Certains secteurs restent encore à l'arrêt, d'autres ont décollé et ressentent un frémissement d'activité. Mais la fin d'année s'annonce compliquée. Tribunal de Commerce, administrateurs judiciaires, syndicats professionnels sensibilisent entrepreneurs et artisans à anticiper les difficultés
Isabelle Lescure est présidente en Haute-Vienne de la Fédération Française du Bâtiment, l'un des deux syndicats du BTP. Elle-même dirigeante d'une entreprise de peinture, elle constate une reprise d'activité. Les carnets de commandes commencent à se remplir dans le BTP, pas suffisamment cependant pour une réelle visibilité qui donnerait confiance et assurance aux dirigeants et à leurs partenaires.
Ça reprend doucement, les chantiers des particuliers sont là, les constructions en cours ont repris, reste les marchés publics qui ne sont toujours pas vraiment relancés. Crise sanitaire et élections différées, c'est compliqué.
Elle appelle donc ses pairs à anticiper les difficultés qui pourraient survenir en fin d'année. Des dépôts de bilans en cascade sont redoutés vers octobre, novembre. Les trésoreries vont s'épuiser.
Il est rappelé aux chefs d'entreprise ou aux artisans qu'ils peuvent encore demander le PGE, le prêt garanti par l'Etat, le déconfinement n'a pas mis fin à ce dispositif, il est encore ouvert jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit d'un prêt d'un an que garantit l'Etat à hauteur de 70% du montant du prêt. Pour les plus petites entreprises, cette garantie peut atteindre 90% du prêt. Quant à son montant, il peut représenter jusqu'à 3 mois de chiffre d'affaires. L'entreprise doit prendre rendez-vous auprès de sa banque habituelle pour obtenir un pré-accord. La démarche se fait ensuite en ligne auprès de BPI France, qui renvoie un numéro unique. L'entreprise communique ce numéro à sa banque qui peut alors débloquer le montant du prêt.
Jean-Louis Le Maléfan a une entreprise multiservices, avec 6 salariés, depuis 10 ans.
Je suis passé sur le grill avec ma banque quand j'ai demandé le PGE
"Ma trésorerie est saine, on a pu passer le cap du confinement grâce au chomâge partiel. L'activité reprend, c'est sûr, on le sent, mais j'ai préféré solliciter ce PGE pour le cas où, même si pour ça, j'ai eu l'impression de passer un examen ! Ça ne m'a pas vraiment fait plaisir d'être considéré comme un débutant" ajoute t-il.
Pour faire le dos rond, il est nécessaire que l'artisan ou le chef d'entreprise se rapproche de sa banque pour étaler, voire geler, ses échéances d'emprunts. Même démarche auprès de l'URSSAF ou des impôts.
Vincent Gladel est administrateur judiciaire à Limoges, Clermont-Ferrand et Paris. Une profession que, par définition, n'aiment pas beaucoup fréquenter les chefs d'entreprise ou les artisans. Liés aux situations de dépôts de bilans, ils sont nommés par le Tribunal de Commerce pour faciliter la continuation de l'exploitation lorsque, notamment, son redressement judiciaire est prononcé. Quand il est nommé par le Tribunal, Vincent Gladel analyse les difficultés rencontrées et trouve des solutions pour tenter de sauver l'entreprise et limiter le nombre de licenciements. Mais il met aussi ces mêmes capacités professionnelles de négociation, de diplomatie et de discrétion au service des dirigeants en dehors des procédures de redressement judiciaire, c'est-à-dire bien avant que la situation financière soit trop obérée.
Avec la crise sanitaire, des entreprises saines avec même une reprise d'activité peuvent subir, dans les mois à venir, des contrecoups en cascades. Un cap qu'il est possible de passer si l'ensemble des partenaires sont sensibilisés à temps, c'est-à-dire bien avant la cessation de paiements.
La pire des attitudes, c'est le déni. L'artisan, l'entrepreneur, l'agriculteur qui navigue à vue, sans faire de prévisions peut vite se retrouver dans le rouge et perdre sa capacité de négocier.
Car pour négocier, il faut être fort, donner confiance au partenaire financier. D'où l'importance d'anticiper.
On ne gère pas une entreprise avec du découvert. Dès qu'on voit que la trésorerie fond comme neige au soleil, il faut réagir
Des procédures préventives sont là pour accompagner le dirigeant en cas de manque de trésorerie
Il y a certes les emprunts, le patrimoine, mais le nerf de la guerre, c'est la trésorerie. Une entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale, une association ou un micro-entrepreneur qui rencontre des difficultés économiques, juridiques, sociales ou financières, a à sa disposition plusieurs possibilités pour en trouver, à condition que le dirigeant s'en inquiète très tôt.
Il peut ainsi faire la demande au Greffe du Tribunal de Commerce de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Elle permet une réorganisation de l'entreprise pour optimiser ses forces et réduire ses faiblesses, apurer le passif et maintenir les emplois.
Mais attention, l'entreprise ne doit pas être en état de cessation de paiement.
Elle ne doit toujours pas l'être pour cette autre possibilité : la conciliation. Le dirigeant se présente au Greffe du Tribunal de Commerce pour solliciter la nomination d'un conciliateur. La mission de ce conciliateur est d'élaborer un protocole d’accord après négociation avec les créanciers de l’entreprise, en vue d’obtenir un rééchelonnement des dettes et/ou la mise en place de financements adaptés. Il est désigné pour 4 mois maximum, renouvelable un mois au plus.
Autre possibilité à la disposition du dirigeant : le mandat ad hoc. Là aussi, il faut réagir au moins deux mois avant la cessation de paiements. Comme les deux autres procédures, elle est préventive et confidentielle. Elle permet le règlement amiable des difficultés, sans aucune publicité autour de celles-ci. Le but est de rétablir la situation de l'entreprise. Dès réception de cette demande, le président du tribunal de commerce reçoit le débiteur et recueille ses observations. Le débiteur peut proposer le nom d'une personne qu'il souhaite voir désigner comme mandataire ad hoc.