Certains ont attendu 3 jours pour rouvrir, d'autres ont retrouvé leur clientèle avec plaisir mais à perte, et ce week-end de fête des mères est incontournable pour ceux ouverts le dimanche. Mais il faudra plusieurs mois avant que la sérénité revienne.
La passion de Norbert Debord pour son métier de cuisinier s'entend même au téléphone. Il était évident pour lui que les portes de son restaurant gastronomique de Bonnac-la-Côte soient ouvertes dès le 2 juin à midi. Et il fallait être au point pour assurer ce dimanche de fête des mères.
"Notre métier, ce sont nos clients, on ne pouvait pas se permettre d'attendre encore. Ils sont notre plaisir et on se doit de leur faire plaisir. Dès mardi les clients ont été là, on avait annoncé sur les réseaux sociaux 10 jours avant qu'on commençait à prendre les réservations pour le 2 juin, ça a très bien fonctionné"
Mais il reconnait qu'en dépit d'une salle, certes réduite en tables, mais complète, il ouvre pour le plaisir, certainement pas pour gagner de l'argent. Les frais fixes sont supérieurs et risquent de le rester longtemps.
Difficile de se refaire de la trésorerie quand l'activité majeure, à 80%, repose sur l'événementiel. Or, tout s'est arrêté : sur les 35 mariages programmés entre avril et octobre, 22 ont été annulés. Comme tous les baptêmes, communions mais aussi les séminaires, les repas d'entreprises de fin d'année en juin, les événements sportifs, les soirées privées, les assemblées générales de centaines de personnes des banques... une restauration à menu unique, où un seul serveur suffit pour 35 personnes quand il en faut un pour 15 dans la salle du restaurant.
Une restauration-traiteur à l'arrêt qui entraine avec elle toute une filière de fournisseurs : maraichers, poissonniers, bouchers mais aussi fleuristes, DJ etc...Ses quatre camions, en location, sont stationnés sur son parking depuis trois mois. "C'est sûr, ça fait mal. Il faut garder le moral. On va peut-être sauver une quinzaine de mariages entre fin août et octobre, on va voir... des mariages à 100-120 personnes... tous les séminaires et congrès des banques et entreprises sont annulés par contre jusqu'à la fin de l'annéec'est pour ça qu'il fallait reprendre l'activité quoiqu'il en soit, reprendre nos marques aussi avec tout le dispositif de sécurité sanitaire, il nous faut aussi rassurer les clients".
Norbert Debord est également propriétaire de trois autres établissements. Son bistrot-brasserie, zone de Romanet à Limoges, n'est ouvert que le midi. De 120 couverts avant le confinement, il est tombé à 25 depuis mardi. Ses clients ? beaucoup sont aujourd'hui encore en télétravail. Quant au bar-ambiance qu'il a acquis il y a quelques mois, la reprise est timide.
"Beaucoup de personnes pensent qu'on ne peut se retrouver à plus de dix. Mais ce n'est qu'autour d'une même table. On peut tout à fait être 60, mais par table de 10 maximum, tous assis et servis à table, personne debout et se déplaçant, avec un mètre de distance avec la seconde table. Mais ça permet quand même de fêter un événement entre amis ou avec la famille... c'est à nous aussi de le faire savoir".
Mais impossible d'ouvrir la piste de danse. Tout comme sa discothèque, également fermée. "Nos quatre établissements sont gérés au cordeau. Notre trésorerie nous permet de faire le dos rond pendant quelques mois, mais elle va fondre, on le sait il va falloir pourtant tenir deux ans avant de retrouver l'activité d'avant le confinement".
Alain Longeval, à Limoges, s'attendait lui à une reprise calme. Il a rouvert mardi mais n'a rempli sa salle, déjà réduite d'une table sur trois, qu'à la moitié. 25 couverts, dont les trois quart en menu ouvrier, pour une salle de 100 couverts avant le confinement, dont 50 en cartes.
"La reprise est pourtant fatigante car on a une petite partie de la clientèle qui trop contente de se retrouver ne se soucie pas du dispositif que nous avons mis en place, une deuxième porte d'entrée pour une seule sortie par la caisse, un accès aux toilettes avec passage au lavabo avant/après... il nous faut accompagner cette clientèle comme si elle n'avait pas entendu parler des précautions sanitaires... on ressent cette fatigue supplémentaire au bout de cinq jours"
Tous les clients réservent depuis la réouverture. Aucun ne se présente sans avoir appelé. Pendant le confinement, Alain Longeval a assuré avec son épouse une restauration à emporter. "C'était de la dinette, du dépannage, pour rendre service à nos clients qui travaillaient sur les chantiers et qui déjeunaient dans leurs véhicules. Nous n'étions que tous les deux. Mon équipe est revenue lundi. Il était temps, j'ai bien vu qu'ils avaient perdu la main et la cadence".
