Des manifestations ont lieu devant les portes de la CPAM de Limoges chaque jour depuis ce lundi 18 novembre. Les syndicats dénoncent notamment les baisses de remboursement annoncées par le gouvernement. Autre crainte : un projet de transformation qui menace selon eux le suivi médical des assurés.
Baisse du remboursement de certains médicaments, baisse du remboursement des consultations médicales… Les économies que le gouvernement veut réaliser pour faire face à sa crise budgétaire touchent aussi le monde de la santé.
À Limoges, toute cette semaine, la CGT organise des mobilisations devant la Caisse primaire d’assurance maladie. Le syndicat dénonce "une mise à mort de notre système social". Parmi les demandes, une prise en charge totale des soins ou encore l’embauche de personnel pour réduire les délais de traitement des dossiers.
Deux services en un
Un autre projet provoque une nouvelle inquiétude : la transformation de l’Assurance maladie, avec la fusion de deux réseaux en un seul : les caisses primaires d’assurance maladie et les directions régionales du service médical.
Pour bien comprendre, il faut connaître l’organisation de l’assurance maladie.
- La Caisse nationale d’assurance-maladie, la CNAM, chapeaute l’ensemble.
- Plus proches de nous, les Caisses primaires, les CPAM, sont implantées dans les départements. Elles gèrent les assurés et versent les prestations ; ce sont des structures administratives.
- La Direction régionale du service médical, la DRSM, contrôle le bien-fondé des versements. Elle rend des avis sur les arrêts de travail ou les affections de longue durée. Elle est gérée par des médecins. En Nouvelle-Aquitaine, la DRSM est partagée entre Bordeaux et Limoges avec 12 antennes dans les départements. 640 agents gèrent 4,8 millions d’assurés.
"Si on a un accès difficile, c’est un système qui ne va plus marcher"
Après la publication d’un rapport pointant une organisation lourde et complexe, le directeur général de la CNAM a présenté un projet d'union entre DRSM et CPAM. Le docteur Marie-Claude Cabanel, actuelle responsable du service médical de Nouvelle-Aquitaine, explique : "Il s’agit d’instaurer une organisation unifiée, de renforcer la synergie, de faciliter l’exercice des missions."
Mais la nouvelle structure sera dirigée dans chaque département par un responsable administratif, et non par un médecin ; c’est ce qui coince pour de nombreux observateurs. Selon Arnaud Texier, représentant de la CGT à la CPAM de Limoges, cette évolution menacerait l’indépendance du service médical : "Demain, s’il n’y a plus de service médical, les médecins ne verront plus les dossiers." Pour lui, le risque serait une évaluation des dossiers sur des critères financiers et non plus médicaux, dans un objectif de réduction des coûts.
Cette évolution inquiète également les médecins en dehors de la sécurité sociale. Mickaël Frugier, membre de l’association Médecins pour demain et médecin généraliste en Haute-Vienne, explique : "Il doit y avoir une indépendance des médecins. On ne peut pas tout mélanger." Pour le docteur Jean-Christophe Nogrette, représentant du syndicat MG France installé près de Limoges, la situation risque au contraire de se complexifier : "Quand on a des patients qui sont en arrêt prolongé, c’est bien de pouvoir en discuter avec le médecin-conseil. Si on a un accès difficile, c’est un système qui ne va plus marcher."
Secret médical et indépendance des médecins
Une autre crainte concerne le respect du secret médical dans une structure désormais "médico-administrative". Marie-Claude Cabanel promet qu’il sera garanti, et elle veut rassurer : "La CPAM n’aura jamais accès aux données médicales nominatives. Ça reste sous l’autorité d’un médecin-conseil, et il n’y aura jamais de pression économique sur les médecins-conseils." Pour éviter que ces médecins ne se sentent obligés d’obéir à des contraintes budgétaires plus que médicales, leur avancement de carrière ne dépendra pas de leur hiérarchie locale : "La gestion des carrières sera nationale."
Un objectif de la transformation est aussi de rendre le rôle du médecin-conseil plus lisible, et donc plus attractif. Jean-Christophe Nogrette en doute : "Sur le terrain, on voit le contraire depuis des années, alors on a du mal à le croire."
Pour en juger, la nouvelle organisation devrait être opérationnelle dans la région en juin 2025.