"Une descente aux enfers" : une aide-ménagère, condamnée pour abus de confiance, de retour devant la Cour d'Appel

Condamnée pour abus de confiance par le tribunal correctionnel de Limoges le 6 janvier 2023, le parquet avait fait appel pour la relaxe partielle prononcée à son encontre pour abus de faiblesse. L'affaire était à nouveau exposée à la Cour ce mercredi, en présence de la curatrice de la personne âgée spoliée.

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L'enquête de police, particulièrement précise et minutieuse selon le Président de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Limoges, fait ressortir une somme totale détournée de plus de 208.000€.

Ce sont les économies de toute une vie, madame Coussedière avait mis cet argent de côté pour pouvoir finir ses jours soignée à son domicile, mais ce ne sont que des dettes que j'ai trouvées lorsque j'ai été nommée, elle a dû quitter son appartement pour un EHPAD.

Sarah Fressinaud-Petit, mandataire judiciaire à la protection des majeurs

à la rédaction web de France 3 Limousin

À la barre, Christine G. n'a rien à répondre au Président qui lui demande simplement à quoi a servi tout cet argent, "sans compter les nombreux crédits à la consommation que vous avez contractés, ni les 6000€ que vous avez empruntés à une amie, alors même que votre époux a une confortable retraite de la SNCF ?"

Ses silences sont assourdissants. En revanche, sa voix s'étreint lorsqu'elle explique que son époux n'était pas au courant, qu'elle s'est trouvée dans une escalade, "une descente aux enfers" dont elle n'a plus trouvé la sortie, qu'il lui aurait fallu se dénoncer, mais qu'elle n'a pas pu, qu'elle comprend mieux aujourd'hui pourquoi, grâce aux séances qu'elle suit avec un médecin psychiatre.

Le Président se montre patient, enchaîne les questions simples, directes "il n'y a rien qui montre des dépenses somptuaires, exceptionnelles... coiffeur, parfumerie, fleurs, nourriture, vêtements, même pas de luxe... pas de voyages, de voiture..." et de citer les nombreuses enseignes locales où elle se servait avec la carte bleue d'Yvonne Coussedière, alors âgée de 93, puis 94, puis 95, puis 96, puis 97 ans. Car les années ont passé au service de cette retraitée de l'enseignement, sans enfant ni famille depuis le décès de sa sœur en 2008.

Une personne âgée désormais démunie

Lorsque Yvonne Coussedière fait une récidive d'AVC, les soins doivent être plus importants : kiné, infirmière, pharmacien... Les services de plusieurs auxiliaires de vie sont nécessaires. C'est alors que les factures des prestations de ces professionnels de santé commencent à rester impayées. L'alerte est alors donnée. Une enquête de police est ouverte.

Depuis que Yvonne Coussedière a dû réaliser que ses livrets, comptes, assurance-vie, même le prix de vente du petit chalet qu'elle avait à Peyrilhac, que tout ce qu'elle avait mis de côté au cours de son activité d'enseignante et de formatrice avait été détourné et dépensé par "Christine, en qui j'avais toute confiance" comme elle le confiera aux enquêteurs, elle n'a plus dormi tranquille. Ses crises d'anxiété nocturnes, ainsi que le coût de son appartement, ne lui permettaient plus de rester à domicile. Elle a dû partir pour un EHPAD en avril 2023.

"Je lui demandais bien des relevés de mes comptes, mais elle me disait que la banque n'en donnait plus maintenant que tout est sur internet et quand je lui demandais des justificatifs, elle me disait qu'elle n'avait pas que ça à faire et qu'elle me laisserait si je continuais à l'embêter"; a fini par confier aux policiers Yvonne Coussedière.

Un couple à la barre

Est également poursuivi pour recel l'époux de l'aide-ménagère. Le Parquet estime qu'il ne pouvait pas ne pas savoir, ne pas se poser de questions sur cet argent liquide qu'avait toujours son épouse, elle qui ne percevait comme rémunération que les heures payées par chèque emploi-service.

"Non, il ne savait rien, c'est moi qui suivais les comptes" et son mari, à son tour, de tenter de persuader la Cour qu'il n'a rien vu, qu'il était à l'époque occupé dans des activités, qu'il s'occupait moins de la maison "et puis un jour, le banquier a parlé de soupçons de détournements. Comment voulez-vous admettre que la personne qui partage votre vie puisse faire quelque chose comme ça ? On est mariés pour le meilleur et pour le pire et là, je ne sais plus avec qui je vis, j'ai été partagé entre l'amour passé et la trahison". Il explique sa signature imitée pour les crédits à la consommation, les mensonges récurrents de son épouse...

Mais à la question du Président, "Mais quand elle est arrivée à votre domicile avec des pièces d'argenterie, vous ne vous êtes pas interrogé sur leur provenance ?, le mari de répondre : "Elle m'a dit que c'était Madame Coussedière qui les lui avait données, alors j'ai proposé de les faire estimer, il y en avait pour 140-150€."

Et d'ajouter "on avait tout et suffisamment pour être heureux pendant ma retraite, je ne comprends pas."

Des explications surprenantes

Christine G. alterne silences et explications : "Je donnais à ma fille, elle n'avait que les prestations sociales pour élever ses trois enfants", et dans les témoignages recueillis par les policiers, il y a ces sommes importantes consacrées aux jeux de grattage.

Face à la demande insistante du prévenu pour garder le domicile conjugal, dont il est avec son épouse propriétaire, l'un des assesseurs interroge : "mais qu'avez-vous fait lorsque le banquier a été clair et qu'il y avait suspicion de détournement ? avez-vous agi en adultes responsables pour accompagner votre épouse au commissariat de police pour qu'elle se dénonce ?"

Il aura fallu l'enquête et le placement en garde à vue des deux époux le 22 juin 2022 pour que le pot aux roses soit découvert. Emmanuelle Pouyadoux, l'avocate d'Yvonne Coussedière et de sa curatrice, plaide "les pleurs pour sauver leur maison dont seule la saisie pourra rembourser les sommes détournées, je les ai entendus déjà devant le tribunal correctionnel, j'y suis moins sensible aujourd'hui."

Le 6 janvier 2023, à la suite des débats du 22 décembre 2022, le tribunal correctionnel avait relaxé Christine G. d'abus de faiblesse, estimant qu'Yvonne Coussedière avait donné une procuration en étant encore en pleine possession de ses moyens, avant son AVC, mais avait condamné Christine G. à 18 mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans pour abus de confiance d'une personne vulnérable, avec obligation de réparer le préjudice subi et interdiction de rentrer en contact avec la victime. Son époux avait été relaxé du recel de biens provenant d'un abus de confiance au préjudice d'une personne vulnérable.

Le Parquet avait aussitôt fait appel de cette décision. Aujourd'hui, devant la Cour, l'Avocat général a demandé que Christine G. soit condamnée pour abus de faiblesse et abus de confiance d'une personne vulnérable, a requis une peine de 18 mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans. Il a requis également la condamnation de son époux pour recel de biens provenant de cet abus de confiance d'une personne vulnérable. La saisie de la maison du couple a également été requise pour que le prix de vente rembourse les sommes détournées.

L'arrêt de la Cour d'appel de Limoges est attendu le 13 décembre 2023.

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