Sur le pont tous les jours, les soignants sont en première ligne. Le manque de matériels de protection indispensables contre le covid19 rend leur quotidien encore plus difficile. A Lesparre aussi, on compte les masques même si le personnel se sent soutenu par ses cadres, les patients.
Certains infirmiers, aide-soignants et même médecins n'en parlent pas ou entre eux, parfois sur des forums. Ce sont les mamans, les conjoints qui relaient ces sentiments et ces informations sur leurs conditions de travail.
La Clinique Mutualiste de Lesparre Médoc est le seul établissement de courts séjours entre Bordeaux et Le Verdon (Pointe de Grave). En temps normal, la clinique dispose de 145 lits de médecine, chirurgie, de soins ambulatoires mais aussi d'urgences. Mais comme d'autres centre hospitaliers, il ya a une continuité de soins en maternité mais aussi en soins palliatifs et des urgences, bien-sûr.
Autant de services qui nécessitent des soins rapprochés et appropriés et qui, sans matériel de protection, sont autant de contacts pouvant propager le virus...
"On a eu 15 jours de plus pour se préparer"
Yann Pilatre, le Directeur général du Pavillon de la mutualité dont dépend la clinique de Lesparre confirme le sentiment de ses équipes. Ces quinze jours de différence entre le "front", de l'Est et d'Ile-de-France et la Nouvelle Aquitaine jusque là moins touchée, auront permis aux équipes de s'organiser. D'après ses informations, il s'attend à un pic la semaine prochaine (entre le 5 et le 9 avril)...L'établissement doit pouvoir "soigner" les Médocains mais aussi intervenir en support du CHU de la métropole bordelaise.
En ce moment, seules cinq personnes porteuses du virus sont hospitalisées à Lesparre. Car, pour l'instant les personnes nécessitant des soins de réanimation sont dirigées vers le CHU. Certaines sont diagnostiquées sur place et renvoyées chez elles et suivies en télémédecine quand leur état n'est pas préoccupant.
Il précise néanmoins sur le sujet de l'approvisionnement en masques :On a une capacité d'hospitalisation de 7 personnes qui peut monter à 17 en cas de besoin. Non ce n'est pas beaucoup. En cas de montée en puissance, on pourra en créer trois lits (de réa) nous permettant de patienter avant de les diriger vers le CHU ou la clinique de Bordeaux Nord...
La situation est en train de se stabiliser depuis hier (jeudi). On va pouvoir les utiliser comme il est préconisé, à savoir: les changer toutes les 4h. Nous avons aussi des masques SFP2 mais il faut que tout le monde comprenne bien quand il est indispensable de les utiliser ou non.
Pour autant, il s'interroge sur l'approvisionnement concernant le reste de l'équipement des sur-blouses et sur-vestes. La situation est "plus tendue" et c'est aussi sur cela qu'il va falloir être attentif.
Néanmoins, cette crise sans précédent a su créé aussi une synérgie, des comportements solidaires :Tout le monde se démène. L'ARS, mais aussi on a vu une solidarité entre les établissements hospitaliers...
Des attentions de tous, comme le centre Leclerc qui offre le petit déjeuner mais aussi la DDE qui est venue rapidement refaire le parking pour qu'on puisse se réorganiser, des entreprises du batiments qui nous ont donné des blouses qu'elles utilisent habituellement pour le désamiantage...
Et le personnel ? Ils sont en moyenne près de 300 sur le site. Leur quotidien, leurs affectations, ont été chamboulés...
On ne doutait pas de nos personnels, mais là... Tout le monde s'est réorganisé sait ce qu'il a à faire.
Concernant les tests ?On a beaucoup de proposition de médecins à la retraites ou sans affectation (dont on a, par exempl,e fermé les consultations, les actes et opérations programmés, NDLR)
Nos médecins seraient très demandeurs pour que les tests soient généralisés, au moins en hospitalier, dés que ce sera possible...
Un accueil téléphonique dédié
Et justement pour pouvoir répondre aux besoins d'informations comme de suivis par téléphone des malades ayant contracté le virus, deux généralistes seront, d'ici lundi prochain, dédiés quotidiennent à cet accueil téléphonique, sur le site médocain.05 56 73 22 47
Entre 9-12h et 14-17h dans un premier temps pour permettre de "trier" et répondre aux appels concernants des symptômes, avant de diriger et conseiller d'éventuels malades du covid-19.Des personnels solidaires malgrés le manque de masques
La solidarité, la débrouille de certrains cadres de santé a permis, ces derniers jours, de récupérer des masques dans des entreprises, certains par exemple dont la date avait expiré...A la clinique de Lesparre, où l'on dignostique pour l'instant que quelques dizaines de suspicions, cette jeune infirmière témoigne :
On nous donne les masques, une boîte après l'autre.
