Des salariés du centre aquatique de Limoges témoignent anonymement de problèmes internes. La communauté urbaine, propriétaire du centre aquatique, et la société Vert Marine, gestionnaire, nous répondent. En raison d'un manque de surveillants de baignade, une problématique nationale, certains bassins sont partiellement fermés sur plusieurs plages horaires.
Dans le froid, l'air saturé de chlore
Travailler dans le froid, en maillot de bain, les portes grandes ouvertes, l'air saturé de chlore et de dioxyde de carbone. À l'Aquapolis de Limoges, pendant la deuxième semaine des vacances de la Toussaint, les maîtres-nageurs racontent avoir fait face à cette situation, tout comme les clients. Le bassin restait ouvert, malgré l'important problème d'aération. "On avait de la toux et cela nous piquait les yeux", précise un salarié, qui souhaite rester anonyme, à la rédaction web de France 3 Limousin.
Une version corroborée par une usagère sur Internet : "L'eau est tellement chlorée qu'il est impossible de rester côté jacuzzi sans avoir les yeux qui piquent et une toux à en vomir ! [...] Des courants d'air de malade !", a-t-elle écrit dans un avis Google, posté aux alentours du 10 novembre.
Depuis, la deuxième machine de filtration de l'air, qui était en panne, a été réparée. Mais cet incident serait significatif de la gestion du personnel et du centre aquatique, selon certains personnels que nous avons interviewés. "L'Aquapolis, c'est l'endroit où il ne faut pas travailler, mais c'est aussi l'endroit qui recrute le plus. Donc c'est un peu un passage obligé quand on cherche du travail. Leur gestion humaine est lamentable", dénonce un salarié.
"L'Aquapolis, c'est l'endroit où il ne faut pas travailler"
Un salarié, qui souhaite rester anonyme
Si Limoges Métropole est propriétaire de l'Aquapolis, la société Vert Marine en assure la gestion. Cette entreprise gère et exploite plus de 50 centres aquatiques et patinoires pour le compte des collectivités en France. Cette dernière nous a répondu par mail, le 21 novembre, à propos de ce problème d'aération : "Récemment, un dysfonctionnement d’une des centrales d’air a été décelé, elle a été remise en état en quelques jours. L’Aquapolis est resté ouvert : les conditions d’accueil de nos usagers et de travail pour nos collaborateurs n’ont pas été impactées. En effet, les analyses quotidiennes réalisées lors de ce dysfonctionnement se sont révélées conformes à la réglementation actuelle."
De très longues journées
Plusieurs salariés, qui ont souhaité garder l'anonymat, relatent les mêmes dysfonctionnements en interne : des heures de travail à rallonge, "allant de 7h à 19h avec une pause déjeuner très courte", des heures supplémentaires qui ne seraient pas toujours rémunérées, des convocations à des réunions obligatoires en dehors des heures de travail, l'impossibilité de poser un jour de congé au cours d'un contrat en durée déterminée (CDD).
Des employés évoquent également des blâmes, pour avoir discuté avec d'autres collègues ou fait usage de leur téléphone portable durant les heures de service. Huit personnes auraient été blâmées en 2022, selon un témoignage que nous n’avons pas pu faire confirmer auprès de la direction.
Néanmoins, comme l'indique l’article L 322-7 du Code du sport, « toute baignade et piscine d’accès payant doit, pendant les heures d’ouverture au public, être surveillée d’une façon constante par du personnel qualifié [...] ». Chaque piscine est également équipée d'un Plan d'organisation de la surveillance et des secours (POSS), dans lequel le téléphone portable est strictement proscrit durant le service. Un cadre juridique que ce salarié reconnaît, mais selon lui, le problème est la manière de faire : "C'est la méthode qui pose problème. La direction nous surveille avec les caméras de la piscine."
Enfin, l'ambiance délétère entre le personnel qui travaille sur les bassins et ceux qui sont dans les bureaux est pointée du doigt. "Ils regardent les caméras pour nous surveiller, confirme un autre salarié. Et quand on demande des congés, c'est à nous de chercher des remplaçants."
Un directeur en arrêt maladie
À la suite de plusieurs plaintes de salariés, des agents de l'inspection du travail de la Haute-Vienne seraient passés début novembre à l'Aquapolis, selon un employé. Une information que n'a pas confirmée l'institution, nous indiquant par mail, le 17 novembre, que "les faits relatés n'ont pas été portés à la connaissance du service", avant d'ajouter que "l'inspection du travail est tenue, statutairement, à la confidentialité des plaintes dont elle pourrait avoir connaissance."
Dans ce contexte de tensions, le directeur du centre aquatique, Claude Tourtois, est en arrêt maladie depuis début novembre, un responsable d'exploitation ayant pris le relais, selon l'un des salariés. Fabien Doucet, vice-président de Limoges Métropole, a confirmé par téléphone, le 22 novembre, l'arrêt maladie du directeur de l'Aquapolis. Le motif de l'arrêt demeure inconnu.
En revanche, le représentant de Limoges Métropole indique qu'aucune remontée n'a eu lieu à propos de problèmes internes, dans les rapports trimestriels avec Vert Marine.
"Nous reconnaissons les efforts de nos équipes dans leurs adaptabilité et flexibilité"
Fabien Doucet reconnaît toutefois un manque de personnel au sein du centre aquatique : "Il manque trois personnes à temps plein. Nous avons pris des mesures pour assurer la sécurité dans les bassins, d'où une fermeture partielle actuellement. La pénurie de maîtres-nageurs est un problème national".
Le petit bassin est en effet fermé deux jours par semaine, de 7h à 9h du matin. Certaines zones, comme le bassin à bulles ou la grotte, sont également interdites d'accès à certains horaires, lorsqu'il y a peu d'affluence, selon le chargé de communication de l'Aquapolis, Yohan Maury.
Dans une réponse communiquée par mail, Vert Marine reconnaît "les efforts de [ses] équipes dans leurs adaptabilité et flexibilité pour assurer l’exploitation du complexe."
L'entreprise rappelle néanmoins que, "dans ce contexte global de pénurie de maîtres‑nageurs, l’Aquapolis a été contraint de s’adapter pour maintenir la qualité et la sécurité de ses services auprès de ses usagers, tout en préservant la charge de travail de nos maîtres‑nageurs. Tout notre réseau œuvre activement pour pallier cette pénurie."
France 3 Limousin n'a pas pu interviewer un membre de la direction de Vert Marine, seul le service de communication lui ayant répondu.