Coronavirus : confinement et autisme sont difficiles à concilier

Ce 2 avril est la journée internationale de sensibilisation à l’autisme. A cette occasion, Emmanuel Macron annonce un assouplissement des règles de confinement pour les autistes. Pourquoi est-ce important pour les familles concernées ? Quelques réponses en Haute-Vienne.

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Mathis a 14 ans, et souffre d’autisme sévère. Pour lui et pour ses parents, qui en ont la garde alternée, à Limoges, le confinement obligatoire est difficile à gérer. L’institut médico éducatif René Bonnefond à Eyjaux, où l’adolescent est accueilli habituellement chaque jour, est désormais fermé.

Emmanuelle, sa maman, explique : "Mathis a besoin de beaucoup sortir, normalement il va tous les jours à l’IME où il a ses habitudes avec ses éducateurs et un groupe d’enfants, là il n’y a plus rien. Même si on essaye de faire des vidéos avec son éducatrice référente deux fois par semaine, ce n’est pas la même chose pour Mathis qui est très dans la sensorialité"

A l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, ce jeudi 2 avril, le président Emmanuel Macron a adressé un message vidéo aux autistes et à leurs accompagnants, leur annonçant qu'ils pourraient "sortir un peu plus souvent" avec une attestation faites spécialement pour eux : 
 

Une bonne nouvelle pour Andréa Perrier, directrice administrative du Centre Ressources Autisme à Limoges : " C’est difficile d’arrêter tous les rituels chez les personnes autistes comme aller au parc par exemple, c’est une échappatoire cette porte ouverte du gouvernement " 

Une bonne chose aussi pour Emmanuelle, qui jusqu’à maintenant ne sortait qu'une fois avec Mathis, l’après-midi

J'avoue qu’on dépasse le kilomètre légal pour pouvoir aller dans un parc. Hier j’ai été contrôlée par la police, ils ont été sympas, je leur ai dit je ne pouvais pas tout lui enlever …

Désormais, Emmanuelle espère pouvoir sortir avec son fils une fois le matin et une fois l’après-midi, en toute légalité.

Mathis a besoin d'un cadre très structuré. Un cadre qui, depuis le 16 mars dernier, n’existe plus. Alors que les personnes autistes sont déjà angoissées, le confinement rajoute de l’angoisse et du stress, et toutes les activités extérieures qui permettent de les calmer ne sont plus accessibles.

Terminées donc les sorties à l’IME ou à la piscine pour le jeune garçon, une activité qui l’apaise beaucoup normalement.  Résultat : "Les stéréotypies de Mathis se sont renforcées. Les crises qui avaient presque disparu reviennent". 

Emmanuelle a bien essayé d’expliquer à son fils la situation sanitaire : "Je ne crois pas qu’il y ait été insensible, mais je ne peux pas lui demander l’impossible, de comprendre ça et de comprendre toutes les privations de liberté, sans qu’il fasse de crises. Il y a une limite à ce qu’il peut accepter et endurer"

"Cette épreuve est surmontable pour moi, mais pas pour tous..."

Chacun vit cette période inédite à sa façon. Tom, atteint du syndrome d'Asperger, est entré récemment dans la vie active, grâce à une formation en alternance pour la radio locale Bram’FM de Tulle en Corrèze. Confiné en Haute-vienne, chez ses parents, il continue à "télétravailler". Il nous livre son sentiment en cette période inédite. Il sait que pour certains, il s'agit d'une épreuve. 
 


Les règles contre l’aléa

Emmanuelle propose à Mathis, chaque jour, de nombreuses activités manuelles et sensorielles, qu’elle proposait déjà d’ordinaire mais qu'elle a multipliées : jeux avec des bacs de semoule, de haricots blancs, ou encore coloriage.

Le psychologue Charles Durham, spécialiste de l’autisme, conseille d’instaurer de nouveaux rituels :

Le plus important, c’est d’avoir une journée la plus structurée possible, avec des repères dans le temps et l’espace, mettre en place des emplois du temps, pour amoindrir l’anxiété.

Selon lui, le fait d’instaurer des règles et de faire comprendre quand c’est possible à la personne autiste que ces règles s’appliquent à tous, devrait être rassurant. Il ajoute : " Il faut éviter la surcharge sociale, donc quand c’est possible il faut permettre à la personne d’être seule dans une pièce."

A cela, le Docteur Eric Lemonnier, médecin chef de service au Centre Ressources Autisme (CRA), rajoute ce conseil : "Éteignez la télé ! ". Un conseil que beaucoup sans doute devraient s’aviser de suivre, et pas que chez les personnes autistes, tant les médias peuvent être générateurs d’anxiété s’ils sont trop regardés.

"Les personnes autistes ont du mal à faire des nuances. Attention à ne pas se nourrir sur les réseaux sociaux de toute la folie qu’on peut y trouver" insiste le Docteur Lemonnier. Face à l’assouplissement des règles de sortie pour les autistes et leurs aidants, le médecin souhaite tout de même rappeler que "la priorité reste qu'il nous faut limiter le plus possible la contamination".
 


Le Centre Ressources Autisme, géré par le CHU de Limoges, reste actif, tant sur les diagnostics que sur l’accompagnement des familles. Il a notamment mis en place une cellule d’écoute au 05 55 05 89 84, qui mobilise plusieurs professionnels comme des psychiatres, psychologues, référents parcours ou éducateurs.

Jusqu'ici, les appels, peu nombreux, concernaient l’organisation et la gestion du quotidien. "Mais il y a tout de même eu des personnes en grande difficulté qui ont appelé. Une maman inquiète pour son fils adulte isolé par exemple ; on a pu prendre contact avec son fils et mettre en place un suivi par téléphone" précise Andréa Perrier, directrice du CRA.
La structure limougeaude s’emploie à maintenir un lien sur le terrain, même à distance. Tout comme d’autres acteurs associatifs ou hospitaliers.

Mais téléphone et vidéo ont leurs limites. Rien ne peut empêcher le sentiment de solitude partagé par de nombreux parents d’enfants autistes. 

"Malgré ce qui a pu être dit, on a été laissé sans aucune prise en charge, les parents se retrouvent avec leurs enfants 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec plus aucun intervenant. On n’a plus de répit", Emmanuelle, la maman de Mathis, est malgré tout heureuse d’avoir un extérieur, une chance que d’autres n’ont pas : "On a la chance absolue d’avoir un jardin, Mathis adore la balançoire."



 
 
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