La salle emblématique du centre-ville fête le 17 mars son 60ᵉ anniversaire avec une spectaculaire mise en scène de Faust, mêlant musique, chant et danse.
"Le trésor qui les contient tous" : c'est ce que Faust demande à Méphistophélès, envoyé du diable, pour retrouver sa jeunesse.
Cette image résume plutôt bien la mise en scène des chorégraphes Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, qui sera proposée au public pour les 60 ans de l'Opéra de Limoges : un Faust spectaculaire qui allie musique, chant et danse contemporaine.
Opéra en 3 dimensions
Dans cette version innovante de l'œuvre de Gounod, chaque soliste a un double danseur qui traduit par son corps de nouvelles émotions. Claude Brumachon explique : "On va prendre l'essence des personnages, et les danseurs seront le fil inconscient de la pensée des solistes".
Le ténor Julien Dran incarne Faust pour la première fois. C'est pour lui un défi, mené aux côtés des danseurs : "Leur langage n'est pas le même, physiquement. C'est très intéressant de voir ce qu'ils ont voulu donner sur un sentiment, sur une émotion. Je regrette juste de ne pas avoir suffisamment de recul, étant sur scène moi-même, pour voir cet effet là..."
Les airs classiques sont bien sûr au rendez-vous, comme l'éternel chant de Marguerite "Je ris de me voir si belle en ce miroir", mais la mise en scène offre une profondeur inédite, détaillée par Claude Brumachon : "Il y a plein de lectures possibles : tu t'accroches au chanteur, après, tu bascules au danseur... Il y a beaucoup de tableaux parallèles. On dit la même chose par le corps, par la voix, par la musique. Il y a trois dimensions !"
Anniversaire
Faust sera à l'affiche pour les 60 ans de l'Opéra de Limoges. Ce lieu emblématique, construit à la place de l'ancien "cirque théâtre", fut inauguré le 17 mars 1963 par le maire de Limoges Louis Longequeue, avec des représentants du gouvernement et même de l’armée.
Au programme ce jour-là, Fortunio, l'histoire d'un amour très improbable qui va finir par triompher. C’est, là encore, assez représentatif du lieu... La salle est en effet moderne, et même dotée d'un plafond mobile qui permet d'augmenter sa capacité. Mais pour la faire vivre, les moyens mis à disposition sont, au départ, plutôt limités.
L'ancien directeur Guy Condette se souvient : "Il nous est arrivé d'aller chercher avec nos deniers des choses pour les accessoires, ou même, pour l'administration, des crayons. Chacun amenait son truc... Dans l'optique de la municipalité de cette époque-là, le théâtre devait être un lieu confidentiel. On jouait le dimanche, pour les personnes âgées."
Heureusement, au fil du temps, l’organisation évolue et le théâtre s’ouvre sur la ville. C’est enfin l’aboutissement d’un long cheminement, toujours raconté par Guy Condette : "Pour amener un répertoire germanique, il a fallu lutter avec l'image d'Oradour : "Comment osez-vous à 30 kilomètres d'Oradour produire du spectacle en allemand ?" Il y avait plein d'a priori qu'il fallait essayer de contourner, avec beaucoup de Soupline..."
Mais ce parcours a aussi permis de transmettre de nombreuses émotions. Le violoncelliste Eric Lyda est né 2 mois après l’inauguration de 63. Il a joué ses premières notes sur la scène de l'Opéra quand il était encore lycéen. Aujourd’hui retraité de l’orchestre, il enseigne encore et reste attaché aux thèmes universels joués toutes ces années : "La passion, l'amour, la haine, la liberté, l'émancipation de la femme... C'est un lieu où l'on prend du plaisir, mais qui nous donne aussi à réfléchir sur la vie en général. Et il faut le transmettre, c'est indispensable."
Nouvelle ère
Aujourd’hui, l’Opéra manque de place, de salles de répétition, ou d’équipements techniques. Il devrait se moderniser en profondeur dans les prochaines années, avec un nouvel esprit : le lieu de culture devient aussi lieu de vie.
L'actuel directeur Alain Mercier explique le projet : "Des espaces de coworking, des réunions d'entreprises, un guichet de services publics à la billetterie, des distributions de repas pour les plus démunis... Il faut repenser les espaces, pas simplement en pensant au plateau technique, aux fauteuils, à la salle. Bien sûr, c'est important, mais c'est aussi tous les espaces qui sont autour."
Aucune date n’est fixée pour ce nouveau départ, mais l’Opéra bénéficie désormais d’un ancrage solide. Sa version de Faust lui apporte déjà une nouvelle jeunesse, sans pour autant brader son âme...
Faust, à l'Opéra de Limoges, mercredi 15 mars à 20h, vendredi 17 mars à 20h, dimanche 19 mars à 15h.