Bordeaux est trop chère pour se loger, rançon d'une compétition avec les autres métropoles. Pierre Hurmic, maire écologiste, veut changer la donne. A une ville trop bétonnée sous l'ère Juppé, il veut opposer une ville apaisée avec un habitat biosourcé. Le conseil municipal s'empare du sujet.
Bordeaux, ses façades XVIIIe... mais aussi ses quartiers récents denses... et en béton et ses logements chers. Pierre Hurmic et son équipe le savent. L'urbanisme et le coût du logement ont été des déterminants forts qui ont fait pencher la balance des urnes en leur faveur.
Autant dire que la nouvelle est très attendue sur le sujet pour inverser la tendance. Et combler les attentes de logements moins onéreux et des quartiers moins denses et plus vertueux en matériaux de construction. Après le droit d'inventaire depuis le mois de juillet 2020, voici donc le temps de l'action pour "mieux habiter Bordeaux", la formule est du nouveau maire à l'occasion d'une conférence de presse ce lundi 3 mai.
Un défi quand Pierre Hurmic, rappelle le besoin de réponse au développement de la ville métropole.
Il nous faut 2500 logements de plus disponibles chaque année.
Et c'est cette feuille de route pour y arriver qui sera présentée mardi 4 mai 2021 lors du conseil municipal de Bordeaux.
La rupture avec les années Juppé
Pierre Hurmic et ses adjoints n'ont pas de mot tendre pour l'héritage laissé par leur prédécesseur. Dans l'oeil du cyclone, Alain Juppé et ce qu'il a fait de Bordeaux, un renouvellement urbain collossal.
C'est un changement de vision radical que défend Pierre Hurmic. Il s'inscrit à l'opposé : "La visée d'Alain Juppé, une construction rapide et massive " décrit-il.
Pourquoi ? Nous sommes dans les années 2000/2010 et les métropoles françaises sont en "compétition" pour attirer des habitants. L'objectif était bel et bien de grandir à tout prix.
Pas pour la nouvelle équipe. Pierre Hurmic précise que "la compétition des métropoles n'est pas notre sujet". L'ambition du maire de l'époque, comme dans d'autres grandes villes françaises, a eu et a toujours des conséquences pour les habitants. Une envolée des prix du marché du foncier et des biens à vendre. Et au final, des Bordelais contraints de quitter la ville pour se loger.
Et donc ce bilan dressé ce jour par la nouvelle équipe en place : un parc privé difficilement accessible pour beaucoup avec une augmentation forte des prix de vente, un coût à la location à la hausse, un parc social qui n'est pas à la mesure des besoins.
Quels sont les leviers ?
Changement de cap, c'était inscrit dans le programme de Pierre Hurmic . L'objectif est bien d'engager l'accession à des logements moins chers. Comme levier, une offre de logement social revue à la hausse. La recette : favoriser les bailleurs sociaux notamment dans le "diffus", c'est-à-dire les projets de petites tailles présents partout dans la ville, dans les "dents creuses" de l'habitat.
La proposition vise aussi à accélérer les sorties de logements sociaux dans les opérations d'aménagement. Là il s'agit de grandes surfaces, à l'image des quartiers sortis ces dernières années de terre aux Bassins à Flots ou encore à Ginko.
La nouvelle majorité pointe du doigt une ville qui a, par le récent passé, fait la part belle aux produits défiscalisés, portés par des investisseurs. "Jusqu'à 70 % des logements produits en libre certaines années comme en 2015 ou 2016" révèle-t-elle. Comme elle relève "la mulitiplication des promoteurs présents et la massification des pratiques immobilières."
Des pratiques qui devraient donc appartenir au passé. Les grands noms des opérations immobilières présents sur Bordeaux sont prévenus.
La difficulté du marché privé
Pour faire baisser le coût du logement dans le marché privé, la clé n'est pas simple à trouver pour les élus. Bernard Blanc, adjoint à l'urbanisme résilient, ne cache pas la difficulté. "Après 25 années de libéralisme sur le marché de l'immobiliser, c'est très compliqué".
Aujourd'hui vouloir réguler le foncier va nous demander du temps, va nous demander de mettre en place des nouveaux leviers, à ce que les esprits arretent de s'ahcuffer par rapport à ça. Et c'est vrai qu'une des meilleurs façons vraisemblablement de faire tomber la pression sur les acquisitions foncières, c'est de réduire dans le PLH la quantié de la production dans le diffus.
Des bâtiments d'une nouvelle ère
Le but d'une ville zéro artificialisation, c'est-à-dire qu'on ne construit pas sur des espaces encore verts, est couplé aux voeux de nouvelles constructions étudiées avec des exigences écologiques. D'autres matériaux que du béton par exemple. Les projets portés par les promoteurs devront donc intégrer des priorités aux matériaux biosourcés et locaux de préférence. Une impulsion qu'espère bien donner la ville. La mairie renvoie à la mi-mai pour connaître en détails les perspectives sur ces bâtiments d'une ère nouvelle.
Le conseil municipal de Bordeaux se penche sur ces propositions ce mardi 4 mai. Nul doute qu'il y a aura de forts débats sur l'héritage Alain Juppé et le nouveau visage de Bordeaux. Et la capacité des mesures annoncées pour le changer.