Les éleveurs bovins du Limousin ne veulent pas d'importation de viande bovine mexicaine

"À contre-courant", "c’est le monde d’avant", le nouveau traité entre l’Europe et le Mexique fait l’unanimité contre lui. Avec la crise sanitaire, les principaux syndicats agricoles de la Haute-Vienne estiment qu’il faut au contraire changer de cap.
 

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Pendant le confinement, les négociations se sont poursuivies, et l'Union Européenne a ainsi entériné un accord commercial avec le Mexique. Dans le cadre de cette signature, il est prévu que l'Europe puisse importer jusqu'à 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine.

Cet accord a provoqué la colère des éleveurs et bien plus largement, de nombreux citoyens.  Une pétition en ligne "Non à l'importation de 20 000 tonnes de viande en provenance du Mexique !" a été lancée et a déjà reçu des dizaines de milliers de signature.

Le commissaire européen au Commerce, lui, s'est réjoui, sur son fil twitter des avancées sur cet accord :

Emilie Pons de Launay, présidente Coordination Rurale 87, Boris Bulan, président de la FDSEA 87 et Philippe Babaudou, ancien porte-parole régional de la Confédération Paysanne sont tous les trois opposés à ce nouvel accord commercial entre l'Europe et le Mexique. Ils nous expliquent leurs raisons, ils donnent aussi leur vision pour l'agriculture, les nouvelles orientations qu'elle pourrait prendre après 2 mois d'une crise sanitaire mondiale inédite.
 

  • Philippe Babaudou (Confédération Paysanne 87)  -  Eleveur à Saint-Genest-sur-Roselle (70 mères vaches)


Ce traité de libre-échange débarque dans un moment où justement on se posait la question du risque que font porter ces échanges et du dérèglement de la planète,  cela a un côté un peu provocateur.

On entend beaucoup parler justement du monde d’après, ce qui pourrait naître de positif de cette crise sanitaire, et on a l’impression que c’est un traité qui est tout droit sorti justement du monde qui nous a conduit à cette crise. 

Non seulement ça agace, mais ça semble totalement à contre-courant, c’est contre-historique par rapport à ce qu’on est en train de vivre actuellement, c’est absurde.


Après cette crise du coronavirus, il y a bien deux grandes perspectives, le retour au monde d’avant, ou alors si l’on veut un monde plus résilient, c’est le mot à la mode, et bien c’est possible, mais ça ne va pas nous tomber du ciel "Tenez, on vous a préparé le monde d’après !" Il faut se retrousser les manches et le faire tous ensemble. Ça passe par le refus de ce type d’accord de libre-échange.

 

  • Emilie Pons de Launay (Présidente Coordination Rurale  87) - Eleveuse à Eymoutiers en Haute-Vienne (450 mères brebis)


Depuis le début du confinement, il y a eu des grands messages adressés aux agriculteurs, il fallait "continuer à approvisionner la France ", de grands discours sur l’autonomie alimentaire. L’Europe, en même temps, finalise des accords avec des pays dont les productions ne correspondent absolument pas aux normes et aux contraintes que nous avons en France !

Là, c’est carrément le monde d’avant et ça ne va absolument pas dans le bon sens et ça ne fera qu’accentuer les problèmes.

Plus on va aller vers une globalisation, une mondialisation mettant en concurrence sauvage toutes les productions, plus on va aller vers ce type de crises sanitaires qui engendrent des crises économiques.


Si les leçons ne sont pas tirées aujourd’hui, il faut s’attendre à ce que cela recommence. Ce ne sont pas les agriculteurs qui profitent aujourd’hui de la mondialisation, ce sont les intermédiaires de l’agroalimentaire.

Je voudrais croire en une responsabilisation du consommateur, mais j’ai peur que ça reste un peu utopique.  On a vu avec le Covid, les gens sont revenus acheter chez le producteur, ils ont commandé des paniers, mais quand l’économie va repartir les gens vont faire au plus simple et puis au moins cher, et le moins cher, ça ne sera jamais le produit français.
 
  • Boris Bulan (Président FDSEA 87) / Eleveur à Vayres (250 mères vaches)


Moi je vois le COVID comme un rééquilibrage de la nature. Les hommes ont été attaqués par un virus nouveau, parce qu’il y a trop de mouvements, que les gens font trop de kilomètres qu’il y a trop d’échanges. Alors bien sûr, des échanges il en faut, mais est-ce qu’il en faut à ce niveau ?

On détruit une production pour aller mettre une production ailleurs, pour avoir moins de contraintes écologiques et pour faire plus de business plus d’argent,  ce n’est pas logique.


Quand on voit que la France n’est pas capable de faire des masques pour tous les Français, est-ce qu’il ne fallait pas remettre des usines d’État en route, et que les gens qui ne faisait pas grand-chose de leurs journées puissent travailler dedans ?

Il faut relocaliser, c’est sûr. Ça ne veut pas dire fermer les frontières, mais à un moment donné, il faut qu’on produise des choses chez nous. On ne peut pas en permanence faire produire les choses ailleurs : nous ne créons que des chômeurs.

 

 
  • Emilie Pons de Launay (Présidente Coordination Rurale  87) - Eleveuse à Eymoutiers (450 mères brebis)


C’est à nouveau un coup de couteau dans le dos des agriculteurs et encore plus spécifiquement aux éleveurs. Nous ne sommes pas étonnés, mais cela nous met en colère. À la Coordination Rurale, nous défendons l’exception agriculturelle, c’est fondamental pour la souveraineté alimentaire et ça ne passera pas sans un vrai soutien aux agriculteurs !

