Le CHU de Limoges pratique une cinquantaine d'opérations de réassignation sexuelle chaque année. Un enjeu de santé majeur pour lutter contre le mal être de femmes nées dans un corps d'homme. Rencontre avec Frédérique, avant et après la chirurgie, à l'aube d'une nouvelle vie.
Frédérique, 25 ans, est une patiente comme une autre quand, ce matin-là, elle arrive au CHU de Limoges. Mais l'opération qui l'attend n'a rien d'anodin. Frédérique est née dans le corps d'un garçon. Elle est à la veille d'une reconstruction pour devenir totalement une femme.
"Je suis très stressée, mais hyper excitée à l'idée de faire ça. Ce n'est pas opération quelconque, je ne vais pas me faire arracher une dent de sagesse…". Frédérique a déjà changé d'état-civil et suivi une hormonothérapie. Un travail psychiatrique a validé sa démarche. L'opération, c'est un aboutissement, mais aussi la continuité d'un parcours semé d'embûches, notamment à l'adolescence.
Pour moi il n'y avait aucun mal à dire ce que j'étais. J'étais comme ça et puis point barre. Que vouliez-vous y faire de toute façon. Mais ce n'était pas compris. C'était des insultes, des moqueries, tous les jours, du harcèlement… Tout ce genre de chose que personne ne devrait connaître, trans ou pas. Aucune personne ne devrait à avoir à subir cela.
L'assurance-santé prend en charge les actes liés au transsexualisme, mais sous certaines conditions, dont celle d'avoir obtenu un admission en ALD 31 (Affection Longue Durée, hors liste) et intégrer un véritable parcours de soin-type de deux ans, dont des rencontres avec un psychiatre, un endocrinologue et un chirurgien. Ce sont ces spécialistes qui valident un certificat, transmis à la CPAM.
Entre 40 et 50 opérations de réassignation sexuelle sont désormais pratiquées au CHU de Limoges chaque année. L'enjeu de santé est majeur. "Le coût sociétal de cette chirurgie demeure nettement inférieur au coût si on laisse ces patientes sans accompagnement avec le mal-être, les tentatives de suicide qui peuvent être un coût sociétal beaucoup plus important que la chirurgie. Est-ce que notre rôle, à nous, ce n'est pas de rendre ces personnes heureuses, en adéquation avec leur vraie identité de genre qu'elles ont toujours ressentie ?", explique Xavier Plainard, urologue CHU de Limoges.
La chirurgie dure 5 heures. Les suites opératoires peuvent être douloureuses avec notamment des soins à réaliser soi-même quotidiennement pendant plusieurs mois.
Je suis rendue au bout de ma transition. C'est ce que j'ai toujours voulu. Enfin, on y est. Depuis le temps…
Une semaine après l'opération, à la veille de sa sortie de l'hôpital, Frédérique est déjà bien remise. Ses parents ont fait le trajet depuis la Charente-Maritime pour la soutenir.Ils l'accompagnent depuis toujours. "On ne nous a pas donné le choix, donc on a accepté, tout simplement. Quand on aime ses enfants, on les aime tout simplement" témoigne Patricia, la mère de Frédérique.
La jeune femme n'a pas encore de projet précis pour l'avenir, juste le souhait d'une vie heureuse : "Je ne me vois pas finir mes jours sans avoir d'enfant ou sans avoir de mari. Je veux une famille."
Même si de nouvelles équipes médicales se forment régulièrement en France, le délai pour une consultation à Limoges approche des deux ans. Cela peut accroître le mal-être de patientes qui n'aspirent qu'à la normalité.