Beaucoup de questions se posent au lendemain de l’annonce d’Emmanuel Macron d’un accueil de tous les élèves, de manière obligatoire, dans les écoles et les collèges à partir du 22 juin. Pour la troisième fois en un mois, il va falloir mettre en place une nouvelle organisation.
C’est un virage à 180° dans les écoles et les collèges.
Depuis le 11 mai 2020, les établissements scolaires étaient soumis à un protocole sanitaire très strict, ne permettant d’accueillir que 15 élèves par classe (10 en maternelle). Le choix de la scolarisation était basé sur le volontariat des familles, mais aussi sur les capacités d’accueil des établissements liées aux mesures sanitaires.
Ce dimanche 14 juin, le Président Emmanuel Macron a tout fait voler en éclat en annonçant :
Dès demain, en hexagone comme en Outre-mer, les crèches, les écoles et les collèges se préparent à accueillir à partir du 22 juin tous les élèves, de manière obligatoire et selon les règles de la présence normale. [Emmanuel Macron, allocution télévisée du 14 juin 2020]
Premier doute sur l’interprétation de la phrase : le caractère « obligatoire » concerne-t-il le retour en classe des élèves ou l’accueil par les établissements ?
Contacté par téléphone ce lundi matin, le service de presse du ministère de l’Education Nationale répond : les deux ! A partir du 22 juin, les écoles et collèges devront être en mesure d’accueillir à nouveau tous les élèves, et la présence des élèves en classe redevient obligatoire.
Un certain flou persiste sur le sort des familles dont un membre est considéré « à risque ». Faudra-t-il fournir un certificat médical pour dispenser l’élève ? Le nouveau protocole sanitaire qui sera officiellement présenté ce mardi 16 juin, devrait répondre à cette question, comme à beaucoup d’autres.
Une annonce, mais pas de mesures
Directrice de l’école élémentaire du Vigenal à Limoges, Aude Soria ne cache pas sa colère ce lundi matin, au lendemain de l’annonce du Président de la République.
On a une annonce, certes, mais pas de mesures. Le nouveau protocole sanitaire sera connu demain, au mieux. Cela va nous laisser trois jours pour organiser une reprise dans des conditions complètement différentes, alors que les élèves viennent juste de s’approprier le fonctionnement. Il va falloir réaménager les salles de classe, qui ont été vidées de leur matériel pour limiter les risques de contamination. Le retour en classe des élèves est souhaitable, et même indispensable, mais sur la temporalité, nous sommes pris de court.
La directrice d’école s’interroge également sur l’assouplissement des mesures sanitaires, esquissé ce lundi matin sur Europe 1 par le ministre Jean-Michel Blanquer.
Un nouveau décret publié dans la nuit du 14 au 15 juin 2020 en trace les contours : « Dans les écoles élémentaires et les collèges, l'observation d'une distanciation physique d'au moins un mètre s'applique uniquement dans les salles de classe et tous les espaces clos, entre l'enseignant et les élèves ainsi qu'entre chaque élève lorsqu'ils sont côte à côte ou qu'ils se font face. L'accueil est assuré par groupes qui ne peuvent pas se mélanger. »
Finis, donc, les 4m2 par élève et la limitation de 15 élèves par classe. Et pourtant, ces nouvelles règles restent contraignantes.
Beaucoup d’écoles sont équipées de pupitres doubles, où il est impossible de respecter une distance d’un mètre entre les élèves. Alors comment fait-on ? Et comment expliquer aux élèves que tous les gestes barrières sur lesquels nous insistions jusqu’ici ne sont plus valables ? Franchement, je ne comprends pas ce qu’on nous demande !...
Jean-Michel Blanquer affirme que les mesures d'hygiène seront maintenues : gestes barrières, lavage des mains, gel hydroalcoolique... Mais qu'en est-il de la désinfection systématique après chaque passage de groupe aux sanitaires ? Ce qui était possible pour 12 élèves par classe, ne le sera plus pour 25 ou 30...
Pour la troisième fois, une nouvelle organisation
Dans leur ensemble, les syndicats d’enseignants accueillent favorablement cette annonce d’un retour de l’obligation scolaire. Tous dénonçaient le creusement des inégalités entre élèves provoqué par le volontariat.
Mais ils soulignent l’épuisement des équipes pédagogiques, et notamment des responsables d’établissement, face à tous ces changements.
C’est le 3ème protocole à mettre en place. Il y a eu la reprise le 11 mai, puis la montée en charge des effectifs le 2 juin, et aujourd’hui le retour de tous les élèves. A chaque fois, il a fallu organiser les groupes, les passages aux toilettes pour laver les mains, c’est un travail monumental. Et là tout est balayé. En terme de souffrance psychologique pour les directeurs, c’est compliqué… [ Pascal Lavigerie, SNUIPP 87]
Idem au collège, où une organisation spécifique a été mise en place : salle de classe fixe pour les élèves, aménagements pour que les groupes ne se croisent pas…
Les enseignants avaient réfléchi à une organisation pédagogique cohérente. Il faut tout revoir en quelques jours. Avec l’incertitude d’un retour effectif des collégiens pour les deux dernières semaines. Beaucoup ont déjà dû rendre leurs manuels scolaires ! [Patrice Arnoux, co-secrétaire SNES 87]
Pour l'instant, seuls 20 à 30% des collégiens de la Haute-Vienne auraient retrouvé le chemin des classes.
Quid des enseignants vulnérables sur le plan sanitaire ?
« Certains ne pourront pas revenir pour des raisons de santé valables, sur certificat médical, mais pour l’immense majorité, ce sera un retour à la normale. La règle, c’est le retour pour tout le monde », a répété Jean-Marie Blanquer sur Europe 1. Le ministre a assuré que les professeurs remplaçants seraient mobilisés sur cette période, ce dont doutent les syndicats d'enseignants.
Quand on connait l'état du remplacement en Haute-Vienne, cela parait impossible. Seulement 8 ou 9 professeurs remplaçants étaient disponibles pendant le confinement... [ Pascal Lavigerie, SNUIPP 87]
Un retour bénéfique
Reste que, pour la grande majorité des parents, ce retour à l’école obligatoire était attendu et espéré, après trois mois de confinement et d’école à la maison, et un mois-et-demi d’accueil en dents de scie dans les établissements scolaires.
A la sortie de l'école élémentaire de Couzeix, les avis étaient quasi unanimes.
C'est bien pour les enfants qu'ils puissent finir l'année tous ensemble, revoir leur enseignant. Ma grande passe en 6ème l'année prochaine, ça lui aurait manqué de ne pas finir l'école. [un père de famille]
C'est un soulagement pour moi qui suis infirmière. Malgré toute la bonne volonté, on n'a pas le temps de remplacer les enseignants. Les enfants ont besoin de retourner à l'école, ils sont en train de prendre un retard considérable. [une mère de famille]
La présidente des parents d'élèves, Katia Villaça, tempère néanmoins :
Un retour, oui, mais il faut voir dans quelle mesure. Revenir à 30 élèves par classe comme avant, pour beaucoup de parents c'est inenvisageable. Les craintes sont encore là, malgré tout. Il y a eu tellement de discours différents sur le fait que les enfants soient porteurs ou non du virus...
Pourra-t-on reprendre l'école, le collège ou le lycée comme avant ? Au delà de cette reprise symbolique pour 15 jours, c'est la question de l'organisation de la rentrée de septembre qui se pose...