Avec la rénovation des façades du centre-ville, Limoges réapparaît de plus en plus dans le style qui est le sien : l'Art déco. Ces vacances de la Toussaint sont l’occasion de belles promenades pour redécouvrir des façades étonnantes. Pour cela, il suffit de lever le nez. (Première publication le 21 juillet 2024)
La politique de rénovation des façades du centre-ville de Limoges est l’occasion, plus que jamais, de se promener la tête levée. Lignes géométriques résolument modernes, motifs stylisés, corbeilles, fleurs, céramiques, voire vitraux apparents… L’Art déco est partout !
Né juste avant la Première Guerre mondiale, le style prend son envol juste après, au début des années 20. Son point d’orgue est sans doute l’Exposition Universelle de 1925 à Paris, où près de 21 pays le célèbre, et où le Limousin, alors 7ᵉ région économique française, y possède son pavillon, qui met à l’honneur tapisseries d’Aubusson, émaux et porcelaines inspirées par cette modernité. Le fronton du pavillon limousin portait d’ailleurs cette inscription : Limoges, ville porcelainière du monde.
Pourquoi l'art déco est-il si présent à Limoges ?
Pour l’architecture de la ville, deux raisons expliquent ce triomphe de l’Art déco : les ravages de la guerre, et des grands projets urbains. "Les architectes se sont emparés de ce style pour reconstruire sur une période d’après-guerre, avec moins d’artisans, et moins de main d’œuvre qualifiée, explique Isaëlle Cornuaud, architecte-conseil pour le CAUE 87. Il a donc fallu apporter des matériaux préfabriqués, comme du béton, de la brique, et recomposer avec."
"L’art déco, insufflé après-guerre, c’est lié à l’architecture, aux grands projets d’urbanisme, explique Eric Boutaud, guide conférencier à Limoges, Ville d'Art et d'Histoire. On a rasé le quartier du Viraclaud, (dans la partie haute de l’actuelle rue Jean Jaurès), et celui du Verdurier (dans sa partie basse) … Tout reste à faire. Et il y a cette génération qui voit dans la modernité des choses fonctionnelles et efficaces.
C’est ainsi, par exemple, que naît en 1919 le pavillon du Verdurier, avec ses céramiques, ses auvents et ses guirlandes de fleurs.
Ou que cinq ans plus tard, le même architecte, Roger Gonthier, dote de nombreux éléments Art déco l’emblématique gare des Bénédictins, notamment ses vitraux, avec pour volonté évidente de laisser passer la lumière, à travers une composition tout en équilibre de rameaux de chênes et de châtaigniers.
La maison du Peuple, rue Charles Michels, se voit, comme la gare, dotée de mêmes vitraux, également signés Francis Chigot et Pierre Parot, parmi les grands noms du style.
La maison Chabrol et Poirier décroche même, pour un service tout en élégance Art déco, un Grand Prix, à l’Exposition de Paris. "On parle de renouveau, dans les années 20, de la porcelaine, raconte Florence Disson, conservatrice du patrimoine au musée national Adrien Dubouché Les arts décoratifs ont longtemps été mis à l’écart, dans la hiérarchie des arts, et là, ils viennent sur le devant de la scène. En englobant l’ensemble des productions d’un intérieur, que ce soit la décoration murale, le mobilier ou les arts de la table."
L'art déco, c'est envisageable en 2024 ?
Mais si l’on célébrait l’Art déco aujourd'hui, oserait-on encore ce style ? Réponse avec Elisabeth Chazelas, chargée de l'embellissement des façades pour la ville de Limoges : "Le coût que cela représenterait… On ne peut plus construire comme cela. On est dans la sobriété, dans l’efficacité, on a des contraintes énergétiques à respecter… Tout cela a disparu, aujourd’hui, on ne pourrait plus. C’est pour cela qu’il faut conserver ce patrimoine."
Dans ce souci de préservation, la ville propose des subventions aux habitants souhaitant rénover leurs façades. Une manière de transmettre le patrimoine, mais surtout, l’histoire de Limoges.
À découvrir ou redécouvrir, par les habitants, par les touristes, au détour d’une rue, d’une façade ou d’un musée. Car il en va (un peu) de l’art déco comme (beaucoup) de la porcelaine : c’est du Limoges !