Entre crise sanitaire et changement climatique, y'a-t-il encore des raisons d’espérer ? Le philosophe des sciences et grand penseur de l’écologie Bruno Latour qui mène des ateliers scientifiques et artistiques à la Mégisserie de Saint-Junien est l'invité de Dimanche en Politique.
Philosophe des sciences, anthropologue, sociologue, professeur émérite associé au médialab de Sciences Po à Paris, Bruno Latour fait partie des intellectuels français les plus traduits et honorés à l'étranger. Il serait même devenu selon nos confrères de l'Obs, "le penseur qui inspire la planète" pour ses analyses sur la crise climatique.
Son dernier livre intitulé « Où suis-je ?, leçons du confinement à l’usage des terrestres » fait partie des meilleures ventes d'essais en ce début d'année 2021, il tente d'y « tirer des leçons positives » du confinement, appelant les humains à revenir sur Terre. Dédié à son petit-fils, cet ouvrage accessible prend la forme d'un conte philosophique et pose des questions à la fois essentielles et vertigineuses. Bruno Latour nous en parle dans l'émission Dimanche en Politique. Morceaux choisis :
Sur le confinement du printemps 2020 qui a été une expérience mondiale vécue simultanément par des milliards d’individus : "Une autre conscience planétaire s'est mise en place qui est produite par un petit virus qui saute de bouche en bouche sur l'ensemble de la planète en quelques semaines : c'est cette autre expérience de la globalisation avec un nouvel être que j'ai voulu capter", explique le philosophe. "Pour ma génération, je ne crois pas qu'il y ait eu depuis la Guerre d'Algérie d'expérience aussi douloureuse et en même temps pédagogique, en quelque sorte. On apprend quand même des choses".
Si on n'apprend pas de choses de cette crise, c'est vraiment très dommage
Du confinement sanitaire au confinement climatique
Dans son essai, Bruno Latour explique que « tout se passe comme si le confinement imposé par le virus pouvait servir de modèle pour nous familiariser peu à peu avec le confinement généralisé imposé par ce qu’on appelle, d’un doux euphémisme, la crise écologique ». Une idée qu'il développe ainsi : "On découvre à l'occasion de ce premier confinement, un deuxième confinement cette fois-ci à l'intérieur des limites planétaires, à l'intérieur duquel il faut essayer de loger nos projets d'émancipation et nos projets de développement et ça, c'est une question politique effarante par sa difficulté mais qui est en même temps impossible à éviter" explique-t-il.
Des ateliers à la Mégisserie de Saint-Junien
« De quoi dépendez-vous pour exister ? » c’est autour de cette question que le Bruno Latour mène des ateliers à la Mégisserie de Saint-Junien depuis janvier 2021. "Où atterrir ?" est le nom de cette expérience-pilote, artistique, scientifique et politique inspirée de son livre. La direction artistique est assurée par Jean-Pierre Seyvos, Chloé Latour et Soheil Hajmirbaba.
Ce projet propose d’accompagner chacun et chacune "dans un processus d’enquête personnelle et de description de ses propres conditions
d’existence". Trois groupes d’habitants (de Saint-Junien, avec notamment des jeunes de la cité scolaire Louise-Michel et Paul Eluard mais aussi de la région Centre) expérimentent et élaborent collectivement de nouveaux outils de description de leurs territoires afin de participer à leur transformation.
"Ce qui nous a intéressé dans cette expérience, c'est de demander à ces habitants : pouvez-vous nous éclairer, nous citoyens français, sur une autre description du territoire qui parte des conditions d'habitabilité ? détaille Bruno Latour. Comment vous maintenez vos conditions d'habitabilité ? C'est ça, la nouvelle question. (...) Ce que nous essayons de faire, c'est essayer de décrire un territoire tel qu'il est vécu et pas simplement tel qu'il est repéré par le GPS ou l'administration et on s'aperçoit de l'extraordinaire difficulté et complexité de ce que c'est qu'un territoire vécu. "
Sans cette boussole, on reste dans les opinions, on se plaint et moi ce qui m'intéresse c'est de passer de la plainte à ce qu'on appelle la doléance, c'est-à-dire une forme organisée de description du territoire, de ses injustices et des moyens d'y remédier.
Un entretien dans lequel Bruno Latour nous livre aussi ses réflexions passionnantes sur l'utilité de l'art dans la prise de conscience de la question climatique, le rôle de l'écologie politique ou encore la montée du complotisme.
POUR REVOIR NOTRE EMISSION DANS SON INTEGRALITE :