Double polémique autour de la vaccination et des professionnels de santé. Alors que les médecins généralistes s'insurgent de l'impossibilité soudaine de commander des vaccins la semaine prochaine, les soignants hospitaliers s'indignent d'être incités à se faire davantage vacciner.
Rien ne va plus entre le gouvernement et les professionnels de santé ! Deux annonces ont mis le feu aux poudres en ce début de semaine.
Du côté des médecins généralistes, c'est l'incompréhension et la colère, après une note de la DGS (Direction générale de la Santé) envoyée dans les cabinets médicaux ce dimanche 7 mars 2021, les privant de commande de vaccins pendant une semaine. La note stipule que "Pour la semaine du 8 mars, la commande de vaccins ne sera ouverte que pour les besoins propres des officines. Il ne sera pas possible de prendre des commandes pour les médecins, compte-tenu du nombre de doses livrées par AstraZeneca (28 000 flacons disponibles à la commande)."
En clair : priorité à la mise en place de la vaccination dans les pharmacies, annoncée pour la semaine du 15 mars, quitte à ralentir le processus engagé par les médecins de ville depuis deux semaines. A la date du 5 mars, 50% des généralistes avaient commencé à vacciner, selon l'Agence régionale de santé.
Les médecins en colère
Pour le Dr Jean-Christophe Nogrette, médecin à Feytiat et représentant du syndicat MG France qui avait réclamé que les médecins puissent participer à la vaccination, cette annonce est ubuesque : "On a un sentiment de n'importe quoi. On a l'impression d'une gestion à la petite semaine. On nous avait dit que ça allait monter en charge, qu'il y aurait de plus en plus de doses, de moins en moins de difficultés d'approvisionnement, et au final on s'aperçoit qu'une fois de plus on gère la pénurie avec les moyens du bord. On ne sait plus si on doit être en colère ou désabusé..."
Le médecin, qui a vacciné jusqu'ici une trentaine de patients à risque, déplore de devoir désormais rappeler des patients pour annuler des rendez-vous : "On perd du temps. Les patients s'agacent, et ils ont raison".
Les pharmaciens embarrassés
Le feu vert donné aux pharmacies de vacciner dès le 15 mars, sans qu'il n'y ait eu de véritable concertation, n'est pas davantage compris dans certaines officines.
Plutôt embarrassé, le pharmacien de Feytiat reconnait que cette mise en concurrence entre médecins et pharmaciens est plutôt mal venue : "Il est difficile de refuser de vacciner car la population ne comprendrait pas, mais en même temps, je milite pour que nos confrères médecins - surtout sur la primo-vaccination - fasse un bilan médical sérieux, seuls eux sont habilités à le faire, et nous nous puissions éventuellement prendre le relais par la suite." Il précise néanmoins qu'il ne s'agit que d'un avis personnel.
Les soignants hospitaliers indignés
Autre polémique : celle qui concerne le taux de courverture vaccinale des soignants, notamment en milieu hospitalier et dans les Ehpad, insuffisant selon les autorités sanitaires. Il serait à ce jour inférieur à 40%. Le gouvernement appelle les soignants à se faire massivement vacciner, avec courrier individuel à la clé, et envisage même de rendre ce geste obligatoire. Une injonction qui passe mal auprès des principaux concernés.
Au CHU de Limoges, l'indignation a pris la forme d'un communiqué de la CGT Santé : "Cela fait un an que les hospitaliers triment ! Ce sont les mêmes personnes qui nous ont envoyés au front lors de la première vague sans masque et avec des surblouses en sacs poubelle, qui nous font aujourd'hui la leçon sur comment on doit se protéger et protéger nos patients !"
Florence Metge, secrétaire générale du syndicat, précise les demandes des soignants : "Nous voulons avoir le choix du vaccin, car il est prouvé qu'AstraZeneca a des effets secondaires plus importants, certains soignants ont dû avoir 2 à 3 jours d'arrêt maladie après l'injection. La vaccination doit pouvoir se faire sur le lieu et pendant le temps de travail, sans perte de salaire (jour de carence ou baisse des primes en cas d'arrêt maladie)".
Selon la direction de l'établissement, à ce jour 30% des personnels soignants du CHU ont été vaccinés, sur des créneaux de vaccination qui ont affiché complet. De nouveaux créneaux devraient être ouverts. Il est également envisagé de se déplacer au plus près des soignants, dans les petites structures hospitalières et dans les Ehpad, pour faciliter l'accès à la vaccination.