"Tout ça n'a plus aucun sens" : abstentionnistes convaincus, citoyens lassés... ils expliquent pourquoi ils n'iront pas voter

Les précédentes élections législatives ont vu triompher l'abstention en 2017 et 2022. Dimanche 30 juin, la participation pourrait être en hausse de plus de 15 %, un record. Pourtant, certains s'abstiendront toujours. Est-ce un choix ? La conséquence d'années de déception ? Témoignages.

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Au hasard de la métropole bordelaise, Sandrine, 51 ans, est prête à accélérer le pas. Elle s'arrête, au son des mots "élections législatives". Un grand soupir : "Tout ça, ça n'a plus de sens pour moi." Comme vidée, elle confirme qu'elle ne se déplacera pas dimanche : "Je votais il y a une dizaine d'années et puis j'ai arrêté, trop déçue. A chaque fois, tout est gâché par les politiques."

"C'est trop compliqué"

La lassitude est perceptible aux abords de l'hôtel de ville de Cenon, dans la métropole bordelaise. La commune girondine est celle qui s'est le plus abstenue dans le département aux dernières européennes (57,76%). Le cas de cette passante : "Je ne suis même pas inscrite sur les listes électorales. J'ai des difficultés pour lire et je ne m'en suis jamais occupé, c'est trop compliqué."

Elle est devenue "le premier parti de France" aux élections législatives. 57,4% au second tour de 2017, 53,8% en 2022, l'abstention a pris ses quartiers depuis plusieurs années, conséquence du bipartisme qui s'est installé, selon le politologue Ludovic Renard.

Et si cette année, lui, mise sur "l'ouverture au système multipartisan" pour que chaque électeur y trouve son compte, les quelques témoignages récoltés attestent qu'une partie de la population n'ira pas voter ce dimanche. 

Trop compliqué, illisible...c'est justement ce qui ressort de cette campagne électorale à vitesse grand V. "Peu importe qui, on ne comprend rien", lâche Julien, 24 ans. Lui n'est pas bien sûr d'aller voter. Ce  contexte très particulier est "à double tranchant", estime Ludovic Renard ; car "si ces électeurs votent et que les politiques ne sont pas à la hauteur, ce sera très difficile de les remobiliser derrière." 

Je me bats pour convaincre les jeunes d'aller voter. La majorité n'iront pas. Les autres sont manipulés par les réseaux sociaux.

Sandrine

Accompagnatrice en insertion professionnelle

Trop grande responsabilité

Selon Ludovic Renard, la fin de la campagne est capable de faire basculer plusieurs choix de vote. "Les derniers débats peuvent faire que les gens décident de ne pas se déplacer." Forme de pression de l'urne ? Le politologue pointe davantage une tendance à ne pas vouloir "prendre cette responsabilité, la peur aussi peut-être de faire une bêtise."

En attendant le tram avenue Jean-Jaurès à Cenon, Marie décrit cette hésitation, tiraillée entre "voter pour une alliance qui ne me convient pas vraiment et le repoussoir des autres partis. C'est comme la peste ou le choléra." La trentaine passée, la jeune femme a voté aux européennes et n'est pas du genre à rester chez elle. Elle assure qu'elle verra dimanche, au jour le jour. Elle n'est pas la seule.

J'ai voté aux européennes, mais je ne suis pas sûre de voter dimanche. J'ai peur pour mes petits enfants, mais je n'arrive pas à suivre.

Eugénia

Habitante de Bordeaux

Le résultat d'un système plus ouvert, selon le professeur en sciences politiques, "en décalage avec l'ancienne tendance à suivre coûte que coûte son parti. Aujourd'hui, les gens s'ouvrent, s'interrogent et ressentent plus facilement ce poids, cette responsabilité."

Culpabilité après les européennes

D'autres sont bien décidés à se rendre aux urnes, après s'être abstenus aux européennes. Le 9 juin dernier, 48,2% des Français sont restés chez eux, "une erreur", regrette Lucie. "Désormais, je réalise qu'à l'échelle nationale, la politique peut basculer."
La culpabilisation devient un ressort psychologique : "Les européennes étaient lointaines, là, on leur donne la parole donc ils la saisissent. Il y a une perception d'urgence à s'exprimer", explique Ludovic Renard. 

Vu le système multipartisan qui s'ouvre, chacun peut s'y retrouver. Je pense que ça peut calmer cette angoisse.

Ludovic Renard

Politologue

Sarah, canadienne naturalisée il y a dix ans, faisait d'ailleurs partie des abstentionnistes à la dernière présidentielle, lassée par la politique du "faire barrage". Elle ira voter dimanche : "C'est trop important pour cette fois." Un comportement paradoxal, qualifié d'"épisodique" par le politologue, et "très caractéristique des nouvelles générations, qui se déplacent en fonction de l'enjeu, accentué cette année par la dramatisation de l'événement.

A l'approche du 30 juin, la participation est annoncée comme pouvant être en forte hausse. Selon le dernier sondage Ifop-Fiducial, 63,5% des Français prévoient de se rendre aux urnes le 30 juin. En 2022, aux dernières législatives, ils étaient 47,5% à avoir fait le déplacement. 

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