Avocat réputé, député, ancien ministre des Affaires étrangères, puis président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas a joué un rôle majeur en France et dans le monde. Sa fibre socialiste et l'ancrage de ses convictions prenaient racine à Limoges, où il est né et a grandi. Cette figure de la politique française s'est éteinte à l'âge de 101 ans.
"On ne peut pas s'empêcher de rapprocher tous ces événements de ces événements présents. On se dit : est-ce que ça va recommencer ? Ça, c'est une obsession chez moi." Les mots sont ceux de Roland Dumas, en 2023. Cette immense figure de la politique française se rendait chaque année en Dordogne, à Brantôme, rendre hommage à son père résistant, pris en otage par la Gestapo et fusillé.
Passage du barreau
Car Roland Dumas, qui est né et a grandi au bord de l'Aurence à Limoges est d'abord le fils de son père, Georges. Un syndicaliste engagé, un homme aux idées fortes qui garde, à Limoges, une rue à son nom, pour son appartenance à la Résistance.
Le jeune Dumas, qui a ensuite grandi dans une modeste bâtisse dans le quartier du Puy-Las-Rodas a été marqué par la culture de l'école laïque : école Jules Ferry, puis lycée Gay-Lussac, il en conservait des souvenirs émouvants. Il aurait pu devenir chanteur lyrique, il préféra une carrière au barreau. C'est naturellement que l'avocat débutant Roland Dumas a défendu un certain Georges Guingouin, militant communiste et résistant, victime, après avoir libéré Limoges, de rancœurs politiques tenaces.
Succès électoraux
Député de Haute-Vienne et de Corrèze, Roland Dumas remporte ensuite les élections législatives de Périgueux en 1981 : il veut faire de la Dordogne son fief électoral, sa carrière politique est lancée.
Ami intime du président de la République François Mitterrand, Dumas obtient par deux fois le portefeuille des Affaires étrangères. Ce qui ne l'empêche pas dans le même temps, de siéger au conseil municipal de Saint-Laurent-sur-Manoir, village de 500 habitants. "La mairie avait un acheté un vieux château qui était en bon état, et y a fait un musée, se souvenait-il récemment. Elle y a fait mon musée", s'amusait-il.
Le ministre y dépose ses cadeaux, obtenus au cours de déplacements officiels aux quatre coins du monde. La collection n'intéresse pas grand monde. Faute d'affluence, le musée ferme ses portes en 2015.
Après Périgueux, direction le Sarladais, ou Roland Dumas est élu à deux reprises député, en 1986 et 1988. Trente ans plus tard, le maire communiste de Sarlat-la Canéda de l'époque se remémore un député... en dilettante. "Il n'a pas pris les problèmes qui préoccupaient les gens à bras-le-corps. Et il ne s'en est pas fait le porte-parole de manière conséquente", se souvient Louis Delmon
Le scandale Elf Aquitaine
Le 28 mars 1993, Jean-Jacques de Peretti, à l'époque délégué général du RPR remporte les législatives dans la 4ᵉ circonscription de la Dordogne face à Roland Dumas.
Ce dernier s'est déjà rapproché de l'ex-épouse du nouveau député, la Périgourdine Christine Deviers-Joncour. Éclate alors l'affaire Elf : le détournement de plus de 500 millions de dollars par l'entreprise publique d'exploitation pétrolière. Une partie de cet argent a profité à Christine Deviers-Joncour. La maitresse du ministre Dumas sera condamnée à 30 mois de prison. Roland Dumas, lui, sera innocenté en appel en 2003.
"Ça a été une belle rencontre, reconnait cette dernière. C'est un homme assez brillant, mais qui a une double face".
Il y a les deux chez lui : le noir et le blanc. Je préfère penser au blanc et oublier l'autre.
Christine Deviers-JoncourEx-conseillère en relation publique pour Elf
Succession Giacometti, maquillage de certains comptes de campagne en 1995, ou encore en 2010, visite au Président Gbagbo sont autant de zones d’ombre qui ont émaillé sa vie publique. Même sur sa fin de vie, la politique n'était jamais loin : en 2011, il avait pris position en faveur de François Hollande pour les primaires socialistes.
Cet homme aux mille vies, qui a été nommé président du Conseil constitutionnel en 1995 s'est éteint ce 3 juillet, a confirmé son entourage à l'AFP. Lui qui aimait beaucoup citer François Mitterrand avait rappelé en 2023 ces quelques mots : "ce n'est pas de mourir dont j'ai peur, c'est de ne plus vivre".