Et si la Haute-Vienne hébergeait le futur de la lutte contre le cancer ? C'est la promesse du groupe Orano Med qui a posé la première pierre d'une usine unique au monde, le 14 novembre 2024 à Bessines-sur-Gartempe. En 2027, elle devrait produire en quantité industrielle du plomb-212, le principal composé d'une radiothérapie de pointe.
Dans la lutte contre le cancer, le groupe Orano Med prépare une nouvelle munition : l'alphathérapie ciblée. Pour cette thérapie innovante, le principal composé, le plomb-212, sera produit en grande quantité à partir de 2027 à Bessines-sur-Gartempe, dans la future ATEF (Advanced Thorium Extraction Facility).
"Le plomb-212 est un isotope du plomb, un atome de plomb radioactif", explique Julien Dodet, le président du conseil de gouvernance d'Orano Med. "Il a un rayon d'action extrêmement court donc on va l'amener à côté de la cellule cancéreuse et il va tuer la cellule cancéreuse et uniquement la cellule cancéreuse, mais pas les cellules saines autour."
L'espoir dans ce traitement réside en effet dans sa capacité à limiter les effets secondaires. "Ça va permettre de prendre en charge certaines tumeurs avec un niveau de tolérance qu'on n'a pas avec d'autres traitements", se réjouit Frédéric Girard, médecin généraliste et président de France Biotech.
Objectif : une production industrielle
Le plomb-212 est obtenu par l'extraction et la purification du thorium-232, un métal radioactif. L'entreprise Orano, née du démantèlement d'Areva, possède 22 000 fûts de thorium-232, ce qui lui permet d'assurer la pérennité de sa production.
L'isotope est déjà fabriqué depuis plusieurs années à quelques kilomètres du chantier, au sein du laboratoire Maurice Tubiana, afin de fournir des essais cliniques. La nouvelle usine doit permettre d'augmenter la cadence afin de passer à une échelle industrielle. Avec l'augmentation de production du plomb-212, Orano Med pourra approvisionner deux laboratoires en charge de fabriquer le traitement, l'un à Brownsburg dans l'Indiana aux États-Unis, et l'autre en France. Ce dernier est en cours de construction, à Onnaing, dans le département du Nord.
Simplifier l'approvisionnement et raccourcir les délais
Le plomb-212 est notamment utilisé dans la conception de l'AlphaMedixTM, un candidat médicament testé sur des patients depuis 2018. La deuxième phase d'un essai clinique est en cours aux États-Unis, et une troisième phase pourrait être entamée dès 2025, outre-Atlantique, mais aussi en France.
L'objectif de l'entreprise est d'atteindre 100 000 doses d'ici à dix ans.
Pour le secteur médical, une chaîne de production 100% française, du composé au médicament, peut apporter une garantie d'approvisionnement du traitement pour les patients.
"Ça paraît anodin de se dire que c'est français, mais il y a des délais de production et d'accessibilité beaucoup plus courts", sourit le professeur Élise Deluche, oncologue au CHU de Limoges. "Il y a des cancers où on commence déjà à l'utiliser [le plomb-212], c'est dans la vague des nouveaux traitements ciblés, moins toxiques, qu'on espère pour nos patients."
Une opportunité pour la commune
Dans l'ancienne cité minière, la nouvelle usine fait l'objet d'un investissement d'Orano Med de 250 millions d'euros. Elle devrait générer entre 50 et 70 emplois directs, et une centaine d'emplois indirects.
Andréa Brouille, la maire de la commune, affirme avoir beaucoup travaillé pour s'en assurer. "La promesse du groupe Orano a été tenue par rapport à un territoire qui lui a beaucoup donné, de par son exploitation. C'est une marque de confiance pour un territoire rural qui prouve que l'usine à la campagne a bien toute sa place", se réjouit-elle.
L'édile y voit une étape pour la réindustrialisation de son territoire. En plus du rayonnement économique attendu avec l'ouverture du site, c'est aussi l'image de la commune qui devrait en bénéficier, grâce à l'accueil de ce laboratoire unique au monde.