Ce théâtre de proximité est ouvert à tous : habitants du quartier et personnes en situation de handicap

Suite de notre série dédiée aux quartiers prioritaires du Limousin. Direction le Val de L'Aurence, à Limoges. Depuis une quinzaine d'années, la compagnie professionnelle "Les Singuliers Associés" invente un théâtre de proximité, pour les personnes en situation de handicap et pour les habitants du quartier.

Dans le Val de L’Aurence, côté sud, "Les Singuliers Associés" sont l’une des plus anciennes associations de ce quartier prioritaire.

Tout a commencé en juillet 2009 lorsque trois metteurs en scène, Sylvie Audureau, Philippe Demoulin et Didier Valadeau, décident de s’associer pour créer leur compagnie théâtrale.

Notre souhait était de développer une nouvelle réflexion artistique autour des thèmes du langage, de l’identité et de la mémoire. On ressentait aussi le besoin de travailler avec du public « empêché », dans le quartier ou avec les personnes en situation de handicap.

Didier Valadeau

Metteur en scène co-fondateur des "Singuliers Associés"

Cette démarche devient l’ADN de la compagnie : développer un théâtre qui va vers un public qui n’a pas forcément accès à la culture.

Un théâtre accessible à tous

En 2019, une création des Singuliers Associés marque un tournant. C’est l’adaptation du film d’animation japonais de Kunio Katô et Kenya Hirata  "La Maison en Petits Cubes". La compagnie revisite ce conte allégorique pour qu’il soit accessible aux personnes malentendantes, sourdes ou malvoyantes. 

On a fait un double spectacle avec deux versions, une "version nuit" et une "version jour" que le public pouvait choisir.

Didier Valadeau

Metteur en scène

Dans la "version jour", un comédien sourd interprétait le personnage et le spectacle comportait une partie vidéo. Dans la "version nuit", une comédienne jouait l’eau, la narratrice. Elle était accompagnée par un musicien et un ingénieur du son, car le spectacle se jouait en aveugle, sans décor, sans image, uniquement avec des fonds lumineux et des odeurs.

Ce parti pris d’un théâtre différent, plus sensoriel et accessible aux personnes en situation de handicap devient la marque de fabrique de la compagnie limougeaude.

Durant la période covid, elle a retravaillé ce spectacle avec l’International Visuel Théâtre de Paris pour en faire une nouvelle version bilingue (langue des signes et en français). Aujourd’hui, la compagnie théâtrale poursuit ce travail avec l’association APF.

En mars dernier, elle a également signé une convention avec l’ARS (Agence Régionale de Santé) et la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) de la Nouvelle-Aquitaine pour recenser, à l’échelle de la grande région, tous les spectacles accessibles aux personnes en situation de handicap sensoriel.

Un "théâtre de proximité"

Même si le siège social est situé boulevard Saint-Maurice, à Limoges, depuis leur création, Les Singuliers Associés restent ancrés au Val de L’Aurence. "Historiquement, avant la création de la compagnie, on travaillait déjà dans ce quartier", explique Didier Valadeau. Cet ancien travailleur social est arrivé à Limoges en 2006. "Dès le début, on a voulu faire un projet de territoire, autour du Val de L’Aurence, qu’on a appelé "le théâtre de proximité"."

Les locaux de travail sont donc en plein cœur du quartier, à l’espace Lucien Neuwirth. C’est là que la compagnie travaille sur différents types de projets tout au long de l’année.

Des ateliers pour les jeunes du quartier

Dans le cadre du programme EAC (Éducation artistique et culturelle), cofinancé par l’Éducation nationale et la DRAC Nouvelle Aquitaine, l’équipe anime des ateliers théâtre auprès des élèves des établissements scolaires du quartier Val de L'Aurence.

On a trente heures avec une classe pour créer un spectacle qui est présenté aux habitants, lors d’un rendez-vous culturel que l’on organise, chaque fin d’année scolaire, dans le quartier.

Didier Valadeau

Pour cette rentrée 2024, la compagnie intervient dans sept établissements, de la maternelle au collège.

La compagnie professionnelle participe également chaque année à l’opération nationale dans les quartiers prioritaires "Quartiers d’été", en organisant des ateliers et des spectacles de proximité dans le Val de L’Aurence. "Cet été, on a aussi fait trois représentations de notre spectacle 'Qui sème des cailloux' qui a été créé à partir de paroles d’habitants et qui se joue en appartement, chez les gens."

Jusqu’en 2022, Les Singuliers Associés animaient également des ateliers loisirs, chaque mercredi. "Mais nous avons dû arrêter, car on a perdu 70% des subventions de la ville de Limoges."

"Identité, mémoire du quartier et parentalité"

La compagnie travaille aussi sur des projets à plus long terme. En 2011, lors de la première rénovation urbaine du Val de L'Aurence, elle a œuvré sur un livre album, « Mémoires Partagées », réalisé avec des photos des habitants du quartier.

Début 2024, une convention pluriannuelle a été signée avec la Préfecture de la Haute-Vienne dans le cadre du nouveau programme "contrat de ville". Baptisé "Quartier sensible", ce nouveau projet s’étalera de 2024 à 2027. "Il n’est pas encore clairement défini, mais il restera axé sur les thèmes de l’identité, la mémoire du quartier, la parentalité", poursuit le co-fondateur des Singuliers Associés.

En parallèle, la compagnie professionnelle poursuit un travail plus traditionnel avec des créations qui tournent un peu partout, mais où l’on retrouve l’esprit et les enjeux de la compagnie : "Il y a un vrai échange entre notre création professionnelle et les ateliers artistiques. Car la pratique amateur est une sorte de laboratoire qui nous permet ensuite de montrer dans nos spectacles", conclut Didier Valadeau. C’est le cas de la dernière création de la troupe "Mamamé", un spectacle né en maison de retraite et ensuite présenté aux pensionnaires.

Les prochaines dates des représentations des Singuliers Associations sont à retrouver sur le site de la compagnie.

En février 2024, nous avions suivi le travail de la compagnie auprès des plus jeunes dans deux établissements scolaires du Val de L'Aurence. Voici le reportage de cette rencontre.