Éducation : continuité pédagogique aussi pour les élèves étrangers arrivés en France

Ils sont étrangers et ne comprennent pas le français. Ils viennent d'arriver en France avec leurs parents, ou seuls. L'objectif : leur inclusion en circuit scolaire. Mais avant, il faut les y préparer. Geneviève Guilliano, enseignante-coordinatrice nous en parle.
 

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Après des études de langues, Geneviève Guilliano se voit confier en 1997 par le rectorat la coordination d'un dispositif pour élèves décrocheurs et, deux ans plus tard, celle d'un dispositif pour des élèves de plus de 16 ans ne parlant pas français, nouvellement arrivés à Limoges. En 2013, elle intègre le CASNAV de l'académie de Limoges, qui suit notamment les parcours scolaires des élèves à besoins éducatifs particuliers.   

Quel profil ont-ils ?

Ce sont des lycéens de familles étrangères qui arrivent en France. Mais ce sont aussi les mineurs isolés qui fuient leur pays d'origine pour raison de guerre, de persécutions ou de pauvreté économique. On le sait, ils sont arrivés en grand nombre ces dernières années.
Ce sont donc des profils différents, certains ont été scolarisés dans leur pays et pourront rapidement intégrer un niveau scolaire similaire ici, mais il faut les y préparer. D'autres ont été peu ou pas scolarisés dans leur pays. L'objectif de l'académie est de les préparer à suivre une scolarité ou une formation, c'est tout le projet de l'école inclusive. Leur donner toutes les chances possibles, comme s'ils étaient nés en France.


Ils sont combien ?

Compte-tenu de leurs différences importantes de niveaux scolaires, il y a deux dispositifs à Limoges : le premier pour 30 élèves de plus de 16 ans, le second pour 15 élèves. Ce dernier groupe accueille les jeunes qui ont été peu scolarisés, voire qui sont analphabètes. Ce dispositif a été créé il y a deux ans, il est co-financé par l'académie de Limoges et par la subvention des fonds sociaux européens.

Comment se déroule normalement leur enseignement ?
 


Comme pour les collégiens, le dispositif pour les plus de 16 ans s'appuie sur un établissement scolaire support, à Limoges c'est le Lycée Gay Lussac. Les élèves s'y rendent chaque jour et intègrent leur groupe de travail selon l'emploi du temps défini. Ils reçoivent des cours de français (alphabétisation pour certains, français langue étrangère ou de scolarisation pour d’autres), de mathématiques et d'anglais. L'équipe est constituée de 5 enseignants pour le premier groupe de 30 élèves, de 3 enseignants pour le deuxième groupe.

Pendant le confinement et depuis le déconfinement, ça se passe comment ?

C'est sûr que l'éloignement a bien compliqué nos relations avec eux. Il a fallu faire avec les moyens à notre disposition. Peu ont un ordinateur, et quand ils en ont, ils n'ont pas forcément de connexion internet. Pour les enfants en famille, leurs parents ne parlent pas forcément non plus le français, donc ils ne peuvent pas les aider. Pour les jeunes en foyer c'est peut-être plus aisé car ils ont les éducateurs auprès d'eux, ils ont accès à internet et bénéficient d'une entraide collective. Pour les jeunes mineurs isolés en appartements, regroupés par 2 ou 3, c'est vraiment plus compliqué. C'est donc essentiellement par téléphone que nous avons communiqué avec eux. Et même par téléphone, nous nous sommes heurtés aux forfaits et cartes prépayées qui expiraient pendant le suivi pédagogique. Il nous est arrivé plusieurs fois de ne plus avoir de nouvelles d'élèves pendant 2 ou 3 jours. Dans ces cas là, on s'inquiète bien sûr. On demandait alors à leur éducateur de passer les voir pour s'assurer que tout allait bien. Et c'était souvent la carte sim de leur portable qui était expirée.
Pour le reste, il nous a fallu aussi adapter nos outils pédagogiques. Nous avons bénéficié de ceux qui nous ont été proposés par notre propre académie mais aussi par d'autres, il y a eu beaucoup de solidarité et d'entraide entre enseignants, ça nous a permis de piocher ici et là pour proposer ce qui pouvait être le plus attractif. On a souvent procédé par photo, ce qui a rendu nos conversations individuelles plus interactives.


C'est compliqué quand même de s'assurer de la bonne compréhension d'un élève à distance ...

Oui, sans vidéo nous n'avons pas les mimiques, les expressions que l'on connait ... un élève qui parle français peut faire part de ses interrogations assez spontanément, mais la distance physique augmente la barrière de la langue.

Ils ont perdu en motivation ?

Et bien pas du tout. Vous savez, ce sont des jeunes qui ont connu des situations tellement plus redoutables qu'il leur en faut bien plus pour perdre cet espoir qu'ils ont vissé au corps. Ils ont été sérieux, ont bien compris la situation sanitaire mais ils n'ont pas été plus inquiets que ça. Leur inquiétude se portait davantage sur l'avancée administrative de leur statut, la peur de laisser passer un délai, compte-tenu de la fermeture des administrations

L'important était de garder le lien...

Oui, nous nous sommes d'ailleurs vite aperçu qu'ils comptaient énormément sur ce lien quotidien. Nous leur avons donné nos numéros de portables personnels, nous sommes tous rendus disponibles tous les jours, même le dimanche, même le soir. Ils sont délicats, ils nous demandent avant s'ils peuvent nous appeler, mais on ne refuse jamais. Nous nous devons d'être attentifs à leurs inquiétudes, leurs angoisses même. Vous savez, quand un jeune appelle à 20h, c'est moins pour avoir une réponse à un problème mathématique que par besoin de parler. Et pas de mathématique.

Pas de vacances alors ?

Et bien non puisque la situation est inédite, elle a bousculé nos automatismes mais aussi nos temps d'intervention auprès de ces élèves. Nous n'avons pas relâché tous au sein de l'équipe. Mais ce métier nous passionne. En ce moment, ce sont les questions d'orientations qui arrivent. Le respect des règles de déconfinement rend la tâche encore plus difficile, c'est vrai que tout ça occupe bien nos journées. Le temps se partage entre les élèves, les contacts entre nous bien sûr puisque, comme pour les autres parcours scolaires, nous avons besoin de nous parler, et le suivi avec le rectorat. Nous attendons les instructions du gouvernement pour savoir comment nous allons reprendre les cours. En attendant, c'est toujours la continuité pédagogique à distance qui est de mise.


 

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