Trains fantômes ou bondés, retards et annulations : les usagers face à "l'enfer" des TER en Gironde

Que se passe-t-il avec les TER en Gironde ? Après la ligne 42, dans le Médoc, les usagers de la ligne 43, en Haute-Gironde, et ceux de la ligne 44, dans le secteur de Langon, s’indignent des retards et annulations à répétition. Un problème majeur pour ces villes moyennes qui veulent dynamiser leur population.

Alors que les grèves se poursuivent ce lundi, touchant principalement les TER en Aquitaine, la SNCF enjoignait aux voyageurs de "vérifier si leur train était maintenu". Et rapidement, le constat tombe : plus d'une dizaine de TER sont supprimés en Aquitaine.

Ce réflèxe, les habitants des campagnes girondines l'ont adopté depuis longtemps. Avant de prendre le train, ils consultent leur application, à la recherche d’une potentielle annulation de leur rame. Dénoncée depuis des années par les usagers de la ligne 42, qui traverse le Médoc, la situation semble similaire sur les autres lignes du département. “On a une charge mentale terrible parce qu’on ne sait jamais si on va pouvoir se rendre au travail ou rentrer chez nous”, confie Corinne Loora, une usagère de la ligne 44 qui relie Agen à Bordeaux.

Trains de Poudlard

Dans le Nord-Gironde, une pétition, qui a déjà recueilli plus de 500 signatures, interpelle l’entreprise ferroviaire. “Il est temps que la SNCF prenne ses responsabilités et assure un service fiable et ponctuel aux usagers."

Nous demandons donc à l'entreprise publique de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer sa performance sur cette ligne cruciale.

Pétition des usagers du Nord Gironde

Marion Guillard fait partie de ces usagés “excédés”. Résidente à Sainte-Eulalie, elle prend le train de la ligne 43.1, entre Saint-Yzans et Saint-Mariens chaque jour pour se rendre à son travail, situé près de la gare de Bordeaux. "C’est un stress permanent, le matin, le soir. Cette semaine, aucun train de 17h32 n’est passé. C’est impossible à gérer avec une vie de famille et un emploi", indique cette mère de famille.

Les naufragés de la ligne 44

À La Réole, la colère gronde aussi. Un collectif d’usagers s’est créé pour pallier les aléas ferroviaires. Son nom : les naufragés de la ligne 44. “Nos trains, on les appelle les trains de Poudlard. Ce sont des trains fantômes, ils sont annoncés mais ils n’existent pas”, indique Corinne Loora. Vendredi 1ᵉʳ octobre, son train de 19h27 est ainsi affiché sur les écrans. Les annonces indiquent qu’il est entré en gare. “À 20h10, on le cherchait encore”, soupire Corinne Loora.

À ces trains fantômes s'ajoutent les annulations, “sans vraie explication”. “L’hiver, il fait froid, l’été, il fait chaud, l’automne, il pleut, voilà les raisons des annulations”, illustre, lasse, cette habitante de La Réole. Même constat du côté de Sainte-Eulalie, où les usagers accumulent les justifications imprécises. "On nous parle de travaux, de perturbation des voies, de conditions de départ non réunies. Ça ne veut rien dire", souffle Marion Guillard.

Il n'y a que les TGV qui sont à l'heure et qui passent correctement.

Marion Guillard

Usagère de la Ligne 43.1

Retour en métropole

Outre le stress quotidien, ces aléas se répercutent aussi directement sur le porte-monnaie des usagers. “On paie un abonnement qui n’est pas remboursé parce que, soi-disant, deux trains circulent par jour, souvent à 11h et 14h. Sauf que ce ne sont absolument pas des horaires de travail”.
Corinne Loora a d’ailleurs dû poser un jour de congé, pour compenser ses absences. “J’ai perdu six heures de travail cette semaine. Ce jour de congé, je ne l’ai pas pris”, fulmine l’usagère. 

Il y a plein d’adolescents, d’enfants de 11 ans qui se retrouvent sur les quais sans savoir comment rentrer chez eux ou aller à l’école, c’est scandaleux.

Marion Guillard

usagère de la ligne 43.1 du TER de Nouvelle-Aquitaine

Si Corinne, ne songe pas encore à déménager, d’autres Réolais se disent aujourd’hui prêts à sauter le pas. “Ce n’est plus tenable, on risque notre boulot, alors certains préfèrent quitter La Réole”, regrette Corinne Loora, épuisée par des journées de 21h.

Argument des villes moyennes

Ces villes moyennes ont pourtant connu un véritable essor depuis 2016, accru avec la période de Covid. À La Réole, le maire a ainsi multiplié les moyens pour attirer de nouveaux habitants. Plus de 300 ont posé leurs valises ces dernières années, réduisant le nombre de logements vacants de 23% à 7% en sept ans. “Leur premier critère, c'est la mobilité vers Bordeaux ou Paris. Et cette mobilité, c'est le train”, indique Bruno Marty, le maire de la Réole.

Face à l’accroissement du nombre d’usagers, la mairie a d’ailleurs construit un parking près de la gare, pour permettre aux habitants du secteur de se rendre sur Bordeaux ou Agen. Malgré les investissements massifs et un engagement depuis plusieurs années, il craint aujourd’hui de voir la commune faire machine arrière. “J’ai rencontré le président de la région pour lui demander d’augmenter le nombre de trains, afin d’avoir au moins un train par heure. On promet 35 minutes de trajet jusqu’à Bordeaux, c’était avantageux pour eux”, regrette Bruno Marty.

Un vrai avantage pour ces habitants, en comparaison des heures d'embouteillages arrivés sur la rocade de Bordeaux. “Le temps de trajet est de 12 minutes contre plus d’une heure en voiture aux heures de pointe. C’est imbattable… Quand ça fonctionne”, regrette la résidente de Saint-Eulalie.

"Pire que les métros parisiens"

Pourtant, loin du tumulte des grandes métropoles, ces nouveaux habitants étaient à la recherche d’un cadre de vie paisible. “Là, nos trains sont pires que les métros parisiens. Quand ils passent, ils sont tellement pleins que les gens se mettent dans les toilettes pour avoir une place”, illustre Corinne Loora. Une situation dont témoigne également Marion Guillard, dans le Nord-Gironde. “On se demande même si on ne prend pas des risques à monter dans ces rames bondées. Les portes ne se ferment plus, on est dans une bétaillère”, s’interroge l’habitante de Sainte-Eulalie.

Interviewé à ce sujet, le vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine, Renaud Lagrave se ralliait du côté des usagers. Il explique multiplier les courriers à la SNCF. “Nous payons 80 millions d’euros par an de péages pour que les trains circulent dans la région. Le réseau est pourtant toujours aussi vétuste", constate Renaud Lagrave. Il avait alors menacé, de “ne plus payer”, sans “avancées concrètes” de la part du réseau ferroviaire. Des propos qu’il a confirmés plus tard chez nos confrères de Sud-Ouest.

S’il n’y a pas d’avancées, nous envisageons de ne plus payer.

Renaud Lagrave

vice-président en charge des transports à la région Nouvelle-Aquitaine

Face à la surdité du réseau, qui leur répéterait “qu’il y a plus grave dans la vie”, ces usagers envisagent désormais de multiplier les actions. Certains réfléchissent à ne plus payer leur abonnement tandis que d’autres promettent de bloquer les trains dans les gares concernées.

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