Une ancienne religieuse agressée sexuellement par un prêtre il y a 30 ans devait pour la première fois prendre la parole en public, avec une association de femmes catholiques. Rencontre programmée puis annulée.
Aujourd'hui, face à notre caméra, Caroline témoigne à visage découvert. C'est la première fois.
Elle vit désormais à Limoges, mais c'est à Blois que les faits se sont déroulés, alors qu'elle venait de prononcer ses voeux et d'intégrer la Communauté des Béatitudes, un mouvement du Renouveau charismatique.
Un prêtre "très connu", âgé à l'époque de 60 ans, l'a agressée sexuellement, dans l'intimité de son bureau où il confessait ses fidèles. Des actes qu'elle a longtemps refoulés, oubliés.
Pendant 30 ans, j'ai vécu comme dissociée de moi-même. J'ai perdu tout ce temps, toutes ces années. On m'a cassé ma vie. C'est une grande douleur."
Une dizaine de plaintes
Aujourd'hui, 30 ans après, les faits sont prescrits. Mais Caroline a effectué un signalement en avril dernier auprès du Procureur de Blois, qui - à sa grande surprise - a décidé d'instruire l'affaire.
Avant elle, une dizaine de plaintes pour agression sexuelle par ce même prêtre ont été déposées. Il y a eu un procès canonique, qui a abouti à la requalification des faits en simples "gestes déplacés". Le prêtre a seulement été condamné à ne plus confesser.
Je me sens trahie, humiliée.[...] Pendant des années, personne n'a rien dit. Pendant des siècles, l'Eglise a couvert des crimes. [...] Il faut faire le ménage sinon on se rend complice. C'est une maladie, il leur faut des soins. Il faut faire sortir ces gens-là de l'Eglise. C'est trop grave."
Aujourd'hui, l'agresseur de Caroline a 90 ans. Mais ce qui motive cette ancienne religieuse, blessée par la vie et aujourd'hui en dépression, c'est de mettre fin à l'omerta.
La parole muselée
C'est pourquoi elle avait accepté, à la demande de l'association des femmes catholiques, de participer à une réunion le 28 septembre prochain, à la maison diocésaine de Limoges, sur le thème « Femme dans la tourmente de notre Eglise. Un corps brisé».
Mais il y a quelques jours, Monseigneur Bozo, Evêque de Limoges, a fait connaître son désaccord face à cette réunion.
Tout en reconnaissant l'état de souffrance psychique de Caroline pour des faits commis au sein de l'Eglise, il a demandé qu'elle ne soit pas seule à témoigner lors de cette conférence, et que d'autres points de vue soient également mis en avant.
L'association des femmes catholiques aurait préféré annuler la réunion.
Caroline, elle, a décidé de témoigner à visage découvert devant notre caméra.