C'est deux par jour. Un le matin un l'après-midi sachant que ce sont des masques de chirurgie qui ne doivent durer que 4h...
Et en plus la clinique s'en ait fait volés... Mais une pharmacienne a pu récupérer un lot de masques périmés...
Les derniers jours ont été éprouvants pour tout le monde et l'avant-confinement a été intense pour les équipes qui ont dû anticiper le Plan blanc qui n'en portait encore pas le nom.
C'est compliqué mais ici, toute la clinique a été réorganisée. Maintenant, tout ce qui est lié au covid-19 est en bas où étaient les Urgences et en haut, on gère le reste et les urgences "classiques".
On sent que le nécessaire a été fait. Des tentes à l'extérieur pour faire un sas...
Dans un premier temps, on ne devrait délester le CHU de Bordeaux que de ses urgences classiques si besoin. Mais après... on est prêt je pense.
Moi je ne suis pas dans la partie covid. Et si je connais mon planning à l'avance, je ne sais pas forcément où je vais travailler. On est polyvalent en ce moment : chirurgie, soins paliatifs, rééducation...
Pour l'instant, le personnel soignant comme la plupart des malades d'ailleurs, ne sont pas testés. On ne sait donc pas qui peut éventuellement être porteur.
En tous cas, on ne nous teste pas, on ne contrôle pas notre température...
Bien-sûr c'est à nous d'y penser.
De toutes façons, les cadres nous ont prévenus: 60 % d'entre nous pourraient contracter le virus...
Les personnes à risque ont déjà été mis en arrêt maladie, d'autres ont été changées de services.
Pour le covid, au début c'était sur la base du volontariat. Maintenant non. Mais personne ne refuse.
Des vies personnelles en suspens
Elle raconte, parmi ses collègues, des médecins que beaucoup ont choisi de ne pas retrouver leur famille. Grace à la solidarité, la proposition d'hôtels, ils vivent momentanément séparés... (voir plus loin/ Infos pratiques)
Aussi, avant, il y avait beaucoup de co-voiturage pour se regrouper à la clinique depuis les village... plus maintenant.
D'autres infirmières, mère-célibataires ont du mal à gérer en plus de faire la classe à la maison...
On ne peut pas ne pas venir, s'arrêter... C'est les autres qui devront le faire. On sait qu'on ne sera pas remplacé. On fait des heures supplémentaires car sinon c'est la santé des gens qui en pâtirait...
Et sinon comment ça va? Ca va. Bien-sûr, c'est un métier de vocation. Et d'autant plus dans des moments comme ceux-là:
On se sent utile!
Mais j'espère qu'on s'en souviendra aussi, après...
Et puis il y a des gestes, de la solidarité. Le matin, des supermarchés, des boulangerie nous offre le petit-déjeuner. Ca remonte le moral.
Reste cette histoire de pénurie de protections qui pourrit le quotidien des soignants et pourrait bien avoir des conséquences sanitaires, politiques voire judiciaires...
Une pénurie nationale
Le porte-parole national du SNPI, Thierry Amouroux, confirme ces contraintes dramatiques. Le 6 mars dernier, un sondage auprès des infirmiers indiquaient que 78% d'entre eux n'avaient pas les masques nécessaires.Des personnels qui doivent en CHU faire avec 2 masques (chirurgicaux simplement) par jour par soignant. Un seulement par jour pour les centres hospitaliers. Et très peu de SFP2 !
Nous sommes près d'un million et demi de professionnels de santé. Ca veut dire qu'il faudrait au moins 3 millions de masques par jour sans compter ceux qui en ont besoin aussi : travailleurs sociaux, caissières policiers..
Un a deux masques par jour dans des services qui pourrait admettre des personnes infectées, porteuses saines etc... Il faudrait pouvoir les changer à chaque contact avec du sang, un fluide corporel...
Y'a une telle colère chez les soignants!
