Après avoir délivré un permis de construire pour rénover le lieu qui devait accueillir douze enfants, la ville de Limoges a émis un avis défavorable au projet et le département de la Haute-Vienne n'a donc pas fourni d'agrément, malgré les travaux. La gestionnaire a déposé un recours.
L'endroit est immaculé, une cabane en bois trône dans l'entrée et une dizaine de petites chaises sont en place. Mais l'espace, tout juste rénové, est surtout vide. "Ça fait mal au cœur de voir la crèche sans enfants." Ce jeune papa, fraîchement débarqué à Limoges, est dépité en découvrant pour la première fois le lieu qui était censé accueillir la micro-crèche "Le pestacle des crocodiles", dans le quartier du Sablard à Limoges. François Talon avait prévu de mettre ses deux enfants, l'un âgé de deux ans et demi, l'autre de trois mois, dans cette micro-crèche dès le mois d'octobre, mais deux semaines avant de les laisser, la structure qui devait les accueillir reçoit un refus d'agrément.
Des investissements financiers et personnels importants
Sandrine Duvernay est gestionnaire de ce projet, mais aussi d'une autre micro-crèche, Les Chevaliers et les Princesses, ouverte depuis 2021 dans une autre commune de l'agglomération, à Feytiat. Pour elle, c'est une nouvelle douche froide. "Il y a des enjeux économiques importants : un loyer de 2000 euros à payer et un emprunt personnel de 130 000 euros pour les travaux réalisés à rembourser. Mais ce sont aussi des parents qui se retrouvent sans solution de garde, et des professionnels qui ont été recrutés qui se retrouvent sans structure."
Émeline Piarroux travaille dans ce premier établissement avec un contrat de trente heures. Elle attendait l'ouverture de la deuxième micro-crèche pour voir son contrat passer à 35 heures. Trois autres employées auraient dû être recrutées à plein temps pour garder les douze enfants.
C'est la compétence du département de décider si oui ou non une crèche peut accueillir des enfants. "L'agrément est réglementé, précise Gülsem Yildirim, vice-présidente du conseil départemental en charge de l'enfance, de la famille et de la démocratie sanitaire. Parmi les critères, il y a notamment les questions de sécurité, de l'accueil des enfants et la question des besoins du territoire."
C'est ce dernier point qui a motivé, en priorité, le département de la Haute-Vienne à ne pas délivrer l'agrément par deux fois. En effet, avant de rendre sa décision, la collectivité territoriale demande son avis aux communes pour déterminer la pertinence d'ouvrir des places en crèches. Pour ce cas, la ville de Limoges et la commission paritaire (composée de la CAF, de la MSA, du conseil départemental et de la ville) ont tous les deux émis un avis défavorable.
Le besoin d'avoir un maillage territorial effectif en question
"Après étude, la ville de Limoges a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de besoins à l'échelle du territoire, argumente Gülsem Yildirim. Il y a une analyse de long-terme également, nous sommes dans une tendance baissière à Limoges. Il fallait voir la viabilité d'un projet à long terme." La ville de Limoges n'a pas souhaité répondre à France 3.
Un argument incompréhensible pour Sandrine Duvernay. "Il y a des besoins. Je ne me suis pas implantée ici avec ma baguette magique. Je n'offre pas que des places à un quartier [le quartier du Sablard, NDLR] mais j'offre des places à des gens qui ont besoin d'un mode d'accueil. Nous sommes à côté d'un axe autoroutier, c'est sur le chemin domicile-travail de beaucoup de gens." Elle en veut pour preuve la trentaine de préinscriptions qu'elle avait recensées pour ce nouvel espace d'accueil à Limoges.
François Talon, le papa qui devait mettre ses enfants dans cette micro-crèche, témoigne d'une grande difficulté à trouver un moyen de garde. "Nous nous y sommes pris il y a un an, et les crèches municipales étaient déjà pleines. Même chose pour les crèches privées." Quand lui et sa femme ont été avertis de la non-ouverture de la micro-crèche, ils ont été obligés de se contenter d'une place à mi-temps en crèche et de compléter avec des assistantes maternelles à domicile. Cet été, on estimait que 260 familles étaient sans solutions de garde à Limoges.
Un permis de construire accordé en 2022
Sandrine Duvernay ne comprend pas non plus ce refus, car en 2022, la mairie de Limoges lui a accordé un permis de construire pour réaliser les travaux de cette nouvelle micro-crèche. Raison pour laquelle, elle a investi dans les travaux et lancé les pré-inscriptions. Si Gülsem Yildirim, du conseil départemental, reconnaît que le permis de construire justifie de faire les travaux, il ne leur est pas opposable à la décision de ne pas délivrer l'agrément. "Nos critères sont purement objectifs."
Si le motif principal reste les besoins du territoire, le conseil départemental mentionne aussi des "difficultés au niveau du projet social porté par la structure" et des "recommandations de la Haute Autorité de Santé". Sandrine Duvernay regrette qu'il n'y ait pas eu de visites sur le lieu de la micro-crèche pour vérifier la conformité. Elle a déposé un recours administratif auprès tribunal de commerce de Limoges.