A Limoges, la préfecture annonce mardi 31 mars 2020 l'ouverture d'un centre d'hébergement de 30 places destiné aux "malades sans gravité" vivant dans la rue ou en centre d'accueil. L'occasion de faire le point sur les difficultés des personnes sans domicile en période de confinement.
Pas de logement, alors comment se confiner ? Pas de point d'eau, alors comment se laver les mains ? Plus de passants, alors comment faire la manche et obtenir de quoi manger ? Voici quelques-unes des questions auxquelles doivent répondre les centres sociaux et associations en charge d'aider les personnes sans-abri. Une problématique largement amplifiée par la crise sanitaire.
Etre soigné
Mardi 31 mars 2020, la préfecture de la Haute-Vienne annonce dans un communiqué l'ouverture du "premier centre d'hébergement temporaire spécialisé COVID-19 de Haute-Vienne". Il se situe sur le site de Bellevue, dans un bâtiment non-occupé appartenant au CH Esquirol tout proche. Il s'agit d'un ancien bâtiment de pédopsychiatrie qui était vide suite au déménagement de cette structure sur une nouvelle construction. Chacune des 28 chambre dispose d'une salle de bain et d'un petit espace extérieur. Les personnels qui travaillent dans ce centre sont tous des volontaires (6 soignants et 3 éducateurs spécialisés).
Les personnes malades sans gravité, qui sont sans domicile ou hébergées dans un centre qui ne permettrait pas de respecter les mesures de confinement pourront ainsi être accueillies et suivies médicalement. Vingt-huit personnes précaires pourront être accueillies en chambre individuelle et accompagnées par les équipes de l'Association de réinsertion sociale du Limousin (ARSL) et suivies sur le plan médical par une équipe composée de professionnels du CHU et du centre hospitalier Esquirol (médecins et infirmiers), jusqu’à la disparition complète des symptômes. Seymour Morsy, préfet de Haute-Vienne
L’admission dans ce centre sera validée par l'ARS (Agence Régionale de Santé), nous explique le Dr Meriem Malek, responsable de l'équipe mobile psychatrie spécialisée dans le soin des personnes précaires créée en 2005. "A l'heure où je vous parle (31 mars), une personne est en attente pour intégrer ce centre, elle a été dépistée hier et on attend ses résultats. Nous allons continuer à travailler en réseau, comme nous le faisons déjà, afin que soit connue l'existence de ce centre où il y a suffisamment d'espace extérieur pour que les chiens puissent aussi être accueillis.
Le public précaire est particulièrement inquiet par rapport à la pandémie, car ce sont des personnes isolées, avec souvent des problèmes physiques, psychologiques et des ressources limitées ou inexistantes. Concernant les sans-papiers se rajoute la barrière de la langue qui rend difficile l'accès aux informations, ce qui est particulièrement anxiogène. Dr Meriem Malek, responsable de l'équipe mobile psychatrie spécialisée dans le soin des personnes précaires
L'ouverture de ce centre d'hébergement spécialisé est le fruit d'une coopération entre les services de l'Etat, l'ARS (Agence Régionale de Santé), le centre hospitalier Esquirol, qui met les locaux à disposition et fournit les repas, l'Association de réinsertion sociale du Limousin (ARSL), qui gère le centre avec l’appui de la Fondation Delta Plus, ainsi que les équipes médicales du CHU et du CH Esquirol et le renfort des associations de protection civile : Croix Rouge Française et Pompiers de l'Urgence Internationale.
Le premier patient atteint du covid-19 y sera accueilli mercredi 1er avril en début d'après-midi.
Dormir...
De son côté, le Centre Communal d'Action social de la ville de Limoges a renforcé son dispositif depuis la mi-mars. Les maraudes sont plus nombreuses, elles ont désormais lieu tous les jours du lundi au vendredi, contre seulement deux à trois fois par semaine en temps normal. Un maximum de personnes a pu être mis à l'abri comme l'explique Aurélie Lecointre, responsable du pôle action sociale pour la ville de Limoges :Avec l'aide du 115, un maximum de personnes a pu être mis à l'abri soit en centre d'hébergement soit dans des hôtels. Même avec leur chien pour ceux qui en possèdent, ce qui pour eux était une grande inquiétude.
Tous les soirs de la semaine et le week-end, ce sont des associations qui assurent le relais du centre social pour des maraudes qui sont également quotidiennes.
Manger...
Autre préocupation, l'alimentation, avec l'impossibilité pour les personnes qui n'ont aucun revenu de faire la manche. L'épicerie sociale et solidaire reste ouverte, le restaurant social "la bonne assiette" s'est adapté : il n'y a plus de repas servis à table mais des paniers repas à emporter. Les Restos du Coeur, malgré le manque de bénévoles, maintiennent des permanences. La ville de Limoges distribue également une aide alimentaire chaque jour comme le précise Aurélie Lecointre :En ce moment les personnes qui vivent habituellement de la mendicité ne peuvent plus faire la manche, nous avonc donc mis en place des distributions quotidiennes de colis alimentaires. Nous avons même un partenariat avec l'association "croquettes solidaires" pour leurs animaux.
Se laver...
Pour éviter toute contamination, il est recommandé de se laver régulièrement les mains... Oui mais voilà dans la rue pas de point d'eau, de savon et encore moins de solution hydroalcoolique. La Croix Rouge s'adapte à Limoges comme l'explique son porte-parole Paul Borgas-Denis :Lors des maraudes quotidiennes, on essaie de faire prendre conscience de l'importance des mesures d’hygiène et de protection. Mais il est difficile pour eux de les appliquer. Pour pallier le manque de points d'eau, nous avons décidé d'ouvrir l’accueil de jour au 2 rue de Montlhéry tous les après-midi de la semaine, au lieu de 3 jours par semaine en temps normal. Les sans-abri peuvent venir se laver les mains, prendre une douche, laver leurs vêtements et manger un morceau.