Limoges Habitat a été créée il y a juste un siècle.
Au lendemain de la Grande Guerre, l'Office Public Municipal d’Habitations à Bon Marché de Limoges voulait endiguer la grave crise du logement qui touchait cette ville ouvrière.
Depuis, des dizaines de milliers de logements ont été construits.
Le 16 avril 1920, le Journal Officiel de la République Française publiait un décret du Président Paul Deschanel qui officialisait la création de l’Office Public Municipal d’Habitations à Bon Marché de Limoges.
Un siècle plus tard, Limoges Habitat loge 25 000 personnes dans 13 000 logements.
Et en 100 ans, les nombreuses constructions dévolues au logement social, les « cités » comme on les a longtemps appelées, ont profondément bouleversé la physionomie de la ville.
En novembre 1919, Léon Betoulle, le maire de l’époque, avait fait adopter une délibération en Conseil Municipal pour autoriser la création d’un organisme chargé de trouver une solution à la terrible crise du logement qui régnait à Limoges après la première guerre mondiale.
En 1920, il n'y a officiellement plus un seul logement vacant dans la commune de Limoges
Le constat était accablant comme le relate l’historien Pascal Plas en citant les élus municipaux : « les difficultés de se procurer des matériaux, l’augmentation du prix de la construction, l’élévation de l’intérêt de l’argent ont arrêté les personnes désireuses de faire édifier des immeubles nouveaux ».
En 1920, le maire de Limoges déclare au Préfet qu’"il n’y a officiellement plus aucun logement vacant dans la commune". Et ceux qui existent obligent souvent leurs habitants à vivre dans des conditions de confort, d’hygiène et de promiscuité déplorables. C’est particulièrement vrai pour les ouvriers, très nombreux à Limoges à cette époque.
Quelques expériences de construction de logements sociaux avaient bien eu lieu avant la Grande Guerre mais pas assez nombreuses pour endiguer la pénurie.
Issue du mouvement mutualiste et coopératif, la Société d’Habitation à Bon Marché « L’étoile » avait notamment construit en 1910 le premier immeuble social de Limoges faubourg Montjovis pour loger 14 familles.
Ce bâtiment existe toujours et il est resté fidèle à sa vocation.
L’Etoile avait aussi mis en place un premier dispositif de sécurisation des loyers pour protéger les chômeurs, les veuves et les orphelins.
Dès sa création, l’Office Public Municipal d’Habitations à Bon Marché de Limoges présidé par le maire Léon Betoulle a donc voulu agir à plus grande échelle.
Un homme y jouera un grand rôle : le jeune architecte Roger Gonthier qui dessinera aussi les plans de la nouvelle gare de Limoges.
C’est lui qui concevra la plus grande partie des logements sociaux de Limoges pendant des décennies, marquant ainsi profondément le paysage et l’urbanisme de la ville.
Une cité jardin à Beaublanc
Le premier projet de l’Office Public d’Habitations à Bon Marché de Limoges (OPHBM) et de Roger Gonthier fut celui de la Cité Jardin de Beaublanc.
Largement inspirée des "garden cities" construites pour les ouvriers en Angleterre, elles étaient constituées de maisons individuelles partagées en plusieurs appartements et entourées de jardins.
Selon Pascal Plas, ce type d’habitat semi-collectif était politiquement moins anxiogène pour la bourgeoisie que les grands immeubles collectifs dans lesquels les classes laborieuses pouvaient devenir des « classes dangereuses ».
Avec ses jardins, elle permettait aussi aux habitants de se nourrir à moindre frais.
En 1922, le projet est abouti : 28 maisons sont construites dont 6 exclusivement réservées à des logements de 4 pièces pour les familles nombreuses. Chaque étage comporte 4 WC avec une case séparée pour chaque famille.
Le succès est immédiat : en 1924 l’OPHBM reçoit 2 000 demandes.
Pour attribuer les logements il doit procéder à une enquête scrupuleuse, tant sur la situation financière que sur la moralité des futurs locataires.
Le 15 janvier 1924, les travaux sont achevés et les premiers locataires intègrent leur logement.
1929 : la cité des Coutures
En 1929, l’Office et la municipalité de Limoges veulent héberger un maximum de gens, notamment les nombreux cheminots qui travaillaient à la gare des Bénédictins. La cité ouvrière des Coutures contiendra presque 600 logements.
Le style de construction de la cité est d’influence Art Déco.
Roger Gonthier s’est inspiré des grands chantiers d’habitat social des 13e, 14e, et 19e arrondissements de Paris, basés principalement sur des constructions en briques.