Ce qui se passe dans les Ehpad est dramatique : alors que la mortalité est d'environ 2%, dans les Ehpad, elle monte à 20%. Et comme on ne teste que les deux premiers pensionnaires malades, le reste se contamine.
a logique voudrait qu'on sépare (grâce à des tests sur tous les pensionnaires des Ehpad) les contaminés des autres et faire deux groupe de soignants...
Des responsabilités
C'est sûr qu'il faudra reprendre le fil des responsabilités. Même s'ils sont venus expliquer, chacun leur tour, que le ministre d'avant était plus défaillant.
Selon le syndicaliste infirmier c'est Agnès Buzyn qui a fait croire que les stocks étaient là, que tout allait bien.
Décembre, janvier, il aura fallu attendre fin février, avec Olivier Véran, pour que le ministère passe une commande ! C'est comme les tests. La Corée les a faits... Et nous ? On est la 5ème puissance mondiale...?
Et il peut comprendre la démarche de certains médecins et soignants qui ont engagé une action collective contre le gouvernement, les accusant de "mise en danger de la vie d’autrui, ou de non-assistance à personne en danger, ou d’homicide involontaire.
Ce collectif estime qu'ils sont sous le coup de l'article 223-7 du code pénal, selon lequel:
Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d’amende".
Point sur les masques au 26 mars
Sur twitter, l'Agence de santé de Nouvelle Aquitaine a fait le point sur cet approvisionnement tant attendu.
Une 2ème vague d’approvisionnement national de 2,6 millions de masques disponibles pour les utilisateurs lundi 30 mars et un complément de 500 000 masques mis à disposition par l’ARS Nouvelle-Aquitaine cette fin de semaine.
Une 2ème vague d’approvisionnement des établissements supports de Groupement Hospitalier de Territoire est prévue jusqu’à samedi, elle est plus importante que la première, soit 2,25 millions masques chirurgicaux et 350 000 masques FFP2.
Et l'ARS de rappeler que "deux jours sont nécessaires pour assurer leur déploiement dans les établissements et structures concernées du territoire" (établissements de santé et cliniques, établissements et structures médico-sociales, transporteurs sanitaires, services de soins infirmiers à domicile et d’aide et d’accompagnement à domicile, services d’hospitalisation à domicile, services départementaux d'incendie et de secours).
Ils seront donc disponibles pour les utilisateurs finaux en début de semaine prochaine.
Plus d'informations surle post: ARS aquitaine 26 mars
Des masques en coton "maison"? C'est mieux que rien !
Des infirmières ont fait appel à une maman, une grand mère une voisine couturière pour des masques "fait-maison". Certaines industries textiles détournent leur production pour fabriquer à tour de bras des précieux specimens selon les protocoles. Mais en attendant, les proches de ces soignants ne veulent pas rester les bras ballants et en confectionnent quelques uns...C'est alors que l'ARS Aquitaine s'exprimait sur le sujet : c'est Non! "Pas question de fabriquer des masques en tissu par les couturières maison". "Ils sont insuffisants en terme de protections par rapport aux masques chirurgicaux", explique le Dr Habold, le n°2 de l'Agence Régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine (propos repris par nos confrères de France Bleu Gironde). Donc en tout cas pas pour les soignants, encore moins en cas de patient potentiellement infecté
La réponse du terrain, c'est que c'est de la médecine de guerre. Pour Thierry Amouroux:
Et bien-sûr, le faire dans une trame serrée 100% coton pour pouvoir le laver souvent.Mieux vaut un masque en tissus que rien du tout !
Informations pratiques
Depuis le 24 mars, la plateforme « Appart Solidaire » du ministère du logement permet de mettre en relation les personnes ayant un hébergement disponible (Airbnb) avec des soignants ou des travailleurs sociaux/bénévoles.Ces logements sont mis à disposition gratuitement, au plus près des hôpitaux, EHPAD et centres d’hébergement d’urgence. Chaque hôte volontaire ayant hébergé gratuitement un soignant ou un travailleur social durant cette opération bénéficiera d'un dédommagement d'un montant de 50€ réglé par Airbnb pour chaque réservation.
Pour accéder à la plateforme « Appart Solidaire » : https://www.airbnb.com/d/solidarite-medicale
Dans le même élan de solidarité, le groupe Accor a lancé le programme CEDA (Coronavirus Emergency Desk Accor). Plus de 40 hôtels ont été mobilisés sur l’ensemble du territoire.
Les demandes d’hébergement doivent être transmises par courriel à l’adresse suivante : ceda@accor.com.
Source : ARS Aquitaine le 26 mars