Il faut vraiment revenir à une politique d’autosuffisance alimentaire à l’échelle de pays et les traités de libre-échange, ça va complètement à l’inverse de ça.


Ca met en concurrence des producteurs français avec des producteurs de pays qui n’ont absolument pas les mêmes contraintes ni les mêmes normes. D’ailleurs, sur ce traité avec le Mexique, on a beau dire que ce qui va rentrer en viande bovine devra correspondre à nos normes, il n’y a aucun moyen qui est mis sur les contrôles.

En plus, là où c’est très pernicieux, c’est que cela destructure complètement les économies agricoles.  L’alimentation devrait être à part de ces traités-là. On est quand même sur quelque chose de stratégique d’un point de vue de la sécurité des populations. Les productions agricoles on ne peut pas les délocaliser, elles sont liées à un territoire, on ne peut pas comme pour une usine, tout déménager et faire produire ailleurs.

Il y a vraiment une spécificité qui fait que l’agriculture devrait sortir de ces accords.
 
  • Boris Bulan (Président FDSEA 87) / Eleveur à Vayres (250 mères vaches)


C’est encore un mauvais coup porté à la production française, européenne même.  Ce traité, nous sommes tout à fait contre. C’est encore un traité de libre-échange et on voit bien aujourd’hui que le libre-échange, ça a une limite.

On a été confiné, on a constaté les changements. Au niveau de la pollution, avec la baisse des activités humaines et des déplacements, moins de voitures, et il y a eu une amélioration de la qualité de l’air. On constate aussi au passage que ce n’est pas le monde agricole qui est le responsable de cette pollution.

On a aussi vu la nature changer énormément et très rapidement suite au confinement, c’est impressionnant. La végétation s’est vraiment adaptée au fait qu’on ne soit plus là. Ce sont des éléments sur lesquels il faut réfléchir.

On se demande où l’Europe veut vraiment aller, est-ce qu’elle veut vraiment être autonome au niveau alimentaire, ou est-ce qu’elle veut faire produire ailleurs ce qu’on peut produire chez nous ?


Pour l’alimentation, il faut que nous soyons souverains, si on dépend toujours des autres, quand on a un problème sanitaire, on n’a plus de nourriture.

Nous aujourd’hui on voudrait vivre de notre production, et sans aides. Parce qu’en fait, nous créons une société d’assistés, et nous les premiers avec les aides de la PAC. Alors je suis sûr que ça ne va pas faire plaisir à des agriculteurs que je le dise, mais c’est la vérité ! C’est comme ça aujourd’hui, si on nous enlève les aides européennes, il n’y a plus d’agriculture, en tout cas plus d’agriculture comme on la connaît aujourd’hui.

En fait, on subventionne toujours pour tout, alors au lieu de subventionner, il faut redonner la valeur aux produits. Une aide à la production de blé ou à la production de viande bovine, aujourd’hui, est-ce que nous avons besoin de cela ?

Si nous n’arrivons plus à nourrir notre population, nous ferons quoi ? C’est sûr qu’il faut faire autrement. On ne peut pas continuer à couper la forêt au Brésil pour pouvoir mettre des vaches au Brésil et pour pouvoir ensuite alimenter l’Europe ! Ce n’est pas possible, économiquement, ce n’est pas possible.
 
  • Philippe Babaudou (Confédération Paysanne 87) /  Eleveur à St-Genest-sur-Roselle (70 mères vaches)


Nous sommes opposés à ces accords commerciaux bilatéraux. Nous considérons que cela met en concurrence des agricultures qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, et donc cela crée des distorsions de concurrence entre les agriculteurs.

D’autre part, il s’agit de souveraineté alimentaire - à ne pas à confondre avec la sécurité alimentaire ou l’autonomie alimentaire - la souveraineté alimentaire c’est quelque chose de politique, un principe qui est de permettre aux populations de disposer de leur propre alimentation, de la choisir,  et donc leur agriculture qui va avec. Ce n’est pas compatible avec les traités de libre-échange puisque justement cela consiste à mettre en concurrence les agricultures locales.

Ensuite, un accord de libre-échange ça marche dans les deux sens ; donc cela va sans doute aussi permettre d’exporter des denrées agricoles de l’Union Européenne ou des voitures ou  de la technologie….  et nous, c’est contre ce grand bazar que l’on se positionne.

On s’oppose de manière générale au fait de considérer que l’on peut mettre l’agriculture sur cette espèce de grand marché international, et échanger des denrées alimentaires contre des technologies ou des services.

Je voudrais aussi préciser que nous nous opposons de manière globale à ces traités, alors que certains les acceptent quand il s’agit de développer nos exportations. Nous pensons que ce n’est pas à géométrie variable, on en peut pas être pour quand ça nous arrange et contre dans le cas contraire.

Pour parler plus particulièrement de l’importation de viande, il y a un 1er constat : nous sommes dans une situation peu reluisante pour la production de viande bovine en France et en Europe, avec déjà des marchés qui sont tendus, alors tout ce qui va contribuer à faire rentrer d’autres viandes supplémentaires sur un marché qui n’est déjà pas très bien portant ne peut que contribuer à le déstabiliser, et à tirer les prix vers le bas.










 
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