"N'importe qui pouvait se connecter sans laisser de trace". Site "Coco", un repère à prédateurs fermé par la justice

Guet-apens, agressions hyperviolentes, le site coco, cité dans les agressions de milliers de personnes sur le territoire français, a été fermé. Le Limousin n'a pas été épargné. Des enquêteurs ont accepté de répondre à nos questions pour nous aider à comprendre comment fonctionnaient ces violences parfaitement orchestrées.

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"Ce site a été fermé par la Direction générale des douanes et droits indirects et la gendarmerie nationale". Si vous tentez de vous connecter au site "Coco.gg", voici le message qui s'affiche. Après vingt ans d'existence, le parquet de Paris a annoncé, ce mardi 25 juin, la fermeture du "premier site de tchat gratuit", comme il se définissait, cité dans les agressions de milliers de personnes sur le territoire français.

Quatre personnes, dont le fondateur du site, ont été interpellées et placées en garde à vue.

Rien qu'en Haute-Vienne, la Police Nationale dénombre plusieurs dizaines de victimes ces dernières années. "Un nombre auquel il faut rajouter un chiffre noir d'agressions qui ne seront jamais connues, tues par honte ou par peur de représailles familiales", précise le chef de la division criminalité de la Police Nationale de Limoges.

Des dizaines de victimes en Haute-Vienne

La dernière affaire en date remonte au mois d'avril dernier. Trois mineurs et un majeur étaient interpellés dans un appartement du centre-ville de Limoges. La victime, un commercial de passage à Limoges, pensait s'y rendre pour avoir une relation sexuelle tarifée avec une jeune fille de seize ans rencontrée sur ce fameux site Coco.

Pris au piège, il s'était retrouvé immobilisé par un taser et roué de coups par ses agresseurs. "Parfois, il y a une fille, car les agresseurs ont besoin d’une voix féminine pour appâter la victime. En revanche, ceux qui agressent, ce sont toujours des jeunes hommes", détaille le policier.

La Police Nationale précisait alors que "l’interface ne conserve pas de trace des messages et facilitent ces dérives violentes, parfois à caractère homophobe."

Il y a un an, Julien* racontait son calvaire à nos confrères du Populaire du Centre. Alors qu'il pensait rencontrer un homme avec qui il échangeait depuis plusieurs jours sur l'application, il est victime d'un guet-apens dans le quartier du Vigenal.

Quatre types cagoulés et gantés me sautent dessus. Ils m’ont enrubanné de bandes adhésives, m’ont mis un sac-poubelle sur la tête, m’ont saucissonné. Je m’étouffais. D’autres me donnaient des coups pour m’anéantir.

Julien*, victime d'un guet-apens homophobe

au Populaire du Centre

Selon la Police Nationale, ces agressions sont "d'équipes à tiroirs" : "Vous pouvez avoir trois individus sur un premier fait. Sur un deuxième fait, un copain peut prendre la place d'un autre. Ils se passent le mot parce que quand ça marche, ça peut rapporter gros..."

Ces guet-apens représentent une opportunité pour se faire de l'argent facile. "Souvent ce qui est soutiré, c’est le téléphone. On a eu aussi la voiture après avoir soutiré la clef. Sinon en principe, la carte bancaire avec le code. Les agresseurs vont à un distributeur et retirent de l’argent, soit parce qu’ils sont avec la victime, soit sans la victime. Tous les scénarios sont possibles."

Des agressions hyperviolentes qui peuvent aller jusqu'au meurtre. En novembre 2022, le corps sans vie d'un sexagénaire était retrouvé dans le fossé d'une départementale creusoise. Interpellés pour un vol avec violence dans l'Allier, deux jeunes hommes avaient avoué le meurtre durant leur garde à vue. L'un d'entre eux, à peine majeur, s'était rendu seul dans la maison familiale de la victime, à Saint-Barbant dans le nord de la Haute-Vienne. Le jeune homme a raconté aux enquêteurs avoir étranglé le retraité avant de s'enfuir à bord du véhicule de la victime avec son complice et d'abandonner le corps aux abords de la RN145.

Aucune modération

À Limoges, Coco est systématiquement cité dans les affaires de guet-apens. L'anonymat y régnait en maître. Sur Coco, pas besoin de créer un compte : un simple pseudo et un âge suffisent. "Dès que vous arriviez avec un semblant d'attribut féminin, comme un prénom, vous étiez tout de suite assailli par trente ou quarante personnes qui vous envoyaient des photos à caractère pornographique", explique Gilles Etienne, chef du détachement de l'Office anti-cybercriminalité de Limoges.  "Donc il n'y avait vraiment aucune modération du site et de son contenu."

N'importe qui pouvait se connecter sans réellement laisser de trace.

Gilles Etienne, policier spécialisé dans la cybercriminalité

Pour Gilles Etienne, l'hébergeur est responsable du contenu qu'il véhicule : "On n'a pas le droit d'envoyer de messages à caractère haineux, ni d'envoyer des photos à caractère pornographique à des enfants, etc. Il y a des règles à respecter en France. Donc un site ne peut pas se permettre de dire : "vous faites ce que vous voulez, c'est votre responsabilité." 

Aujourd'hui, il appelle les utilisateurs de ces sites de rencontre à la prudence : "On ne peut pas interdire aux gens de draguer sur Internet, mais il faut toujours être prudent, car on ne sait jamais si qui on peut tomber. Il faut faire attention à l'heure du rendez-vous, au lieu de rendez-vous..."

"C'est l'effet pervers des réseaux sociaux : On a l'impression que tout le monde le fait et donc qu'on ne risque rien... sauf que ce n'est pas vrai", se désole le policier.

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