Réforme du bac. Qu’en disent les élèves et les professeurs ? Immersion dans un lycée de Limoges

Pour la première fois depuis la réforme Blanquer, les lycéens de terminale ont passé leurs épreuves de spécialité mi-mars 2023. Ces examens du baccalauréat ont-ils encore un sens ? Où trouver la motivation pour continuer à venir en cours ? Et comment envisagent-ils la suite ? Nous avons passé une journée au lycée Turgot de Limoges.

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La réforme du bac était un engagement du candidat Macron. Avec l’épidémie de Covid-19, ce changement n’a pu s’appliquer pleinement qu'en cette année 2023.

Plus de 1 000 élèves dont 900 lycéens et près de 90 professeurs fréquentent le lycée Turgot, établissement général, technique et professionnel au cœur de Limoges. Le 16 mai dernier, nous sommes restés une journée entière à Turgot pour tenter de comprendre les effets de la réforme du baccalauréat. En préambule, petit cours de rattrapage :

Le « nouveau » bac général et technologique

La réforme dite « Blanquer » s’applique totalement depuis 2023. Les séries L, ES et S ont disparu, on parle dorénavant de spécialités.

Pour le bac, le contrôle continu représente 40% de la note finale, les épreuves 60% avec le français en 1ère, la philo, le Grand oral et les fameuses épreuves écrites de spécialités qui ont été passées mi-mars cette année.

Une réforme qui ne fait pas l’unanimité chez les enseignants

Côté professeurs, cette réforme du baccalauréat n’est pas toujours bien perçue : « Ces épreuves passées trois mois plus tôt en mars, c’est trois mois de perdus pour l’enseignant, explique un enseignant de Turgot souhaitant conserver l’anonymat. Les élèves sont concentrés sur leurs spécialités. Le programme n’est pas terminé. C’est autant de connaissances qui manqueront en post-bac. »

En immersion

Pour l’exosquelette, j’ai des micro-contrôleurs à tester !

Thierry Bennegen

Exosquelette, éolienne urbaine, jeu de réflexe ou écarteur de danger… En Sciences de l’Ingénieur, ce jour-là, ils sont 23 à travailler en petits groupes sur des projets scientifiques. Thierry Bennegen est leur professeur. Depuis 2015, il dispense son enseignement au lycée Turgot. « La réforme, c'est moins d’heures, les programmes sont allégés. C’est bien quand on a du recul. Heureusement pour nous, les élèves sont motivés, on a cette chance-là. On a de la simulation 3D, de la programmation, liées au métier d’ingénieur dans des domaines variés. »

On travaille en étroite collaboration avec les autres enseignants, les agents. C’est un peu une ambiance familiale.

Hervé de Charrière

Hervé de Charrière, professeur en Numérique et Sciences Informatiques depuis 1988, souligne l’avantage d’une structure plus petite que les grands établissements de 3 000 élèves, ce qui permet plus d’adaptabilité : « Il faut boucler le programme en mars. Du coup, la part du projet NSI se fait maintenant. Mais ils restent mobilisés, car ces connaissances pour eux ont du sens. La motivation, on la trouve. On se débrouille pour qu’après les examens, les activités sous forme ludique permettent d’acquérir d’autres compétences. »

Beaucoup d’élèves baissent les bras, parce qu’ils ont réussi et que d’après leur calcul, ils ont déjà le Bac.

Yolaine Ramanantsoa

Yolaine Ramanantsoa est professeur d’anglais depuis 2009 à Turgot. Dans sa classe, dix-huit élèves ayant un bon niveau : ils n’ont plus qu’à passer un oral. Une langue importante pour bon nombre de ces lycéens souhaitant devenir ingénieurs, cependant son coefficient comptant pour le bac est faible, ce qui n’incite pas les terminales à s’investir. « Le contrôle continu, ce n’est pas gênant en soi. Le problème, c’est qu’avec des épreuves au mois de mars, il faut trouver en juin des activités pour occuper les élèves. Il n’y a plus d’enjeu et nous n’avons pas cette culture en France du : je peux travailler sans enjeu. »

Le Grand Oral reste une épreuve dont ils se souviendront.

Pierre-Philippe Tomi

Pierre-Philippe Tomi, proviseur du lycée Turgot, reconnaît qu’il n'a pas encore assez de recul pour juger des effets des épreuves de spécialité, passé une semaine avant les vacances de Pâques. Il compte réunir un conseil pédagogique courant juin afin d’en tirer les conséquences. Pour lui, ce baccalauréat nouvelle formule reste une bonne réforme : « Auparavant, on avait des jeunes avec de bons parcours scolaires qui pouvaient paniquer le jour de l’examen. Ce bac reflète davantage ce qu’ils sont capables de fournir tout au long de l’année. Cela rassure les candidats par rapport au nombre de points. Travailler, pas seulement pour une note, mais pour préparer son avenir. »

Et les terminales, ils en pensent quoi ?

Les avis des élèves rencontrés sont divers. Izeline, 17 ans, était légèrement stressée par ces épreuves anticipées au mois de mars, mais, « si on travaille bien depuis la 1ère, il n’y a pas de raison que ça se passe mal. » Une lycéenne qui n’a pas encore d’idée précise sur son avenir, mais se projette aisément dans ses études post-bac. Elle souhaite aller en prépa Physique Technologique et Sciences de l’Ingénieur.

À l’inverse, Mathis, 17 ans lui aussi, évoque un "relâchement une fois la spécialité passée. Il y a moins d’enjeux. Parcoursup est déjà terminé." Un élève qui souhaiterait plus tard devenir ingénieur en robotique ou mécanique.

Pour Léandre, 18 ans, qui s’imagine travailler dans les transports, ce nouveau bac est encore un peu bancal, notamment l’épreuve orale : « Le Grand Oral, c’est la probabilité de gagner à la loterie. »

Je sais déjà vers quoi je vais aller. Ce sera la cyber sécurité 

Jules, élève à Turgot

Jules, 17 ans, parle tout en codant sur un des ordinateurs de la classe de Numérique et Sciences Informatiques. Le bac n’est pas encore passé qu’il semble déjà loin derrière ce jeune lycéen qui ne s’inquiète pas pour son avenir : « Je veux aider les entreprises à tester leurs défenses en vérifiant qu’il n’y a pas de problème de sécurité. Cela peut être autant un site web, qu’un site marchand. Il faut se mettre dans la peau de l’attaquant pour mieux voir les soucis dans un système connecté et améliorer la sécurité. »

Quid de l’absentéisme ?

Dans ce lycée limougeaud, la réforme du bac et ses épreuves de spécialités en mars ont eu des incidences. Certains élèves savent qu’ils ont déjà le bac et sèchent les cours, d’autres non.

Les terminales ayant des projets spécifiques en Sciences de l’Ingénieur et en informatique continuent pour la plupart d’assister aux cours. Entre mars et mi-mai, seul un élève se fait porter pâle sur 160. En revanche, pour les classes de Sciences et Technologies de l’Industrie et Développement Durable, c’est une autre paire de manches avec 14 élèves absents sur 77. Un absentéisme qui pourrait être endigué si, nous souffle un personnel de Turgot : « on donnait les résultats des spécialités fin juin, histoire de ne pas émousser la motivation et que les élèves restent jusqu’au bout. » CQFD…

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