Dégâts sur les récoltes, incursions urbaines, accidents de la circulation... les dommages provoqués par le gros gibier ne cessent de défrayer la chronique. Il faut dire, les chiffres donnent le tournis. Pour les seuls sangliers, leur nombre aurait triplé sur les vingt dernières années. Les battues se multiplient, notamment en Haute-Vienne, mais c’est le schéma cynégétique qu’il faut sans doute changer.
Première battue de la saison, ce lundi 7 octobre, dans la forêt des Vaseix, près de Limoges (87), afin de permettre la limitation du nombre de gros gibiers (sangliers, cerfs, chevreuils).
Il y en aura cinq autres, d’ici au 17 février 2025, quand, dans le même temps, onze autres seront organisées dans la forêt de Ligoure, près de Châlucet (87), cette fois jusqu’au 25 mars 2025.
Dix-sept battues au total, qui ne régleront cependant pas, ni en Haute-Vienne, ni en Limousin, un problème de plus en plus prégnant, comme sur l’ensemble du territoire français par ailleurs.
Un problème qui a conduit les agriculteurs de la FNSEA de Haute-Vienne à manifester devant la préfecture de Limoges fin juin dernier, pour protester notamment de la situation dans les monts d’Ambazac, ou encore qui a conduit le préfet de ce même département à une visite sur le terrain, dans ce secteur, à Razès et Bessines-sur-Gartempe, le 27 septembre, dans un climat tendu. Visite qui a tout de même débouché sur une réunion avec les Associations de Chasse Communales Agrées (ACCA), permettant plusieurs tirs de nuit dans ces communes.
Un gros gibier en augmentation exponentielle
S’il est par définition, puisqu’il est sauvage, impossible de compter exactement la population de gros gibier, on se réfère depuis des décennies au nombre de prélèvements effectués pour pouvoir l’estimer.
En 1975, 36 429 sangliers avaient été abattus en France, contre 842 802 en 2022, selon l’Office Français de la Biodiversité ! Et le Centre National de la Recherche Scientifique estime que leur population a désormais largement dépassé le million.
En Limousin, en 2023-2024, on en a abattu 6 700 en Haute-Vienne, 6 500 en Corrèze et 5 600 en Creuse.
Sur la seule Haute-Vienne, alors que la chasse est ouverte, sous certaines conditions, depuis le 1er juin dernier, déjà 1 500 bêtes ont été tuées, soit presque 500 de plus que l’an dernier à la même période.
Si l’on se penche sur d’autres espèces de gros gibiers, également responsables de dégâts agricoles, près de 900 cerfs ont été abattus l’an dernier en Haute-Vienne, 2 215 en Corrèze et 1 100 en Creuse. Enfin concernant les chevreuils, les prélèvements s’élevaient à 6 600 en Haute-Vienne, 8 300 en Corrèze et 9 000 en Creuse.
Pourquoi une telle augmentation ?
Les facteurs sont multiples. Pour les sangliers par exemple, et selon les chercheurs du CNRS, il y a, d’une part, la disparition quasi-totale de leurs prédateurs naturels (type loups et lynx), l’augmentation de la surface forestière d’autre part (30% de l’Hexagone aujourd’hui, contre 19% il y a un siècle), qui accroît leurs refuges et leurs ressources nourricières, et enfin, les effets du réchauffement climatique, qui diminue leur mortalité. Cela pour les facteurs naturels.
Car les chercheurs pointent aussi la modernisation de l’agriculture. L’arrachage des haies, l’utilisation d’insecticides et la mécanisation ont entraîné la quasi-disparition du petit gibier.
Un phénomène qui a conduit les chasseurs à se rabattre vers les gros gibiers, et durant près de vingt ans, de 1960 à 1980, on a ainsi élevé des sangliers en les hybridant, afin d’accroître leurs capacités reproductives, avant de les relâcher dans la nature. La pratique est interdite depuis, mais le mal était fait.
Enfin, les chasseurs voient eux-mêmes leur nombre diminuer, de 2 220 000 en 1976 à quelque 990 000 en 2022. Mécaniquement, leurs prélèvements sont donc moins importants.
Pourquoi la modification du schéma cynégétique est demandée ?
La chasse est réglementée dans le cadre d’un plan de chasse départemental relevant de la compétence du préfet, puis fixée au niveau des ACCA, sociétés ou particuliers par le président de la fédération départementale des chasseurs.
À ces actions de chasseurs, il faut rajouter les battues administratives, effectuées par les lieutenants de louveterie, les seuls habilités à chasser de nuit, ou par des chasseurs eux-mêmes, dûment mandatés.
Mais les 6 700 sangliers prélevés l’an dernier sur le département sont, de l’avis de tous, y compris de la préfecture, largement insuffisants. Les chasseurs fixent le seuil minimal à 10 000, le préfet a parlé, fin septembre, de 14 000 potentiellement.
Si les chasseurs affirment intervenir autant qu’ils le peuvent, les agriculteurs, eux, voudraient voir certaines règles modifiées.
D’une part, ils souhaitent être à nouveau autorisés à tirer à l’affût, de jour comme de nuit, sur leurs parcelles, ce qui leur est interdit depuis 1969. D’autre part, ils souhaitent une extension de ces tirs de nuit aux chasseurs.
À la préfecture, on dit réfléchir à tout cela, pour modifier le schéma cynégétique, mais dans le cadre de la loi et avec le souci de la sécurité. Et il faudra sans doute plus que des mesures locales, plutôt nationales.
Mais il faut faire vite. En Limousin, comme dans beaucoup d’autres régions françaises, on parle de trois ans maximum. C’est-à-dire demain.