Organisation des blocs, stratégies électorales, le premier tour des élections législatives a vu la percée historique du Rassemblement national en Limousin. Arrivé en tête en Creuse ainsi que dans les deuxièmes circonscriptions de Haute-Vienne et de Corrèze, le parti d'extrême droite rebat les cartes électorales. L'analyse du chercheur en science politique Thomas Marty.
À l’issue de ce premier tour des élections législatives, dans les six circonscriptions du Limousin, aucun candidat n’a été élu. En Creuse et dans les deuxièmes circonscriptions de Corrèze et Haute-Vienne, le Rassemblement national est arrivé en tête.
Ce lundi 1ᵉʳ juillet matin, dans la 2ᵉ circonscription de Corrèze, la candidate du Nouveau Front populaire - EELV Amandine Dewaele - s'est désistée en faveur de la députée sortante DVD Frédérique Meunier. Dans les cinq autres circonscriptions du Limousin, trois candidats ont obtenu suffisamment de suffrages pour se maintenir au second tour. Cinq triangulaires se profilent pour dimanche prochain.
Le chercheur en science politique Thomas Marty analyse ce premier tour :
Des députés RN en Limousin ?
"Pour les circonscriptions en Limousin, on voit bien que l'enjeu pour dimanche prochain (7 juillet NDLR), c'est : est-ce que le Limousin dans ses six circonscriptions aura un représentant député du Rassemblement national ou affilié au rassemblement National ? Ce serait une vraie révolution électorale. Devant les machines à café à Limoges, à Guéret, à Brive ou à Tulle, ce devrait être ça le sujet principal de conversation. Effectivement, il y aura le sujet national qui sera de dire : qui gouvernera la France demain ? Qui sera le premier ministre ? Cette vague nationale là peut emporter, d'une certaine manière, les décisions locales. Il y aura de vraies questions à se poser. En tant qu'électeur d'une circonscription, qu'est-ce que l'on veut demain comme représentant à l'Assemblée nationale ? Que ce soit pour diriger ou pour s'opposer."
Une nouvelle organisation des blocs ?
"Le bilan, c'est qu'on a effectivement cinq triangulaires sur six circonscriptions. On est dans un ratio de ce qui se passe au niveau national. Le fait électoral fondamental, c'est que le Rassemblement national est devenu la force politique numéro 1. C'est ce parti qui mène le jeu et qui a renvoyé en position d'arbitre le bloc de la majorité présidentielle, en 3ᵉ position. Ce qui peut paraître une position appréciable, mais qui est en fait une position un peu secondaire pour un parti qui aspirait et qui a gouverné pendant sept ans la France. Voilà, le bilan, ce sont les trois blocs qui sont, en Limousin, équivalents dans les ordres de grandeur à ce qu'ils étaient auparavant. Mais le classement à l'intérieur de ces trois blocs est complètement chamboulé. Juste la gauche qui reste sur ses bases électorales fondamentales, une force politique récurrente en Limousin."
Les stratégies électorales
"On a des représentants comme Guillaume Guérin qui ont des positions institutionnelles assises et qui nous parlent de stratégie électorale. Parce qu'ils représentent un parti politique, les LR, etc. Mais sinon, les candidats qui aspirent demain à la députation, notamment les candidats du RN, eux, sont éloignés de toute stratégie électorale. En tout cas, dans les négociations entre partis. Ils s'adressent directement à leurs électeurs et ils essaient de les convaincre d'un strict point de vue de la façon dont ils les représentent. Ce que l'on peut noter, c'est le caractère assez jeune de ces candidats. C'est le cas aussi de beaucoup de candidats de gauche, notamment de La France insoumise en Haute-Vienne. Et donc, ces jeunes représentants du RN et de ces partis qui s'associent au RN (je pense notamment à Bartolomé Lenoir en Creuse) montrent que la politique, ce n'est pas que de la stratégie électorale.
Ce qui motive fondamentalement les électeurs, y compris en Limousin c'est : est-ce que ces représentants-là me ressemblent ? Est-ce qu'ils sont en mesure de mettre en œuvre les éléments de politique publique qui sont mis en avant dont on ne parle pas beaucoup lors des soirées électorales, mais qui sont dans l'inconscient de la plupart des électeurs ? Je pense notamment à toutes les problématiques autour des retraites."
Les jeux sont-ils faits ?
"Fondamentalement, les jeux ne sont pas faits pour la simple et bonne raison que l'écart statistique entre les électorats des uns et des autres est relativement faible. Il y a un vrai enjeu dans la microcampagne que l'on va avoir cette semaine parce qu'il s'agit de déplacer quelques milliers, peut-être quelques centaines de voix entre deux ou trois candidats. Donc, ça peut jouer sur la campagne. Comme il y a peu de désistements, cela laisse à penser qu'il y aura très peu d'évolution électorale, mais il y aura quand même un intérêt à cette campagne.
Il y aura des débats sur les antennes de France 3 et le sens du résultat national qui va jouer - comme il a emporté ce dimanche 30 juin le RN en première position. Un résultat qui emportera certaines circonscriptions au-delà des élus locaux... tout simplement parce qu’il y aura une vague nationale dimanche prochain. En tout cas, il y a fort à parier que ce sera le cas."