Plusieurs dizaines de migrants étrangers vivent en Limousin. Certains dans des squats, d'autres dans des hôtels ou dans des centres d'accueil de demandeurs d'asile. Ils sont majeurs, mineurs, parfois en famille. En pleine épidémie de coronavirus, comment sont-ils pris en charge ?
Depuis juin 2019, ils sont une centaine de migrants à avoir investi un squat, avenue de la Révolution à Limoges. Avec la mise en place du confinement à la mi-mars, tout est suspendu. Les titres de séjours ont été renouvelés, les procédures d'expulsion hors du territoire gelées.
Les services de l'Etat ont proposé des logements dans des hôtels début avril. Une proposition indigne selon le collectif Chabatz d'Entrar qui soutient les migrants du squat depuis le début :
Des migrants sont déjà passés par ce dispositif. Dans ces hôtels, certaines chambres sont insalubres, parfois contaminées par des punaises de lit. De plus, on ne peut pas y cuisiner, c'est interdit, cela oblige à sortir en plein confinement. Ce n'est pas satisfaisant ! Ce que l'on veut, c'est une solution durable, que l'Etat régularise. (Blandine Marty, avocate du squat avenue de la Révolution, spécialiste en droit des étrangers)
Secours Populaire, banque alimentaire et bénévoles se relaient pour soutenir cette population fragilisée. Fin octobre 2019, le tribunal d'instance de Limoges avait accordé 8 mois de délai supplémentaire pour occuper le squat jusqu'au 15 juillet. Après le confinement, l'avenir de ses occupants reste en suspens.
On respecte les gestes barrières, on se lave les mains, personne n'est malade... Après le confinement, mettre le 15 juillet à la rue des gens, des familles, ce serait inhumain ! Oui, nous sommes des étrangers, mais la préfecture doit savoir qu'avant tout nous sommes des êtres humains. (Mounir, migrant habitant le squat de l'avenue de la Révolution à Limoges)
Les habitants du squat ont écrit une lettre aux services de l'Etat, le collectif Chabatz d'Entrar au président de la République, pour demander une régularisation. Sollicitée à plusieurs reprises, la préfecture de Haute-Vienne n'a pas daigné répondre à nos questions.
Lettre à l'Etat des habitants du squat avenue de la Révolution
Communiqué du collectif Chabatz d'Entrar au président de la République
Ont-ils à manger ?
Contactés, les Restos du coeur 87 ne constatent pas d'augmentation de sans-papiers parmi leurs bénéficiaires. Côté Secours Populaire, les antennes du département n'enregistrent pas plus de migrants qu'à l'accoutumée mais une hausse d'étudiants étrangers :
Des étudiants étrangers qui vivent en résidence universitaire avaient de petits boulots avant le confinement. Ils se retrouvent sans rien, sans aucune ressource et viennent nous voir pour une aide alimentaire. (Yvonne Cueille, membre du Secours Populaire Haute-Vienne)
Et les mineurs isolés ?
Juste après la mise en place du confinement, un jeune guinéen de 16 ans a été mis à la rue à Limoges. Son avocat, maître Malabre, a saisi l'Europe. Le 31 mars, la Cour européenne des droits de l’Homme a enjoint l’Etat Français de mettre à l’abri ce mineur sans-papiers à Limoges.Cette décision en urgence de la Cour européenne a permis de protéger ce garçon aujourd'hui dans un hôtel du nord de Limoges. Un deuxième mineur a pu bénéficier de cette mesure. D'autres dossiers sont en cours mais sur le fond c'est scandaleux que des collectivités publiques mettent des enfants à la rue en utilisant des "tests osseux" pour déterminer s'ils sont majeurs ou non ! (Jean-Eric Malabre, avocat spécialisé en droit des étrangers)
Décision de la Cour européenne des droits de l'homme
Pour secourir les mineurs étrangers isolés, les militants des sans-papiers ont fait jouer à plein la solidarité : aide aux courses alimentaires, demandes de titres de séjours et même hébergements chez des particuliers.
Rien que sur Limoges et alentours, une dizaine de jeunes isolés a été hébergée dans l'urgence chez des particuliers. Ils viennent de Côte d'Ivoire, de Guinée, du Mali, du Tchad ou d'ailleurs. Les gens les accueillent, les nourrissent mais comprenez bien que c'est un pis-aller, une solution temporaire, non pérenne. Ce n'est pas convenable de les traiter de la sorte ! (Agnès, militante association des sans-papiers 87)
Poursuivre l'école malgré tout...
En Creuse, une quinzaine de membres de l'association Réseau Education Sans Frontières donne des cours auprès de de 50 mineurs étrangers. Pendant le confinement, ils résident parfois dans des foyers de jeunes travailleurs, des familles d'accueil ou à Guéret à l'Institut Régional de Formation de Jeunesse et Sport.Avant, ils se débrouillaient seuls avec le logiciel "Pronote" et c'était compliqué. Désormais, en alternance toute la semaine matin ou après-midi, je leur apprends les maths, une collègue le français. Les mineurs sont confinés, 2 par chambre au lieu de 4 et la mairie de Guéret leur fournit des repas. De plus, l'association Creuse Oxygène leur fait faire du sport. (Catherine Jean, enseignante, membre d'R.E.S.F 23)
5 centres d'accueil en Limousin
Pour recevoir les demandeurs d'asile qui attendent que leurs démarches aboutissent, il existe 5 centres en Limousin. Le Centre d'Accueil de Demandeurs d'Asile (C.A.D.A) de Peyrelevade en Corrèze héberge actuellement 66 personnes. Beaucoup de familles confinées dans des logements individuels avec la problématique de la nourriture.La petite supérette de la commune n'était pas assez grande, alors une fois par semaine nous allons à Ussel. Ensuite notre mairie prête la salle des banquets et les courses sont redistribuées tous les vendredis matins aux résidents. (Clémence Bouguerba, chef de service C.A.D.A de Peyrelevade)
Insertion en cours...
En pleine épidémie de Covid-19, les professionnels, militants et migrants contactés lors de cette enquête nous ont parlé d'une réelle envie d'appliquer au mieux les règles du confinement. Respecter les règles du #Restez chez soi, mais encore faut-il en avoir un, un "chez soi"...Je me lève à 5 heures et je travaille à la boulangerie jusqu'en fin de matinée. Je prépare le pain, je pétris la pâte, la façonne, je fais les croissants. Souvent, j'appelle ma famille au Mali mais je souhaite rester ici, l'année prochaine je passe mon C.A.P ! (Sidibe Demba, apprenti boulanger à Servière-le-Château)