La loi sur le harcèlement moral en France a 20 ans. Pour cet anniversaire, à l’initiative, entre autre, de l’Université de Limoges et de l’Ordre des avocats, un grand colloque était organisé à ce sujet, ce vendredi 1er avril, en présence notamment de la psychiatre Marie-France Hirigoyen, dont les travaux ont permis la création de cette loi.
J’ai commencé à en parler parce que mes patients me décrivaient une violence pas facile à dénoncer, parce que répétitive, faite de micro-agressions, de petites disqualifications, d’humiliations, et il fallait donc dénoncer ce sujet dans les entreprises.
Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychothérapeute
Née en 1949, Marie-France Hirigoyen a fait ses études de médecine à Paris.
Se spécialisant en psychiatrie, elle soutient sa thèse sur le thème de la protection de l’enfance (De la prison pour enfants au centre hospitalier spécialisé : l'École Théophile Roussel, 1978).
Psychiatre et psychothérapeute, elle se forme aux États-Unis à la victimologie.
Et, en 1998, elle publie un essai, Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien, où elle évoque les effets destructeurs (souffrance, dépression, traumatisme psychique, suicide) provoqués par les pervers narcissiques, identifiés à des prédateurs, sur le psychisme de leurs victimes, notamment et entre autre en milieu professionnel.
Elle développe et analyse cette notion peu après, dans son second ouvrage sur la violence psychologique au travail, Malaise au travail. Harcèlement moral: démêler le vrai du faux, paru en mars 2001.
Le succès des ouvrages et la « nouveauté » de la notion (alors qu’elle était connu aux États-Unis et en Suède) vont contribuer, avec son concours, à l'introduction d'un amendement de loi contre le harcèlement moral dans le Code du travail, en janvier 2002, lors de la loi de modernisation sociale.
À l’occasion de cet « anniversaire », le Centre de Recherche sur l’Entreprise, les Organisations et le Patrimoine (CREOP) de l’Université de Limoges, ainsi que l’Ordre des avocats de la ville, organisaient donc ce vendredi 1er avril un grand colloque, en présence de Marie-France Hirigoyen et des plus grands spécialistes français de la question, pour dresser un état des lieux du harcèlement moral au travail en 2022 et de réfléchir à ses perspectives d’évolution.
À cette occasion, Marie-France Hirigoyen a répondu aux questions de l’une de nos équipes :
« Lorsque je l’ai dénoncé dans mon premier livre, on a beaucoup travaillé dans l’élaboration de la loi, parce qu’il fallait définir ce qu’était le harcèlement moral.
On le sait maintenant, ce sont des agressions répétées, qui portent atteinte à la dignité des personnes.
Donc il fallait définir ce qu’était la dignité, ce qu’étaient les agissements, et surtout, moi qui suis médecin, ce qu’étaient les conséquences pour la santé.
Le texte a été difficile à élaborer, il y a des éléments positifs que nous avons obtenus.
C’est que ce soit reconnu comme une atteinte grave à la dignité des personnes, que ce soit sanctionné.
Toute la difficulté, c’est une question de limites, parce que l’on peut confondre les agissements de harcèlement moral avec d’autres risques psychosociaux, en particulier avec le stress, le burn-out ou les conflits dans les entreprises.
L’intentionnalité n’est pas dans le texte de loi.
Puisqu’on parle d’agissements qui ont pour effet ou pour objet.
Il est essentiel de distinguer un comportement normal, qui peut être difficile, à certains moments, dans les lieux de travail, d’un mode de management ou d’une attitude qui portent atteinte au respect, à la dignité, des personnes.
Au fond, une attaque à la personne elle-même et non pas à la qualité de son travail ».