Guerre en Ukraine : des entreprises du Limousin face aux manques de matières premières

Les céréales d’Ukraine ou les métaux de Russie étaient bien importés en France jusque là. Mais la guerre et les sanctions vont empêcher l’approvisionnement de certaines marchandises. Exemples de répercussions en Limousin.

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Russie et Ukraine, deux pays voisins, bien nécessaires à l’économie française et régionale, respectivement 8e et 37e fournisseurs de la Nouvelle-Aquitaine.

En Limousin, quelques entreprises comment à s’inquiéter des difficultés d’approvisionnement de certains produits. C’est le cas de ECE Cogemacoustic à Limoges. La société est spécialisée dans la production de ventilateurs et de dépoussiéreurs pour les chantiers de construction de tunnels ferroviaires ou de mines. La quarantaine de salariés assemblent par exemple des machines pour les travaux du Grand-Paris mais aussi la ligne Lyon-Turin.

"Nous travaillons à 80 % pour l’export" dit sa gérante Marion Ortiez. Et un détail peut tout chambouler. "Notre principal fournisseur de tôle est Ukrainien, c'est donc un gros souci de réorganisation" ajoute la jeune directrice.

L'Ukraine comme la Russie sont de gros fournisseurs de métaux. Si l'Ukraine a dû stopper ses usines, son énorme voisin est isolé. Nickel, mais aussi titane (très utilisé dans l'aéronautique, pour sa robustesse et sa légèreté), acier ou aluminium, la plupart des métaux industriels flambent sur le marché de Londres depuis le début de la guerre, il y a tout juste deux semaines, en raison notamment des sanctions appliquées par l'Occident à la Russie, pourvoyeur de ces métaux.  

A Nexon en Haute-Vienne, Safran Filtration Systems, filiale du motoriste Safran, est l’un des plus gros sous-traitants aéronautiques en Limousin avec 180 salariés qui fabriquent différents filtres pour les avions de ligne Airbus, Boeing, le militaire et le spatial.  

"On utilise assez peu de titane pour nos pièces. Plutôt pour le spatial. Et on a du stock pour plusieurs mois. On est donc pas trop impactés sur notre site" témoigne Pierre Farrenq, le directeur.  

La société russe VSMPO-Avisma reste le premier fournisseur de l'aéronautique mondiale en titane, selon le directeur général de Safran, Olivier Andriès, qui dit disposer de "quelques mois de stocks" devant lui. Boeing a annoncé avoir suspendu ses achats.  

Après la crise du Covid qui a cloué les avions au sol, l'industrie aéronautique mondiale était dans une phase de reprise depuis l'automne dernier. La situation internationale est donc suivie avec attention. "Les nouveaux enjeux sont désormais de trouver différents marchés d'approvisionnement de matières premières et de composants et de bien gérer les ressources humaines car cela reste compliqué de recruter après la pandémie" conclut Pierre Farrenq.  

Prix des céréales

Selon la CCI de Nouvelle-Aquitaine, les produits sidérurgiques et de première transformation de l’acier ukrainiens étaient les premiers produits importés dans la région en 2021 (46 % du total) pour une valeur de 43 millions d’euros devant les produits d’élevage et ceux des fruits et légumes. A l’échelle nationale, ce sont plutôt les huiles, les graisses végétales et animales qui sont en tête.

A St-Ybard en Corrèze, Aurélien Simbelie, directeur des achats à DFP Nutraliance suit les cours des céréales au jour le jour. Son entreprise fabrique des aliments pour les animaux. Vingt-cinq camions livrent ainsi chaque jour des centaines d'éleveurs.

Si le blé et l'orge utilisés proviennent principalement du Limousin et des départements limitrophes, la société en achète aussi de l'étranger et paye de toute façon des prix fixés au niveau mondial qui se sont envolés depuis deux ans déjà. "La tonne de blé était autour de 160 euros en 2020. On est maintenant autour de 380. Cela est dû à la spéculation des acheteurs" se désole-t-il. "29 % des exportations mondiales de blé proviennent de Russie (12%) et d'Ukraine (17%)."

Les céréales partent en bateau par la mer Noire mais tout est stoppé. La France a beau être exportatrice nette de blé, ses filières porcine et avicole dépendent largement des tourteaux de tournesol ou de colza ukrainien (qui fournit 80 % de la production mondiale), dont la richesse en protéines est connue.  

Aurélie Simbelie se retrouve à vendre de la nourriture animale bien plus chère à des éleveurs pris à la gorge par des cours de viande qui ne progressent pas. "Des éleveurs de porc ou de volailles vont perdre beaucoup d'argent. On risque de tuer tout un pan de l'économie" assure le directeur.

Pour éviter cela, "il y a des mécanismes à revoir d'urgence, il faut limiter les effets de la spéculation, gérer les stocks de matières premières".

Alors que l'enjeu de la disponibilité des céréales indispensables à la nourriture animale et humaine devient crucial, le gouvernement français a commencé à réagir.   Jean Castex a confirmé jeudi 10 mars que le "plan de résilience", attendu "la semaine prochaine" pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine, serait "très sectorisé" pour les entreprises, et qu'il comprendrait bien "des mesures complémentaires sur l'essence".  

"Toutes les entreprises qui ont des contrats avec la Russie, dont les approvisionnements dépendent de matières premières fabriquées ou issues de la Russie, plus elles seront exposées, plus les compensations seront élevées", a promis le Premier ministre.    

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