Après le conflit, en hommage à leurs disparus, les communes ont fait bâtir des monuments. Certains glorifient la guerre, avec des obus ou des canons à leur base, d'autres arborent le coq de la victoire, certains, avec des statues de veuves évoquent le chagrin. Tous ont une histoire à nous raconter.
Dans le Limousin, le monument aux morts le plus célèbre est certainement celui de Gentioux, dans la Creuse. "Maudite soit la guerre", peut-on y lire, comme la voix de l'orphelin représenté. Un monument pacifiste, souhaité par le maire de l'époque, un poilu, gazé dans les tranchées. Certains l'ont vu comme un monument anti-militariste et il n'a jamais été inauguré officiellement.
Un monument unique en France
D'autres monuments encore racontent une histoire. C'est le cas de celui de La Forêt-du-Temple, dans la Creuse. Sur trois faces sont inscrits le nom des hommes morts à la guerre, sur la quatrième, et c'est là toute son originalité, se trouve le nom d'une femme, Emma Bujardet, suivie de la mention "morte de chagrin". Juste au-dessus, trois autres noms, ceux de ses fils, Fernand, René et Maurice, tous les trois morts au combat.
La famille Bujardet ne vivait pas à la Forêt-du-Temple, mais le mari d'Emma en était originaire. Il dirigeait une usine de produits chimiques à Paris, et a souhaité rendre hommage à ses proches à travers ce monument qu'il a en grande partie financé.
A l'époque, une seule voix parmi les habitants s'est élevée contre cette inscription, un homme qui a cependant participé à la souscription publique pour payer la construction. Des anciens combattants de Guéret se sont aussi émus de voir apparaître une femme comme une victime de la guerre, ils auraient préféré une plaque séparée pour Emma Bujardet.
Un monument pour un régiment
Un autre monument, en lien étroit avec le Limousin, célèbre 800 hommes morts au combat. Il se trouve au Transloy, dans le Pas-de-Calais, et rend hommage à un épisode douloureux de l'histoire du 338ème régiment d'infanterie de Magnac-Laval.
Les réservistes de ce régiment sont originaires de la Charente, de la Creuse et de la Haute-Vienne. Ils quittent la caserne du Magnac-Laval le 6 août 1914, et le 28 août, deux compagnies sont engagées dans une terrible bataille, dans le Pas-de-Calais. Les hommes, des réservistes, sont mal préparés, mal équipés avec leurs pantalons garance, leurs baïonnettes et leurs canons en retard d'une guerre, face aux Allemands qui ont tout misé sur leur armement.
En deux heures, le 338ème perd 800 hommes. C'est la journée la plus meurtrière de l'histoire de ce régiment.
Le lendemain, les habitants du Transloy, à la limite entre le Pas-de-Calais et la Somme, ramassent les corps et les rassemblent dans une grande tombe. Le maire de la commune prend alors l'engagement qu'ils ne seront pas oubliés. Aujourd'hui encore la promesse est tenue, puisque tous les ans en septembre une journée en leur mémoire est organisée. Un monument avec le nom de chacune de ces victimes a également été érigé dans le cimetière.
Ces soldats avaient entre 25 et 35 ans et beaucoup d'entre eux avaient une femme et des enfants. C'est le cas d'Elie Pasquet, mort à 30 ans. Plus tard, son petit-fils, Maurice, marqué par cet événement qui a bouleversé le cours de la vie de toute sa famille a enquêté avec son épouse Michèle pour comprendre de qui s'était passé ce jour-là. Grâce à eux, Magnac-Laval s'est rappelé de ce terrible 28 août 1914.
Maurice et Michèle Pasquet ont toujours été fidèles au rendez-vous du Transloy. Comme Marie-Françoise Delage. André son grand-père, tailleur de pierres à Chabanais en Charente, y a également laissé la vie, et durant toute son enfance, elle s'est rendue dans le Pas-de-Calais sur la tombe de cet homme qu'elle n'a pas connu. Depuis peu, elle y emmène aussi ses petites-filles, et elle vient de comprendre que ce grand-père n'avait jamais connu son deuxième fils, né le jour de son départ pour la guerre.
A l'issue de la guerre 14-18, la plus meurtrière en France, les communes ont souhaité rendre hommage à leurs disparus et ont érigé des monuments. Certains portent les valeurs de la victoire, avec par exemple un coq, d'autres sont guerriers, on y trouve des obus, des canons, d'autres encore pacifistes. Chacun raconte une histoire. c'est le cas par exemple du monument de la Forêt-du-Temple, le seul en France sur lequel le nom d'une femme est inscrit, celui d'une mère, morte de chagrin.
Intervenants dans le reportage : Michel Kiener, historien, co-Auteur de "Nous étions des hommes malgré la guerre : 1914-1919" • Michèle Pasquet, présidente de l'Association pour Honorer la Mémoire des Soldats du 338ème RI • Marie-Françoise Delage, petite-fille d'André Delage • Claudine Maillien, conseillère municipale à La Forêt-du-Temple