C'est un nouveau mouvement national qui mobilise le monde de l’éducation. La grogne monte dans le corps enseignant contre « le choc des savoirs », réforme annoncée du primaire et du secondaire. Sont mis en cause les groupes de niveaux et toujours l’absence de moyens pour créer de bonnes conditions d’enseignement.
Les parents ne sont forcément pas passés à côté de cette information. Ce jeudi 1er février est jour de grève dans l'Education nationale. En Gironde, quasiment 1 enseignant sur 2 participera à cette grève annoncée massive pour protester contre la réforme initiée par Gabriel Attal, du temps où il était Ministre de l'Éducation.
"Philosophiquement, on ne peut pas accepter ça"
Franck Hiale, secrétaire départemental du syndicat SE-Unsa, annonce tout de suite la couleur et fait part de sa colère concernant le projet gouvernemental en matière d'éducation. "On revient à des choses simplistes, de groupes de niveau. Philosophiquement, on ne peut pas accepter ça.", déclare-t-il, avant de détailler les priorités des enseignants qu'il représente :
"Nous, on a trois priorités : l’inclusion scolaire ; la mixité scolaire et l'attractivité de nos métiers de personnels d’enseignements et d’encadrement". " Ce plan du choc des savoirs va à l’encontre des projets que l’on mène", poursuit-il avant et de porter l'estocade " C'est un vrai retour en arrière sur l’inclusion et la bienveillance".
La rupture est donc franche et consommée entre les syndicats d'enseignants et leur ministère de tutelle.
Même son de cloche du côté des enseignants du 1ᵉʳ degré représentés, entre autres, par Kathy Souffron déléguée départementale du SNUIpp FSU, pour qui cette réforme devrait "renforcer les inégalités, alors que c’est notre principal problème". Elle ajoute : "pour nous, ce sont des réponses qui sont complètement à côté de ce qu’il faudrait faire et qui contraignent complètement les enseignants".
"Ce ne sont que des effets d'annonce"
Le manque de décret au Journal Officiel, pour appliquer la réforme fait partie des autres motifs de grogne des syndicats. Car s'ils trouvent cette réforme injuste, ils la trouvent également impossible à mettre en place.
" Il y a une vraie distorsion entre le temps politique et le temps éducatifs" insiste Franck Huilé, pour qui le temps de l'éducation est un temps long qui nécessite de réfléchir sur du long terme pour prévoir une application des réformes. Concernant cette nouvelle réforme, il dénonce " des effets d’annonce".
C’est maintenant que les chefs d’établissements doivent rendre leur copie concernant leur organisation. Comment vont-ils faire sans texte réglementaire ?
Franck HialeSecrétaire départemental du syndicat SE-Unsa
Une question que partage le SNUIpp FSU. "Ça grogne, y compris chez les chefs d’établissement, confirmet Kathy Souffron. Généralement, on les entend peu dans les contestations", elle se pose la question de "prévoir les dotations horaires, sans pouvoir le prévoir".
Une réforme sans moyens et sans professeur
La principale difficulté des professeurs reste encore et toujours le manque d'effectifs. Kathy Souffron revient sur la promesse faite l'an dernier d'un professeur devant chaque classe, en regrettant que ce ne soit qu'un vœu pieux. "Il y a des enfants qui n'ont classe qu’à mi-temps" à cause du manque de remplaçants. Il faut, selon elle, à tout prix "ouvrir le nombre de postes aux concours, ce qui n'est ni fait, ni annoncé".
Pire, la déléguée syndicale fait état des annonces de suppressions de postes, discutées dès ce début février en Comité social d'administration académique. "On sait qu’on perd 40 postes sur le 1ᵉʳ degré sur l’Académie de Bordeaux".
Même constat pour le secondaire. Franck Hiale détaille les projections : "il faudrait 150 postes pour mettre en place les annonces du Ministre", calcule-t-il, tout en évoquant la mise en place des groupes de niveau, ainsi que la reforme du lycée professionnel. "Pn nous a déjà indiqué la suppression de 34 postes en Gironde, vous voyez le delta".
"Le personnel ne se sent pas respecté et l’école non plus"
Le ras-le-bol des enseignants est toujours plus palpable, "Le personnel ne se sent pas respecté et l’école non plus" constate désabusée Kathy Souffron. Parmi les leitmotivs des syndicats, le manque d'attrait de leur profession, induisant la difficulté à recruter, mais également le changement de voie de beaucoup d'entre eux.
Un malaise relayé par le SNUIpp FSU au moyen d'un site mis en place l'automne dernier. "J'alerte" est une plateforme dédiée aux enseignants, crée afin de collecter leurs témoignages, leurs difficultés et leurs maux. "Au mois de novembre, le Snuipp a déposé 102 alertes sociales dans les 102 départements pour annoncer que le point de rupture social était atteint", explique Kathy Souffron. "Il y a beaucoup de souffrance au travail et la perte de sens du métier" reprend-elle.
Les conditions de travail des enseignants ce sont les conditions d’apprentissage des élèves
Kathy SouffronDéléguée départementale du SNUIpp FSU
En ce 1ᵉʳ février reviennent les demandes d'augmentation pour son syndicat, avec notamment " 300 euros nets par mois pour tout le monde sans contrepartie et revalorisation des conditions de travail".
Grève suivie et établissements fermés
40% des enseignants devraient participer à ce mouvement de grève au niveau national. Dans le département, ce sont plus d'une trentaine d'écoles qui seront fermées.
"On avait fait le choix de rejoindre de cette intersyndicale en priorité pour défendre l’école publique et laïque" explique Franck Hiale, dans un contexte de crise et de défiance avec la ministre de l'Education nouvellement nommée, Amélie Oudéa-Castéra. "Une ministre qui multiplie les sorties malheureuses sur l’école publique, alors que c’est l’école de la République, c’est l’école de tous", conclut le Secrétaire départemental du syndicat SE-Unsa.