Le principal syndicat de la restauration a proposé début octobre une hausse des salaires des employés entre 6 et 8,5% pour mettre fin à la pénurie de recrutements. Près de Limoges, un gérant est déjà allé au-delà et plaide pour un assouplissement de la réglementation.
C'était le 5 octobre dernier. L'Umih, le principal syndicat patronal de l'hôtellerie-restauration, a proposé une hausse des salaires allant entre "6% et 8,5%, voire peut-être 9%".
"Ca serait un accord historique. Si on veut mettre fin à la pénurie, il faut rémunérer les salariés à la hauteur du travail qui est fourni. Actuellement, ce n'est pas le cas partout" a indiqué Thierry Grégoire, président de la branche des saisonniers de l'Umih et porte-parole de la négociation sociale alors que des négociations informelles ont commencé dans cette branche professionnelle, où certains minima sont inférieurs au Smic.
#grilledessalaires #sociale " Nous proposons d’augmenter les salaires entre 6 % et 8,5 %, voire peut-être 9 %.Si on veut mettre fin à la pénurie, il faut rémunérer les salariés à la hauteur du travail qui est fourni" https://t.co/zIqYIxWJB7
— UMIH (@UMIH_France) October 5, 2021
Il faut dire que la rentrée est préoccupante. Beaucoup d'hôtels et de restaurants ont vu partir des employés pendant la crise sanitaire et peinent à recruter. En particulier pour le service.
Le secteur, connu pour ses conditions de travail souvent pénibles, ses rémunérations faibles et ses horaires à rallonge a ainsi perdu 237 000 employés entre février 2020 et février 2021 alors qu'il en avait gagné en moyenne 50 000 les deux années précédentes, selon le ministère du Travail.
En Limousin, entre 300 et 500 postes sont à pourvoir d'après l'Umih 87 et près de 3000 en Nouvelle-Aquitaine.
Julien Caro secrétaire général de l'Umih 87, possède deux restaurants à Limoges, l'Acolyte et l'Essentiel. Il emploie neuf salariés en tout. L'un est ouvert du lundi au vendredi, l'autre du mardi au samedi.
On s'en sort même s'il y a moins de clients le midi depuis la rentrée. En partie à cause du télétravail et du pass sanitaire. Je suis pour augmenter les salaires et même verser un treizième mois mais il faudra baisser en contre partie les charges sociales ou patronales car je ne pourrai pas m'en sortir. Je pense surtout que cette mesure peut permettre aux employés déjà présents et motivés de ne pas partir ailleurs.
Stéphane Royer, l'un des deux chefs n'est bien sûr pas contre une augmentation mais s'estime déjà bien payé. "J'ai 47 ans avec une large expérience en France et à l'étranger. Je travaille 40 heures par semaine et je suis en repos dimanche et lundi. Je suis habitué à ce rythme. Ca reste un métier magnifique pour moi qui n'intéresse plus trop les jeunes. La hausse de salaires peut les retenir mais on risque peut être de leur demander plus aussi. Certains patrons abusent aussi déjà" précise-t-il.
Assouplissement du secteur
A trente minutes au sud de Limoges, à la Roche-L'Abeille, Pierre Bertranet, chef étoilé à la tête de deux restaurants, le moulin de la Gorce et les tables du moulin, a augmenté le salaire de sa quinzaine d'employés après un combat de deux ans avec l'administration.
Nous sommes dans un secteur où on est censé faire 39 heures par semaine mais c'est impossible à tenir quand c'est chargé, notamment l'été. On est pas tous à la même enseigne que l'on soit dans la restauration rapide ou la gastronomie et on voit bien les problèmes de recrutement.
En colère contre la rigidité du système, Pierre Bertranet a écrit au ministère du travail, à la préfecture de Haute-Vienne et à la direction du travail pour soumettre ses idées : des salaires plus hauts et moins taxés avec des aides proportionnelles pour les restaurants dont la masse salariale dépasse les 35 % et des dérogations pour travailler plus en fonction de l'activité.
"Actuellement on a des abaissements de charges si on a des employés payés au Smic. Si on augmente le salaire, on perd cela. Ce n'est pas logique". Résultat, le patron a trouvé un accord avec l'administration et ses salariés. "J'ai augmenté les salaires de 13 % et mes employés travaillent 43 heures par semaine, davantage l'été et moins l'hiver. C'est mon choix pour garder mon équipe. C'est comme ça qu'on pourra attirer".
Après le Covid et les fermetures de restaurants, Pierre Bertranet a réalisé un très bel été mais il reste plusieurs dizaines de milliers d'euros de prêt garanti par l'Etat (PGE) à rembourser. "J'aimerais encore embaucher mais je ne peux pas financièrement. C'est quand même dommage".
La situation des patrons et des salariés va peut-être évoluer dans les mois à venir. Le ministère du Travail souhaite conclure des discussions sur les salaires avant la fin de l'année. Une première séance formelle de négociations avec les partenaires sociaux est programmée le 18 novembre et une deuxième devrait suivre le 2 décembre.