C'est un revirement total de position pour le maire de Bordeaux. Après s'y être toujours refusé, Pierre Hurmic vire sa cuti et engage sa mairie dans une nouvelle démarche considérée comme appartenant aux politiques de droite : l'armement des policiers municipaux. Ceci au grand dam de son équipe municipale.
Jusqu’à présent, la position de Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux, avait toujours été ferme : équiper les agents municipaux d’armes létales, c'était acter le désengagement de l’Etat en matière de sécurité publique, et maintenir les équipes de police nationale en sous-effectifs. "Je ne suis pas un shérif, et les agents ne sont pas des cow-boys", déclarait-il devant la presse début avril.
Une position de plus en plus difficile à tenir à l'approche des municipales, alors que les principaux adversaires à la réélection de Pierre Hurmic n'ont eu de cesse de réclamer l'armement de cette police municipale.
► LIRE AUSSI. "Nous ne sommes pas des cow-boys" : les policiers municipaux veulent des armes à feu pour mener leurs missions à Bordeaux
Armer 50 policiers dans les six mois
"Innovant et inédit", c'est donc ainsi qu'est présenté le plan de renforcement de la police municipale par le maire de Bordeaux aux journalistes présents dans la grande salle du Palais Rohan ce 12 novembre. Un plan qu'il explique avoir mis au point après avoir pris connaissance du retour d'expérience de nombreuses municipalités ayant armé leurs agents.
Le maire de Bordeaux s’est donc engagé à créer une "brigade d’appui et de sécurisation de 50 membres" au sein de la police municipale, armée et opérationnelle, d'ici à six mois.
Ce choix n'est pas le fruit d'un "débat manichéen et simpliste", affirme Pierre Hurmic, répondant ainsi à ses détracteurs, et justifiant son revirement de position. À l'appui de son argumentaire, il explique avoir fait le constat que l'insécurité à Bordeaux devienne une réalité de plus en plus visible, qui touche en priorité les "personnes les plus vulnérables."
" On n'a pas été élus pour ça"
Pour sa fidèle équipe, avec laquelle il avait décroché la mairie en 2022, c'est un désaveu total, un reniement des fondements de la politique pour laquelle ils ont été élus.
Dans l'équipe municipale, la décision a semé le chaos. Les trois quarts de l'équipe du maire se positionnent contre cette décision. Pour cette majorité, le maire écolo a franchi le rubicond. "C’est compliqué de se prononcer contre son maire. On est un collectif et c’est difficile d’être à l’encontre d’une si importante décision", note une source interne.
"On n'a pas été élus pour ça. On a été élus pour un programme de gauche, poursuit-elle. Les gens ne votent pas pour un maire écolo pour ça". Pour l'équipe, en place, cette nouvelle position touche au "rapport à l’armement, au désarmement, à la violence et à la notion qu’on a du service public municipal".
C’est une belle concession à la droite, ils ont été les premiers et les seuls à demander l’armement de la police municipale.
Source anonymeMairie de Bordeaux
"Fatalisme"
Pierre Hurmic aurait été soumis aux pressions du pouvoir et à la difficulté de la tâche qui lui incombe : "il choisit ce qu’il croit être la responsabilité d’un maire en exercice", estime-t-on à la mairie.
Je pense qu’il y a là un renoncement, ou plutôt une espèce de fatalisme.
Source anonymeMairie de Bordeaux
"Je pense qu’il a une vraie conviction qu'il doit faire ça, affirme un de ses proches, avant de compléter : est-ce que c’est pour se faire réélire, est-ce que les gens pourraient le trouver déraisonnable s’il ne le fait pas ? C’est une possibilité, mais ce n’est pas ce qui le motive"
"Les élus ne pourront pas défendre cette décision"
Un sondage réalisé au sein de l'équipe municipale concernant cette décision d'armer la police municipale donnait 70 % d'avis défavorables selon notre source, un chiffre contesté par le cabinet du maire qui a réagi après la publication de notre article. "Il y a un risque que le maire s’éloigne de son équipe initiale", grince-t-on dans l'entourage du maire. Si la désillusion est de mise, il n'est pas pour autant question de démission.
Il ne va pas y avoir de coups d'éclat.
Source anonymeMairie de Bordeaux
Cependant, une certitude préexiste pour toute l'équipe municipale : "les élus ne pourront pas défendre une décision qui n’est pas du tout la leur."
"La question qui se pose, c'est comment les citoyens, comment les membres des partis politiques, comment les militants vont ressentir ça et comment nous, on va devoir expliquer cette décision", s'inquiète-t-on à la mairie.
En période de restriction budgétaire, annoncer qu’on va acheter des pistolets à des agents municipaux, évidemment que certains citoyens vont s’interroger sur le sens des priorités.
Source anonymeA la mairie de Bordeaux
Déploiement de la Brigade d'appui et de sécurisation
La création de cette brigade intervient après avoir augmenté le nombre de policiers municipaux, installé de nouvelles caméras de télésurveillance, déployé une brigade anti-civilité, signé un contrat de sécurité intégré avec la préfecture et le parquet (CSI), et réclamé plusieurs fois une compagnie de CRS à demeure.
Ce CSI prévoit par ailleurs, l'embauche de 30 nouveaux policiers municipaux d'ici à 2026, portant ainsi les effectifs à 200 agents. Actuellement, les agents municipaux sont équipés d'un gilet pare-balles, d'une matraque, d'un pistolet à impulsion électrique et d'une gazeuse. D'ici mi 2025, 50 d'entre eux seront donc équipés d'armes létales.