deux heures, on peut facilement en attraper une centaine”, illustre Laurent Degrave.
Ces écrevisses de Louisiane, importées des États-Unis dans les années 70, se sont progressivement installée dans l’ouest de la France. “Elles sont toujours élevées en Espagne et au Portugal pour leur chair. Certaines se sont échappées, comme ça a été le cas du ragondin ou du vison”, explique le technicien.
Il y a dix ans, j'ai commencé à remarquer dans les excréments de loutres, leurs prédateurs, de plus en plus de carapaces rouges. C’est un signe qu’elles étaient plus nombreuses.
Laurent DegraveTechnicien médiateur rivière au Parc des Landes de Gascogne
Avec une reproduction de 600 bébés par an, la prolifération de ces écrevisses est exponentielle. “Elles sont en âge de se reproduire dès trois mois, vous faites vite le calcul”, ajoute le technicien du parc régional des Landes de Gascogne.
Lente destruction
Problème, ces écrevisses se nourrissent d’œufs et de larves. Brochet, moustiques, amphibiens, chaque espèce est une proie pour ces crustacés. “Ailleurs, mes confrères n’ont entendu qu’un seul mâle rainette chanteur, alors que normalement, c'est une chorale. Ici, très peu de nouveaux brochets ont été repérés”, regrette le technicien rivière.
Plus au sud, l’écrevisse de Louisiane menace aussi sa cousine européenne, l'écrevisse aux pattes blanches. “La Louisiane est porteuse saine d’une maladie qu’elle transmet à l’espèce autochtone qui, elle, devient malade”, explique Laurent Degrave.
Pire, en creusant dans les sols, elles détruisent également la flore. “Les rivières sont assez troubles à cause des mouvements au fond de la rivière qui charrient les sédiments et empêchent les plantes oxygénantes de se développer”, détaille le gardien de la Leyre.
Ma crainte, c’est qu’on arrive à un milieu qui ne fonctionne plus. La nature est résiliente et cette rivière a 10 000 ans, elle ne pourra pas disparaître du jour au lendemain.
Laurent DegraveGardien de la Leyre
Pour lui, seules les conditions météorologiques de l’automne et de l’hiver permettront de savoir si les écrevisses vont poursuivre leur invasion des marais. Car si l’espèce a ses propres prédateurs, comme les loutres, les renards ou encore les brochets, ils ne sont aujourd’hui plus assez nombreux pour réguler la population d’écrevisses. “Ils ont réussi à maintenir un semblant d’équilibre jusqu’ici, mais avec le changement climatique qui a favorisé la reproduction des écrevisses, ils n’y en a pas assez”, explique Laurent Degrave.
Appel à pêcher
Le parc régional a donc lancé un appel à un nouveau prédateur : l’homme. Dans une publication, Laurent Degrave a appelé les Girondins et les Landais à prêter main forte aux animaux, en pêchant, eux aussi, ces écrevisses. “Ce n'est pas demain qu’on va enrayer l’invasion, mais on peut imaginer que cette pêche peut aider”, avance le technicien du parc naturel régional des Landes de Gascogne.
Une solution “d’urgence” qui fait grincer les dents de certains, peu enclins à dépenser de l'argent pour lutter contre une espèce invasive. “Pour pouvoir les pêcher, il faut posséder un permis de pêche. Mais ça peut être une belle activité en famille, pas si onéreuse que ça et puis ça permet derrière d'en faire un repas”, glisse Laurent Degrave.
Une carte de pêche journalière coûte 13 € pour un adulte, “c’est 6 € pour un enfant”, ajoute le gardien de la Leyre. Lui, les pêche à l'aide de balances et de croquettes animales.
En parallèle, le technicien du parc régional affirme s’être rapproché des services de l’État et des fédérations de pêche pour trouver des solutions plus pérennes et efficaces, comme une modification de la réglementation sur la pêche de cette espèce.