L’habillement connaît un nouveau coup dur. Après les manifestations des gilets jaunes et la Covid, le secteur fait face à une nouvelle crise : 2% de baisse de la consommation selon l'Insee (été 2023). Plusieurs industriels qui fabriquent en Haute-Vienne sont tendus.
Basée au Dorat depuis 29 ans, l’entreprise Allande conçoit de la lingerie. Elle abrite 120 salariés, principalement des femmes qui fabriquent chaque année 130 000 pièces, dégageant un chiffre d’affaires de plus de cinq millions d’euros. Mais depuis un an, l’activité se complique. Les charges dédiées au gaz ont été multipliées par cinq. Là où le bât blesse, c’est surtout dans la vente de ses produits. La société écoule ses marchandises partout en France, par le biais de vendeuses à domicile, sauf qu’elle peine de plus en plus à en recruter. Les consommateurs, eux, changent leurs habitudes de consommation et la structure le ressent.
Inflation et nouvelles habitudes de consommation
À la tête de la société, Catherine Lefèbvre ne se dit pas inquiète, mais perturbée par cette conjoncture. "Pour la première fois depuis un ou deux ans, on a du mal à se projeter. Le savoir-faire, on l’a, des gens merveilleux, investis dans le travail, on les a, mais je ne sais pas demain où nous allons distribuer nos produits." Depuis un an, les ménages français dépensent moins dans le prêt-à-porter. Les chiffres de l’Insee de cet été annoncent une baisse de 2% de la consommation dans le secteur. Chez Allande, elle avoisinerait les 10% en cette fin d’année. Elle n’est pas la seule, Erel, Danse Azur qui produisent des chaussons à Limoges et à Verneuil-sur-Vienne, Broussaud Textiles qui confectionne des chaussettes aux Cars, ressentent, eux aussi, cette baisse. Pour l’économiste Philippe Moati, l’inflation et les nouvelles habitudes de consommation des Français, expliquent cette tendance. En plus d’un pouvoir d’achat en berne, les gens prennent conscience de leur impact sur l’environnement ou achètent de manière compulsive.
L’utra-fast-fashion, c’est ce qui met en colère Catherine Lefèbvre. "Ces gens du net nous envahissent avec ces produits à bas coût. Moi, je suis pour l’écologie puisque je fabrique et vends sur place." Impulsé dans les années 90, ce modèle économique vise à vendre uniquement des produits peu chers, de mauvaises qualités, fabriqués dans de mauvaises conditions sociales et environnementales sur des plateformes en ligne pour réduire les coûts. Cette défenseuse du made in France se sent lésée et pas assez soutenue par le gouvernement.
Communication gouvernementale contre-productive
Publiée il y a un mois par l’Ademe, une communication met vent debout les chefs d’entreprise dont Pierre Lassenne, PDG de Danse Azur. La structure crée des chaussons de danse à Verneuil-sur-Vienne depuis 1974. Avec ses 27 salariés, son chiffre d’affaires s’élève à 4 millions d’euros. Il a du mal à avaler le message du gouvernement qui promeut, au lieu d’acheter, le recyclage des vêtements sans défendre la production française.
Ça aurait été bien que ce soit accompagné d’un peu de promotion sur les entreprises qui produisent français, qui produisent de la richesse localement alors que là, on touche tous les produits, ceux qui viennent de la grande importation ou ceux qui sont faits en France. Je crois en l’avenir du Made in France, mais il est certain qu’on a besoin de soutien.
Pierre Lassenne, PDG de Danse azur.
Le luxe : une porte de sortie ?
Face à cette conjoncture, comment s’adapter pour les années à venir ? L’an prochain, l’entreprise familiale Allande fêtera ses trente ans. Catherine Lefèbvre continue d’envisager l’avenir avec de nouveaux projets pour s’en sortir. Son objectif : miser sur un marché de niche qui continue de croître, le luxe. "Il est hors de question de délocaliser la production. Je veux me lancer dans une nouvelle bataille. J’ai pour projet de lancer un pôle luxe lingerie au Dorat en créant une nouvelle marque dans les prochains mois et on essaiera d’exporter notre savoir-faire."