Le confort dans les logements est optimal pour l’époque : eau courante, gaz et électricité dans tous les appartements, sans compter du parquet dans les pièces, de grandes fenêtres pour laisser entrer l’air et la lumière et des placards pour ranger ses affaires.
Le chauffage central et le raccord au "tout à l’égout" sont installés sur l’ensemble de la cité.
L’objectif est de fixer la population dans un nouveau quartier et de créer une véritable vie sociale avec un lavoir, plusieurs commerces, des bains–douches et une garderie d’enfants.
1935 : les Cités Casimir Ranson, Léon Betoulle et Ernest Ruben
Implantée par la municipalité socialiste au coeur du quartier le plus bourgeois de la ville, la cité Casimir Ranson se veut plus modeste que la cité des Coutures : un seul immeuble, divisé en plusieurs corps de bâtiment, soit un total de 93 appartements, avec cave, grenier, placards, penderies, eau, gaz et électricité.
Les escaliers en bois sont remplacés par des escaliers à la française en ciment armé. En raison des risques de saturnisme, les canalisations, initialement prévues en plomb, sont remplacées par du fer ou du cuivre.
L’architecte, a aussi prévu l’aménagement de lavoirs, de cours et de jardins.
L’objectif est de construire dans les quartiers dynamiques de la ville des cités qui seront desservies par les différentes lignes de tramways.
Même style et même objectif de mixité sociale avec la petite cité Ernest Ruben inaugurée en 1935 : elle aussi est nichée au milieu d’imposantes maisons bourgeoises d’un des quartier les plus huppés de Limoges.
Toujours en 1935 et sur le même modèle, dans le Faubourg d’Angoulême, la cité Léon Betoulle procurera 100 logements confortables supplémentaires, allant jusqu’à 4 pièces, mais aussi 2 magasins au service des locataires.
1936 : la cité Victor Thuillat
Construite en plein Front Populaire, la cité Victor Thuillat est la dernière cité d’avant-guerre de l’O.P.H.B.M.
C’est également la dernière réalisation de logement social de l’architecte Roger Gonthier.
Elle comprendra plus de 200 logements répartis dans plusieurs immeubles collectifs mitoyens, dans un quartier jugé « tranquille et convenablement habité ».
Au coeur de la cité, quatre magasins sont prévus, dont deux pourvus de cheminées industrielles pour exploiter des commerces de boulangerie, charcuterie, pâtisserie.
La quasi-totalité des logements auront une cuisine carrelée, éclairée par une petite fenêtre, un évier, un fourneau à gaz et de l’autre côté, une salle à manger éclairée par une grande baie ouvrant sur un balcon.
Cette construction finit de ceinturer les faubourgs de la ville de cités ouvrières.
Après-guerre : la reconstruction
A l’issue de la seconde guerre mondiale 400 logements ont été détruits à Limoges, de nombreux autres sont endommagés, beaucoup sont insalubres et il faut faire face à une nouvelle vague d’exode rural. Il faut re-construire.
Les HBM (Habitations à Bon Marché) deviennent officiellemnt des HLM (Habitations à Loyer Modéré).
L'Office H.L.M. de Limoges construit les cité du Mas-Neuf rue Aristide Briand et une partie de la cité du Docteur Jacquet au Vigenal.
Durant le terrible hiver 1954, l’appel de l’Abbé Pierre en faveur des sans-abris donnera naissance à la construction des premières cités d’urgence. 100 logements sont bâtis rue Colette et rue Paul Eluard, puis 120 autres avec la cité Raoul Dautry.
Les années 60 et 70 : le temps des grands ensembles
Entre 1955 et 1978, l’Office Public des HLM de Limoges va construire plus d’une dizaine de milliers d’appartements et créer de véritables nouveaux quartiers à la périphérie de la ville.
Dans les années 60 les cités Henri Lafarge, Léon Jouhaux, le Sablard, Montjovis, La Brégère, le Mas-Loubier sont érigées en quelques années. Elles seront suivies par les cités Bellevue et Vanteaux.
Les nouveaux quartiers de la Bastide, du Val de l’Aurence et enfin de Beaubreuil sortent de terre et transforment totalement la physionomie de la ville.
Un millier de nouveaux logements sont créés dans la cité de La Bastide.
À elle seule, la construction de la ZUP (zone à urbaniser en priorité) du Val de l'Aurence permet la mise à disposition d'environ 2600 logements neufs en cinq ans.
Quelques années plus tard, 1 500 autres sortiront de terre en quelques mois dans le nouveau quartier de Beaubreuil créé ex-nihilo au nord de Limoges.
En 1974, sur FR 3 Limousin, notre journaliste Claude François décrivait avec enthousiasme cette multiplication des chantiers, signe que Limoges était en marche vers la modernité ...