Depuis 2015 Régis Descamps, un gendarme limougeaud, prête ses jambes aux enfants malades. Chaque année il traverse la France en courant pour rejoindre l'un d'entre eux. L'occasion de mettre en lumière ces enfants et leurs maladies. Il partira de Limoges le 5 mai, direction la Bretagne. Entretien.
Le 5 mai 2021, Régis Descamps, gendarme à Limoges, partira de sa gendarmerie pour rejoindre Trédarzec dans les côtes d'Armor. 700 kilomètres de course pour aller à la rencontre de Cassandra une adolescente de 14 ans, atteinte du syndrome Williams-Beuren qui se bat pour être scolarisée en milieu ordinaire.
Chaque année depuis 2015 le gendarme de 50 ans traverse la France pour rencontrer un enfant malade et/ou porteur de handicap. L'aventure s'appelle Jepretemesjambesa. L'objectif est de faire connaître les associations qui aident ces enfants et leurs familles, qui les soutiennent. Le but c'est aussi de susciter des échanges, des liens, de créer un réseau d'entraide autour de ces enfants. Rencontre.
Comment cette aventure est-elle née ?
Régis Descamps : ma nièce est atteinte du syndrome Williams-Beuren, et auparavant lorsque je participais à une course je portais toujours un tee-shirt et un drapeau à son effigie, pour faire parler de la maladie. Cela avait le pouvoir d'interpeller les gens, je devenais un point de repère dans la course. Lorsque la fille de l'un de mes collègues est née avec un handicap, je me suis dit qu'il fallait faire de même et médiatiser cela pour toucher le plus grand nombre. En 2015, j'ai donc relié Limoges à la direction nationale de la gendarmerie à Paris, pour les sensibiliser et ils m'ont suivi.
Qui sont ces enfants pour lesquels vous courez ?
Régis Descamps : la famille de "jepretemesjambesa", ma tribu comme je les appelle, est composée de 14 enfants pour l'instant. Un quinzième va d'ailleurs nous rejoindre prochainement, sa maman m'a contacté hier. Pauline, Clara, Éthann, Alicia, Éllie-Rose, Dylan, Mia, une nouvelle Pauline, Évann, Camélia, Sacha, Sofia, Iliam, Lila et Cassandra, sont des enfants qui sont tous atteints d'un handicap ou qui ont une maladie. Certains ont des parents qui ont un lien avec la gendarmerie, mais ce n'est pas le cas de tous. Deux d'entre-eux nous ont malheureusement quittés, Sofia et Évann, ce sont mes anges gardiens.
Cette année c'est Cassandra qui est l'ambassadrice de la course, qui est cette jeune fille ?
Régis Descamps : Cassandra a 14 ans, elle est atteinte du syndrome Williams-Beuren. Ce syndrome touche de nombreux organes. Les yeux, le coeur, il concerne également l'ouïe, il se traduit également par des handicaps psychomoteurs. Les parents de Cassandra se battent pour que leur fille soit scolarisée normalement, dans une classe ULIS, comme elle l'a été à l'école primaire. Mais l'administration ne veut rien entendre et Cassandra a déjà perdu une année scolaire.
Cassandra habite Trédarzec dans les Côtes-d'Armor. J'aurais pu organiser une course à Limoges pour faire parler de cette maladie, mais l'idée c'est d'aller vers ces familles, pour les faire sortir de l'anonymat dans leur commune, pour que la mairie, les voisins sachent quelles sont leurs difficultés. Et puis lorsque l'on a un enfant handicapé les trajets peuvent être compliqués, moi je peux courir, alors j'y vais.
Vous collectez des fonds lors de votre course ?
Régis Descamps : non, je n'imagine pas courir avec des chèques dans les poches. Mais si des gens souhaitent aider financièrement je les dirige vers les associations que je soutiens la Fédération Williams France et l'association Gendarmes de coeur.
A travers cette course, ce que je souhaite, c'est créer du lien. Sur la page facebook de l'aventure Jepretemesjambesa les familles se rencontrent, discutent et échangent sur des problématiques communes. Et puis cette page permet d’aiguiller les gens vers d’autres pages, vers des associations, de diffuser des informations pour tisser une toile sociale et un réseau d’entraide.
Comment va se dérouler ce périple ?
Régis Descamps : Je serai accompagné par un ami qui est gendarme lui aussi, Sylvain Sannier, il est basé à Istres et lui fera le voyage en vélo. Nous partons de la caserne Montjovis le 5 mai à 8h30, l'idée est de parcourir 120kms par jour les premiers jours, nous dormirons à la belle étoile, dans un bois, sous une table de pique-nique. Je transporte avec moi un petit chariot couvert d'une bâche présentant notre parcours, cela permet à tout le monde de nous identifier, ça interpelle. Dans ce chariot il y aura nos repas, de la nourriture lyophilisée. Nous prendrons l'eau et l'électricité pour recharger nos portables ou nous en trouverons, dans les casernes de pompiers ou de gendarmerie qui seront sur notre passage par exemple.
Aux portes du Morbihan, à La Roche-Bernard nous seront rejoints par un ami, Julien Boistard, un ancien gendarme avec lequel j’ai débuté ma carrière, il est désormais policier municipal. C’est le cousin de l’une des enfants, Pauline, il terminera le périple à nos côtés. Il va courir 300 km et pour lui c’est une première.
Le dimanche 9 mai nous ferons un petit détour par Lorient où je ferai une visite surprise à un autre ami qui a été gravement accidenté. Les derniers jours de la courses seront allégés, seulement 60 à 80 kilomètres, cela nous permettra de prendre plus de temps avec les gens. Et puis les derniers 14 kilomètres je les ferai avec des proches des enfants de ma tribu, des parents, des amis. Ensuite je rejoindrai Cassandra et ce sera la fête pour les familles et les enfants. Il y aura notamment les parents de la petite Sofia, l'un de mes anges gardiens.
Sur mon sac à dos il y aura un tee-shirt avec le nom de tous les enfants.
Tous les jours nous nous arrêterons pour faire des bulles de savon pendant un instant. C'est un hommage à la petite Sofia qui adorait ça.
Un dernier mot pour les athlètes qui vont vous lire ?
Régis Descamps : lors de vos courses, ne portez pas de tee-shirt de marque, cela ne sert à rien. Portez des vêtements qui représentent une cause qui vous est chère ou une association. Ça ne coûte rien et c'est extrêmement utile.
L'arrivée de Régis et Sylvain à Trédarzec est prévue le 13 mai dans la matinée. En 8 jours ils auront parcouru 700 kilomètres.