Sa cuisine française et traditionnelle lui fait travailler du frais, chaque jour. Les amis, les proches, ont tenu à réserver pour ces vendredi et samedi soirs. "ça fait chaud au coeur. On a vu qu'ils tenaient à être là. J'ai passé trois fois plus de temps que d'habitude à discuter avec les uns et les autres. C'est important, et on sent qu'il y a un vrai besoin de retrouver de la convivialité".
Des sourires pour retrouver de l'énergie, avant de replonger dans l'administratif et la comptabilité. Alain Longeval sait qu'il a un an pour rembourser sans trop de frais le prêt relais à 0,25 qu'il a pris. Au delà, ça passera à un point de plus par année, un risque qu'il préfère éviter.
"Il ne va pas falloir attendre trop longtemps que le rythme reprenne. Les charges fixes sont là. On a eu quand même 1250€ d'aide avec l'URSSAF, 1500€ en plus parce que notre chiffre d'affaires a baissé de 50%, mais ça s'arrête là et on est 9. C'est sûr, on n'est pas serein face à cet avenir incertain".
Malika et Kader Zitouni ont ouvert un restaurant végan il y a dix-huit mois au centre-ville de Limoges. Ils s'étaient montrés prudents et s'étaient assurés de quoi tenir avant que la clientèle ne s'installe. Mais tout est allé plus vite qu'espéré. La trésorerie était donc bonne quand le confinement est arrivé.
Depuis mardi, il leur a fallu s'organiser autrement. Leur concept permettait à la clientèle de faire table commune. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. "Si j'ai trois groupes de 10, je peux tous les placer. Si j'ai des tables de 2, je ne peux recevoir que 15 personnes. Mais nous sommes contents de retrouver nos clients"
Ils avaient opté pour une fermeture totale pendant le confinement. Un temps mis à profit pour créer de nouvelles recettes. Depuis mardi, outre le service à table, ils ont aussi repris la vente à emporter qui fonctionne bien depuis l'ouverture de l'établissement.
"Je fais aussi des livraisons. Nous avons des clients qui optent encore pour du confinement, ils apprécient d'être livrés".
Mais le constat est là : il y a peu de monde au centre-ville. Les salariés du tertiaire n'ont pas retrouvé leurs bureaux. Le télétravail et le chômage partiel se poursuivent. "J'ai un client chef d'entreprise qui commence à envisager des licenciements, il fait ses calculs. Lui et ses salariés venaient très régulièrement chez nous, ce sont autant de clients qu'on ne reçoit plus pour l'instant. On craint des vagues de licenciements en fin d'année".
Kader Zitouni a préféré différer son endettement, pas l'augmenter en optant pour des prêts complémentaires. Il reste donc confiant sur la reprise d'activité et espère remettre très vite ses salariés à temps complet. "On a eu du monde au salon de thé cet après-midi, et des nouveaux clients, c'est bien, on est contents"
Rien du côté de leurs assurances
Les restaurateurs sont consternés par le comportement de leurs conseillers en assurance. Générali, Axa, Alliance.... auxquels ils ont confié leur établissement, parfois plusieurs, leurs véhicules, et depuis 15, 20 parfois plus de 30 ans. Ils se pensaient assurés pour toute perte d'exploitation, il n'en est rien. Ils en discutent entre eux pour voir si leur syndicat peut agir.
"Je n'ai même pas eu un coup de fil pour me demander comment ça allait, et quand j'ai appelé, on m'a répondu que je n'avais qu'à lire mon contrat, que je n'avais rien à chercher" souligne Norbert Debord.
"Bien sûr que je pense à tout résilier, mais chez un autre, c'est pareil" se désespère Alain Longeval.
Une carte à jouer pour nos territoires selon l'UMIH
Pour Alain Guillout, Président de l'UMIH, l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie, nos territoires offrent ce qui a manqué à une grande partie des français : l'espace, la nature et la qualité de vie.
"Nous avons une carte à jouer, il va falloir en tenir compte dans les mois à venir. Car beaucoup ne vont peut-être pas passer le cap cet hiver. Nous devons y réfléchir'.