Maladie d'Alzheimer : en Haute-Vienne, un train s’invite dans le hall d'un EHPAD pour faire voyager les résidents

Le voyage est-il une thérapie ? Le concept pour prendre en charge les malades d'Alzheimer vient d’Italie, et la France s’y convertie. La question de la mémoire, et des sensations agréables sont des préoccupations essentielles dans les maisons de retraites. Un traitement ludique apprécié des résidents.

« J’ai l’impression d’être ailleurs », confie Gisèle une résidente, installée confortablement dans un fauteuil. « Il me semble que je respire mieux, que je respire cet air », poursuit-elle avec ces mains délicates qui montrent l’écran installé exprès, donnant à voir un paysage printanier. « Je me sens plus souple, je ne sais pas comment vous décrire cela, plus souple dans moi » avec le sourire rayonnant sur le visage. C’est un peu l’objectif recherché par l’exercice : réveiller les souvenirs, les sensations.

Le cadre c’est le hall de la maison de retraite transformé en une gare avec l’intérieur d’un train, bluffant tant la ressemblance est vraisemblable. Un bonjour mesdames chaleureux et dans le ton nous plonge dans un décor d’une gare.

Quand Irène, quatre-vingt treize ans, et Gisèle, quatre-vingt onze ans, pénètrent dans la station du Puy-Chat. En face d’elle, il y a le panneau d'affichage, le guichet, avec un agent casqué derrière un comptoir. Laurent Labbé est animateur. Il joue le chef de gare ce jour-là. Comédien pour la circonstance, il leur donne un billet pour monter dans le train.

« Vous allez pouvoir vous installer dans le wagon s’il vous plait », la réplique est étudiée et les voyageurs s’exécutent complices.  

Seulement voilà, toute la mise en scène n'est qu'un leurre. Nous ne sommes pas dans une gare, mais au rez-de-chaussée de l'EHPAD de Châteauneuf-la-Forêt, en Haute-Vienne. 

Quelques minutes plus tard, le spectacle se poursuit, « Contrôle du billet s’il vous plait », reprend Laurent, chaleureux, bienveillant, le casque du contrôleur vissé sur la tête.

C'est magnifique ! ça me rappelle de beaux voyages

Gisèle, 91 ans

Gisèle et Irène tendent leur titre de transport dans la bonne humeur. Elles sont toutes les deux atteintes de la maladie d'Alzheimer, à un stade avancé. Les yeux rivés sur l’écran où défilent une campagne d’un vert éclatant, l’une d’elle ne se retient pas : « c’est magnifique » s’exclame Irène le visage plein d’émotion. « Ça me rappelle des beaux voyages » sourit une autre résidente, pas dupe. Elle est flamboyante dans son pull rose.  

A l'intérieur de ce wagon factice, un écran fait défiler des paysages de montagne. Bercées par le son des rails, les souvenirs remontent. « C’est toujours surprenant, explique Laurent le chef de gare, c’est surprenant de voir comment les résidents réagissent et ils y croient et ça les apaise » se satisfait l’animateur.

Après dix-huit minutes la séance s'arrête. Le voyage prend fin. « Il me semble que je respire mieux », insiste Irène, une voyageuse comblée. Au bras de l’infirmière, casaque rose, elle s’éloigne d’une canne hésitante, plein de gaieté dans la voix.

Il est important de mettre en place des thérapies plus douces. On a besoin des deux.

Dr Emilie Matonnat-Dauge, médecin coordonnateur

Cette thérapie venue d'Italie est encore très peu répandue en France. « Je pense que c’est important quand on peut limiter les thérapies médicamenteuses », détaille le docteur Emilie Matonnat-Dauge, médecin coordonnateur. « Il est important de mettre en place des thérapies plus douces. On a besoin des deux, mais ça permet quand même de diminuer certains symptômes, que ce soit l’anxiété, la déambulation ou certains troubles du comportement ».

Seuls cinq résidents sur trente-trois ont pour l'instant bénéficié du wagon thérapeutique, sept autres suivront ce mois de mai.