Dans les Landes, les épisodes de canicules successives et la sécheresse de 2022 ont causé la perte de 80 % des lézards vivipares. L'association Cistude nature alerte sur le phénomène, étudié dans le cadre du programme Sentinelles du climat en Nouvelle-Aquitaine. Selon ces scientifiques, restaurer les zones humides pourrait limiter la disparition de cette biodiversité.
C'est une alerte qu'il faut prendre au sérieux. "Le changement climatique tue", annoncent dans un communiqué les scientifiques des Sentinelles du Climat qui observent la possibilité d'une "extinction locale du lézard vivipare dans le triangle landais".
Des observations en très forte baisse
"Notre suivi indique une chute de 80 % des observations entre 2021 et 2023 en raison de la sécheresse et des canicules de 2022" assure Michaël Guillon, coordinateur scientifique du programme Sentinelles du climat en Nouvelle-Aquitaine. "Et sur plus de la moitié des sites, aucun individu n'a été observé en 2023".
Déjà en 2021, les spécialistes alertaient sur un risque imminent d'extinction de ce lézard appelé "lézard vivipare de Lantz". L'année 2022 a été particulièrement néfaste pour cette espèce, qui risque de ne pas survivre à la hausse annoncée des températures d'ici 2050 - 2060.
En 2024, il ne reste que quelques représentants, qui subsistent grâce à la préservation des zones humides notamment dans les Landes. L'étude des Sentinelles du Climat, présentée le 28 mai, insiste sur l'urgence de sa préservation. Les scientifiques appellent à prendre des mesures fortes pour restaurer les lagunes et landes humides du secteur.
Un lézard vivipare
"C'est un lézard qui est plutôt adapté aux climats froids", assure Olivier Lourdais, chercheur au CNRS de Chizé dans les Deux-Sèvres, au sujet du reptile. Son nom, "lézard vivipare", il le tient à son mode de reproduction. Contrairement à la plupart des autres espèces de lézards, ovipares qui pondent des œufs,, celle-ci "met bas des jeunes qui sont complètement formés : elle est vivipare". Mais le scientifique précise que, "ce qui est plus exceptionnel", c'est qu'au sein de la même espèce, il y a des ovipares et vivipares. En France, les deux formes sont présentes.
Les hypothèses seraient qu'un mode de reproduction ovipare, possiblement plus économe en eau, peut être favorisé là où les contraintes hydriques sont marquées.
Olivier LourdaisChercheur au CNRS
Ainsi, dans la même espèce, il y aurait une forme d'adaptation au territoire. Cette première évolution serait due au fait que, par temps très froid, il est plus difficile pour les parents de trouver un nid hospitalier et surtout moins exposé au froid, où pondre leurs œufs. " C'est une espèce très ancienne acclimatée au froid et qui va jusqu'au cercle polaire en Europe", précise Mickael Guillon, de l'association Cistude Nature.
Les zones humides, éléments clés à leur conservation
Mickaël Guillon explique que la sous-espèce de lézards qu'on peut trouver dans le triangle landais, à savoir sur la Gironde, Dordogne et Lot-et-Garonne, a effectué son adaptation inverse en développant une reproduction ovipare. On les trouve dans ce grand triangle landais, mais également dans les Pyrénées et également en Espagne, en altitude.
Pour le chercheur Olivier Lourdais, la question qui se pose concernant les espèces présentes dans les landes c'est "comment ces populations parviennent à se maintenir ?" On voit bien qu'elles sont "soumises à des conditions thermiques très chaudes".
"Nos travaux suggèrent que la qualité de l'habitat et la présence de microhabitat spécifiques, notamment de zones humides, ce que l'on appelle des lagunes, seraient un élément clef". Elles permettraient la reproduction malgré une chaleur globale.
Mais depuis les épisodes de sécheresse, c'est la survie même des adultes qui est compromise et donc les générations à venir. Depuis 2022, les fortes chaleurs ont mis à mal cet habitat. "Sur la douzaine de populations suivies depuis 2017, on était à 250 individus avant 2022 et en 2023, l'estimation est passée à 46...", déplore Mickaël Guillon.
Des capsules climatiques
L'appel de ces scientifiques aujourd'hui est de continuer à préserver les zones humides qui, avec le changement climatique, vont être de plus en plus asséchées, voire détruites dans le même temps que leurs écosystèmes. L'année 2022 a occasionné une forte mortalité, mais aussi une évolution négative de la biodiversité des zones humides. "L'état actuel des habitats est encore extrêmement dégradé".
Les spécialistes le rappellent, si les habitats sont de bonne qualité, cela peut servir de "capsules climatiques" dans lesquelles "une espèce vivipare va pouvoir se maintenir des milliers d'années". Sinon, avec des milieux dévastés et drainés, seules les espèces généralistes pourront se maintenir.
La meilleure stratégie pour préserver cette espèce est d'améliorer la qualité des habitats, de ces zones humides qui permettront d'avoir de l'eau l'été.
Mickael GuillonAssociation Cistude Nature
C'est pour cela que l'association n'a de cesse de faire de la sensibilisation auprès des collectivités locales mais aussi du grand public. Dans les Landes, ces zones humides sont le plus souvent sur des bois privés et qu'il faut que ceux qui en ont la charge prennent conscience de leur rôle dans la préservation de la biodiversité dans les Landes.
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