En cette période où l'on cherche partout les économies d'eau, l’Office international de l’Eau, basé à Limoges (87), copilote, chez le fabricant de sirops Monin, situé à Bourges (18), un projet qui permettra de drastiquement diminuer les pompages de l’industrie agroalimentaire.
Deux acteurs d'un même projet
D’un côté, à Limoges (87), l’Office international de l’Eau : il a été créé en 1991, de la fusion de trois organismes, dont la Fondation de l’eau, née dans la capitale limousine, en 1977. Son but : coordonner et mettre en synergie les moyens et activités des trois organismes, mais aussi permettre de développer les compétences afin de mieux gérer l’eau en France, en Europe et dans le monde.
De l’autre, à Bourges (18), les sirops Monin. Fondée en 1912, l’entreprise fabrique depuis des sirops haut de gamme, bien connus des professionnels des bars et des restaurants, en raison de son choix, près de 150 saveurs aujourd’hui, et de sa qualité. Monin, ce sont six usines, et 900 collaborateurs, répartis sur la planète. En 2023, sur l’ensemble de ses sites, elle a « sorti » près de 55 millions de "cols", comprendre bouteilles, avec une capacité allant jusqu’à 300 000 par jours, dont un tiers peut provenir de la maison mère de Bourges.
Et depuis peu, les deux entités copilotent un projet, qui pourrait bien révolutionner l’industrie agroalimentaire : Life-ZEUS !
Une solution pour économiser l'utilisation de l'eau dans l'industrie : "Cela va permettre de passer de 60 000 m³ d’eau prélevés par an à moins de 20 000 !"
L'industrie, et notamment l'agroalimentaire, est une très grosse consommatrice, et donc captatrice, d’eau, pour ses besoins. Dans le Cher, au siège flambant neuf de Monin, cela équivaut à près de 60 000 m³ captés par an.
Mais Life-ZEUS, le projet commun, se promet donc de tout changer.
Acronyme anglais pour "Zero liquid discharge - Water rEUSe"(zéro rejet liquide-réutilisation de l’eau), le projet a en effet pour ambition de permettre de diviser par trois les prélèvements dans le milieu aquatique, en récupérant l’eau utilisé.
C’est une installation qui vise à récupérer 100%, ce qui est unique en France et en Europe, des eaux de l’industrie, pour séparer l’eau des composés sucrés. L’eau sera ré-envoyée pour un second usage, et le concentré sucré sera valorisé en méthanisation à proximité du site. Cela va permettre de passer de 60 000 m³ d’eau prélevés par an à moins de 20 000 !
Julien LouchardFormateur et directeur du développement de l’Office international de l'Eau - Limoges
On va à la fois très loin dans les taux de réutilisation de l’eau puisqu’on espère réutiliser plus de 80% de l’effluent en eau conformes au contact alimentaire, et aussi parce qu’on va très loin dans la réutilisation de l’eau elle-même, jusqu’au contact alimentaire lavé des installations, qui contiendront le sirop.
Ludovic LanouguèreDirecteur projet européen Life ZEUS, entreprise Monin – Bourges
Un projet pour l'avenir
Life-ZEUS se veut un système vertueux, mais surtout cohérent, alors que les effets du changement climatique ne cessent de se faire sentir.
Même si Monin se trouve sur une zone de nappes phréatiques, le déficit en eau y est tout autant chronique qu’en Limousin, qui n’a pas les mêmes avantages.
Les scientifiques nous prédisent, à l’horizon fin de siècle, 40% de débit en moins dans nos rivières, l’été et l’automne, sur l’Yèvre [NDLA : la rivière de Bourges], et une recharge des nappes souterraines de l’ordre de moins 30%.
Cécile FalqueAnimatrice S.A.G.E. (Schéma d'aménagement & Gestion des Eaux Yèvre-Auron) et EPTB Loire (Etablissement public Loire)
Or, en cas de sécheresse, l’industrie n’arrive qu’en troisième dans l’ordre des priorités pour les prélèvements d’eau, après l’agriculture et les particuliers. Moins d’eau captée, plus d’eau réutilisée, le bénéfice parait évident.
Un projet appelé à se développer à l'échelle européenne, sinon plus
Ce codéveloppement de ZEUS n’a d’ailleurs pas vocation à rester entre Bourges et Limoges. Projet de quatre millions d’euros, cofinancés par l’industriel, l’Agence de l’Eau, et à 50% par l’Europe, l’unité installée chez Monin sera terminée en juin, pour une mise en service en 2025.
Et ce sera alors l’occasion, pour l’Office international de l’Eau de Limoges, de former les professionnels européens sur site, afin que ce projet puisse être dupliqué.
Si on multiplie ce type de projet au niveau du monde industriel, et spécifiquement de l’industrie agroalimentaire, on sera sur des volumes économisés qui seront considérables !
Julien LouchardFormateur et directeur du développement de l’Office international de l'Eau - Limoges