Il s'agit du symptôme probablement le plus troublant de la Covid-19 : la perte du goût et de l'odorat. Il est difficile de connaître la proportion de malades qui présentent agueusie et anosmie, mais ce qui est certain, c'est que les conséquences sur le quotidien sont pour le moins perturbantes.
C'est ce qu'on appelle le Covid-long, les conséquences à long terme de la maladie, des symptômes qui persistent. Ils sont au moins une cinquantaine à avoir été identifiés par l'AP-HP.
Parmi ces manifestations qui perdurent, les maux de têtes, la toux, les frissons…Et puis, il y a aussi la perte de goût et de l'odorat, en langage médical, l'agueusie et l'anosmie. Sophie Ducroix Roubertou est médecin, spécialiste des maladies infectieuses. Elle a probablement attrapé la Covid à l'hôpital, c'était il y a trois mois. D'abord la fatigue, les douleurs musculaires, les symptômes évidents, puis un matin, un yaourt qui n'a plus aucune saveur. "Tout est fade. On peut détecter le salé, le sucré, l'acide et l'amer, la texture en bouche, mais c'est tout."
Le carré de chocolat, la première tentative, c'est terrible. Il n'y a que la sensation de gras. Il n'y a plus aucune sensation réconfortante qu'on peut connaître d'habitude. C'est hyper décevant !
Ensuite, viennent une perte d'appétit et un quotidien bousculé : "J'ai fait cramer je ne sais combien de repas. Les enfants me disaient 'Maman, ça sent le brulé', ou encore quand le chien, qui s'était roulé dehors sentait mauvais, moi, je ne sentais rien". Le parfum n'existe plus. Sophie raconte sa crainte de ne plus sentir l'odeur feuilles, des arbres ou de la campagne lors de ses futures promenades en forêt qu'elles affectionnement tant.
► Le reportage de François Clapeau, Valérie Agut et Robin Spiquel
Dans sa cuisine, Sophie témoigne, à l'heure de préparer le déjeuner. Une simple omelette au bacon... Encore aujourd'hui, ce plat du quotidien peut réserver de mauvaises surprises : "Je sens à peine une odeur de fumée, de grillé"
L'agueusie et l'anosmie sont des symptômes fréquents de la Covid. La modification de l'odorat est d'ailleurs le deuxième symptôme le plus fréquent après les céphalées. "Ce sont nos collègues de l'Est de la France qui nous alerté après avoir constaté la corrélation entre l'anosmie et le coronavirus au printemps dernier" explique Aurélie Scomparin, médecin ORL Polyclinique de Limoges. Environ 70 % des malades de la Covid ont été touchés, pendant la première vague.
Le mécanisme ? Le coronavirus colonise les fentes olfactives et emprisonne les neurones responsables de l'odorat. "Le virus ne va pas directement attaquer le neurone, mais les cellules qui sont autour. Cela va sidérer l'odorat, sans forcément avoir le nez bouché" détaille le docteur Scomparin.
La rééducation pour la guérison
Le problème, c'est que cette perte de goût et de l'odorat s'installe dans le temps et nécessite une rééducation, car il n'existe pas de traitement médicamenteux. Aujourd'hui, encore 8 % des malades Covid de la première vague du printemps 2020, atteints d'anosmie, n'ont pas retrouvé l'odorat. C'est peut-être peu, mais c'est très long.
Pour Sophie, la rééducation passe par un jeu de société, avec des boites contenant des odeurs qu'il faut reconnaître."La lavande, je sais la reconnaître, mais pas depuis longtemps. Je ne peux pas dire qu'il n'y a pas de progrès, je suis partie de zéro. Mais je ne suis pas du tout à 100 % de mes capacités antérieures."
Une épreuve de plus à surmonter pour retrouver une vie normale, après une maladie parfois longue et encore mystérieuse.
La société française d'ORL a édité un petit guide pour accompagner la rééducation. Les senteurs recommandées sont :
- La vanille
- Le café
- L'aneth
- Le thym
- La cannelle
- Le clou de girofle
- La lavande
- La coriandre
- La menthe
- Le cumin
- Le vinaigre léger
Les échantillons peuvent être "faits maison". Pour que cela fonctionnel, il faut prononcer le nom du produit avant de le sentir, ainsi, l'association entre la molécule et son identification se réalise. C'est ainsi que l'on "conditionne" à nouveaux les neurones récepteurs.