Santé ou emploi ? Avec la réforme des retraites, la médecine du travail redoute de devoir trancher

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Retraites : la médecine du travail au cœur de la réforme ©Antoine Jégat / André Abalo

Retraite anticipée ou maintien dans l’emploi ? Avec le projet de réforme des retraites, les médecins du travail seraient amenés à trancher entre santé et travail. Une unique visite obligatoire, à partir de 61 ans, pour décider de l’avenir des salariés : la mesure suscite l'inquiétude.

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Comme tous les deux ans, Isabelle Chanardier se rend à la médecine du travail de Limoges. Préparatrice de commandes dans l’industrie agro-alimentaire depuis une dizaine d’années, elle réalise des gestes répétitifs dans un environnement très froid : pas plus de 2 degrés.

Je ne me vois pas à 65 ans faire la même chose. Les épaules elles souffrent et je me dis qu’à 65 ans les épaules ne seront plus capables de faire ce que je fais actuellement.

Isabelle Chanardier, préparatrice de commandes dans l'industrie agro-alimentaire

En fin de carrière, pour cette salariée comme pour d'autres, le Dr Queneuille pourrait avoir à décider d’un départ anticipé, ou non.

C’est en tout cas ce que prévoit la réforme des retraites, au terme d’une visite médicale obligatoire à partir de 61 ans pour tous les métiers considérés comme « pénibles ».

"On n’a déjà pas le temps de faire ce qu’on doit faire, comment on pourrait voir tous les gens de 61 ans pour donner un avis ? Ce n'est pas possible." Jean-Philippe Queneuille suit 7 000 salariés hauts-viennois, un nombre multiplié par deux depuis ses débuts à cause du manque de médecins.

Si on veut amener les gens à travailler plus longtemps il faudrait déjà qu’on recentre les médecins du travail sur leur métier de base, c’est-à-dire la prévention : diminuer les risques au travail pour justement avoir moins de problèmes de santé et pour pouvoir "aller plus loin"

Jean-Philippe Queneuille, médecin du travail AIST 87

Des contours encore flous

Alors que se déroule en ce moment l'examen du projet de loi au sein de la commission des affaires sociale de l'Assemblée nationale, les contours de cette mesure sont encore flous, comme le note Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SNPST) : "Madame Borne a dit que cette visite serait consacrée à informer le salarié en usure professionnelle qu’il peut demander la retraite pour inaptitude. C’est une procédure qui existe déjà : le médecin du travail ne fait que remplir un dossier, la décision appartient à l’Assurance maladie. Donc pour l’instant les choses ne sont vraiment pas claires."

 

Si ce pouvoir de décision revient au médecin du travail, cela pose, selon lui, de sérieuses questions déontologiques.

Donner un avis défavorable, ça voudrait dire que nous, médecins, on pense que la personne en face de nous, qui a 61 ans, qui a travaillé dans des conditions pénibles toute sa carrière, et qui en a sur lui les stigmates, on peut le laisser continuer ce travail ? Ça me paraît contraire à la médecine, à l’humanité et à la déontologie.

Dr Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail

 

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