Un mois et demi après le second tour des élections législatives, aucun Premier ministre n'a, pour l'instant, été désigné par le président de la République. Emmanuel Macron poursuit ses consultations à l'Élysée au grand dam des députés du Limousin qui condamnent unanimement cette position. Nous avons demandé le point de vue du politologue Thomas Marty.
Sa décision se fait toujours attendre. Après avoir évincé la candidate proposée par le Nouveau Front populaire, alliance politique ayant remporté le plus grand nombre de députés à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron n’a pas encore nommé de Premier ministre.
Son prédécesseur François Hollande, de nouveau élu dans la première circonscription de Corrèze, relève une faute institutionnelle.
Même son de cloche du côté du député NFP (LFI) de la 1ʳᵉ circonscription de Haute-Vienne, Damien Maudet : "Aujourd'hui, Emmanuel Macron fait des appels du pied, mais la vérité, c'est que tout le monde lui tourne le dos parce que personne n'a envie de gouverner dans la sensibilité politique d'Emmanuel Macron."
Maintenant, Emmanuel Macron doit se résoudre à nommer un gouvernement qui est le gouvernement qui a le plus de députés à l'Assemblée nationale, à savoir un gouvernement Nouveau Front populaire.
Damien MaudetDéputé NFP (LFI) de Haute-Vienne
Un jour, il discute avec tout le monde. Le lendemain, il considère qu'il ne faut plus discuter avec tout le monde. Quoi qu'il en soit, il ne nous propose toujours rien.
Stéphane Delautrette, député NFP (PS) de Haute-Vienne
Le député NFP (PS) de la 2ᵉ circonscription de Haute-Vienne, Stéphane Delautrette condamne également la position actuelle d'Emmanuel Macron : "Aujourd'hui, nous, parlementaires, allons continuer à faire des propositions au sein de l'Assemblée et des échanges qui peuvent remonter avec l'Élysée. Pour autant, nous refusons, à ce stade, de revenir à l'Élysée. Tout a été dit."
Condamnation à droite également
Deux journées de consultations à l'Élysée n’ont pas permis de sortir un nom du chapeau pour former un nouveau gouvernement. Pour les partis de droite, un retour à la réalité s’impose.
Les Français en ont marre de la situation actuelle. Pas de la situation politique, elle est annexe, mais de leur situation personnelle.
Bartolomé Lenoir, député A Droite! de Creuse
L'unique député de Creuse, nouvellement élu sous l'étiquette À Droite !, Bartolomé Lenoir, manifeste sa réprobation quant à l'immobilisme présidentiel actuel : "Les Français en ont marre de la situation actuelle. Pas de la situation politique, elle est annexe, mais de leur situation personnelle. Problème de sécurité, problème de pouvoir d'achat pour les agriculteurs parce que je travaille pour un département très rural. Il y a énormément de problèmes."
Laissez-nous travailler ! Donnez-nous les moyens pour travailler !
Frédérique Meunier, députée LR de Corrèze
La députée Frédérique Meunier (DVD), réélue à la 2ᵉ circonscription de Corrèze, demande que la situation actuelle soit débloquée pour pouvoir travailler : "Et je demande aux partis politiques de se mettre autour d'une table et de travailler non pas sur des idées politiques, mais sur des sujets du quotidien des Français."
Quelles que soient leurs tendances politiques, un mois et demi après les élections législatives, les députés élus du Limousin sont impatients de sortir du statu quo pour enfin agir pour leurs territoires.
L'analyse du chercheur en science politique Thomas Marty
- Quelle sortie pour Emmanuel Macron ?
"Aujourd'hui, il y a deux grandes solutions, soit il contourne l'accord du Nouveau Front populaire et il nomme un premier ministre de gauche ou social-démocrate. On parle beaucoup de Bernard Cazeneuve, le dernier premier ministre de l'ère François Hollande, qui concernerait notre député corrézien actuel. Mais Barnard Cazeneuve, c'est quand même une figure politique, il y a quand même beaucoup de freins à sa nomination. Sinon, ça peut être des figures politiques de gauche, des hauts fonctionnaires notamment issus de la Cour des comptes comme Pierre Moscovici ou Dider Migaud, mais qui sont peu connus de nos électeurs. L'autre grande solution, c'est un gouvernement de centre droit ou un accord législatif proposé par la droite à Emmanuel Macron. C'est le sens de la rencontre qui a eu lieu entre Laurent Wauquiez et Emmanuel Macron, mais là, on a un accord législatif, mais on n'a pas de nom. En tout cas, peu de noms qui font sens pour nos électeurs limousins."
- Des députés limousins à suivre de près ?
"Si on a un gouvernement de centre droit ou de centre gauche, effectivement, les députés corréziens François Hollande ou Frédérique Meunier auront un rôle à jouer. Parce que la Corrèze est une terre radicale, une terre centriste. Effectivement, il y aura une espèce de pivot qui se fera au niveau de ces deux députés-là. Avec des configurations et des figures particulières. On voit bien que le jeu que joue François Hollande n'est bien sûr pas le même que celui que joue Frédérique Meunier. Si le contournement de l'accord du Nouveau Front populaire se fait, si Emmanuel Macron va contre les décisions de ces électeurs l'été dernier, là, effectivement, nos députés de Haute-Vienne qui manifestent cet accord et cet équilibre, cet attelage entre les Insoumis et les Socialistes, ces députés-là auront un rôle d'opposition, voire dans la rue avec l'appel à manifester le 7 septembre qui a été émis."
- La réforme des retraites peut-elle être balayée ?
"Il a déjà une proposition de loi proposée par les Insoumis sur cette contre-réforme des retraites. On a tendance à penser qu'elle n'arrivera même pas sur le devant de la scène parlementaire. D'abord, il y a le vote du budget qui peut être la première occurrence qui fait éventuellement tomber un gouvernement. Et si le gouvernement ne tombe pas pendant le vote du budget, il tomberait lors du premier projet majeur proposé, donc cette contre-réforme des retraites et ce retour éventuel à 62 ans qui a peu de chances dans les formes actuelles d'être votée au Parlement."