I.Ceram, société basée à Limoges et spécialisée dans les implants, notamment en céramique, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce, ce mercredi 24 avril 2024. Une mauvaise nouvelle pour l'emploi, mais aussi pour la recherche. Explications.
"On est dans une complexité financière, on va la régler, on va aller de l'avant, en équipe."
I.Ceram a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Limoges, ce mercredi 24 avril 2024, à la demande de son directeur général, André Kerisit. La société limougeaude, créée en 2005 et comptant 21 salariés, est spécialisée dans les implants, notamment en céramique. Elle connaît des difficultés financières : elle a perdu 400 000 de chiffre d'affaires en 2023 et sa dette s'élève à 700 000 euros, d'où son placement en redressement judiciaire.
Une nouvelle réglementation européenne
Si depuis 1986, une directive européenne indiquait qu'il appartenait à chaque pays d'adapter ses réglementations concernant l'autorisation d'implanter une prothèse dans un corps humain, André Kerisit dénonce la nouvelle certification européenne "MDR", commune à tous les pays de l'Union, plus compliquée à obtenir : "La difficulté pour la France, c'est qu'elle n'a nommé qu'un seul organisme notifié alors que les Allemands ou les Italiens en ont nommé plus de vingt. Donc, on a de grosses difficultés à accéder à notre marché", déclare le directeur général.
Concernant les sternums chargés d'antibiotiques, toutes les études cliniques n'ont pas été réalisées. Et avant de pouvoir prétendre à la certification européenne, il faut d'abord que ces implants soient validés par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
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C'est le caractère d'urgence pour les patients qui a permis les implantations jusqu'à ce jour. En mars 2015, le premier sternum en céramique chargé d'antibiotiques d'I.Ceram est implanté à Limoges, sur une patiente cinquantenaire... Un acte révolutionnaire et une première mondiale.
Depuis, 90 sternums en céramique biocompatibles ont été implantés en France, mais aussi en Grèce, en Allemagne et au Canada. "Si cette société se trouve en redressement judiciaire, on n'aura pas la possibilité d'avoir recours à ce type de matériau-là qui, depuis 2015, a permis de contrôler tous les patients qui ont été implantés", regrette Dr. François Bertin, chirurgien thoracique au CHU de Limoges.
À travers le monde entier, 10 000 à 15 000 prothèses de hanches et 200 à 300 prothèses de chevilles ont été implantées.
André Kerisit évoque également l'augmentation du coût de l'électricité et des matières premières : "La prothèse est tarifée par la Sécurité sociale, qui a baissé son remboursement de 20% en dix ans, alors que tout a augmenté, donc à un moment, ça coince", indique-t-il. Mais souhaite aussi aller de l'avant : "On va continuer à innover et à investir, car c'est la seule solution pour créer de l'emploi, sortir l'entreprise de là et avoir des produits qui sauvent les gens."
"La mise sur le marché du dispositif est sous la responsabilité du fabricant qui le commercialise"
Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), "pour obtenir un marquage CE, le fabricant doit constituer une documentation technique démontrant la qualité et la sécurité du dispositif. En fonction de la classe de risque du dispositif, un organisme habilité indépendant (dit notifié) intervient dans le processus de marquage CE."
Cette autorité nationale se voit confier la surveillance du marché des dispositifs médicaux et des dispositifs de diagnostic in vitro. "La mise sur le marché du dispositif est sous la responsabilité du fabricant qui le commercialise. Celui-ci doit assurer une surveillance de ses performances et de sa sécurité, vérifier qu'aucun problème de sécurité ne survient à l'utilisation pour, le cas échéant, prendre des mesures préventives ou correctives", indique l'ANSM.
Nouveau rendez-vous au tribunal dans deux mois
Le CHU de Limoges a rappelé dans un courrier datant de janvier 2023 et adressé à André Kerisit, directeur général d'I.Ceram, la nécessité de réaliser les études cliniques "pour élaborer une convention qui permettra d'encadrer la collaboration avec la société I.Ceram au titre de cette étude clinique."
La société se trouve aujourd’hui prise en étau, entre des créanciers très pressés, et des chercheurs qui ont d’autres impératifs. Elle sera à nouveau convoquée au tribunal de commerce de Limoges au cours du mois de juin.
Reportage de Franck Petit et Pascal Coussy, réalisé ce vendredi 26 avril 2024 :