Les œuvres de Suzanne Valadon ont investi le centre Pompidou de Metz depuis le 15 avril. Une grande rétrospective pour cette peintre audacieuse et avant-gardiste native de Bessines-sur-Gartempe, en Haute-Vienne.
"Un monde à soi", intitulé de l'exposition Suzanne Valadon au musée Pompidou de Metz depuis ce samedi 15 avril. Cela faisait soixante ans qu'il n'y avait pas eu de grande rétrospective autour de la peintre née en 1865 à Bessines-sur-Gartempe.
L'ancienne modèle d'Auguste Renoir et de Toulouse-Lautrec et mère de Maurice Utrillo a marqué l'histoire de la peinture. On retrouve aujourd'hui certaines de ses œuvres dans de nombreux musées comme à Paris ou New-York. Retour sur l'histoire de cette peintre singulière.
À Montmartre, un atelier figé dans le temps
Chevalet, toiles, canapé sont là. Il y a même une odeur de térébenthine imprégnant encore l'atelier, comme si l’artiste venait à l’instant de poser ses pinceaux. Aujourd’hui, le lieu où Suzanne Valadon peignait ses toiles se visite au musée de Montmartre.
"On a l’impression qu’elle vient de quitter la pièce, c’est une réalité. Suzanne Valadon incarne les lieux, le musée, son histoire, appuie Fanny de Lépinau, la directrice du musée de Montmartre. Elle a vécu là de 1912 à 1926, et c’est vraiment l’âme du musée. Elle a été très imprégnée par la nature, les lieux, ça se voit dans ses œuvres, elle l’a dit, elle l’a écrit. C’est dans ce lieu de l’atelier-appartement de Suzanne Valadon qu’elle a peint, beaucoup."
Une artiste majeure née à Bessines
Au fil des années, depuis cet atelier, Suzanne Valadon est devenue une peintre majeure et reconnue. Rien pourtant ne laissait présager d’une telle destinée.
En 1865, dans un hôtel de Bessines-sur-Gartempe, Suzanne Valadon naît Marie-Clémentine, de père inconnu. Sa mère y travaille comme lingère, veuve d’un bagnard mort sept auparavant, à Cayenne. Marie Clémentine a cinq ans quand sa mère, Madeleine, fuit le Limousin.
"C’était l’opprobre, les gens n’étaient pas tendres. Vous vous rendez compte, c’était surtout rural ici. Avoir un bagnard sur la commune, c'était très mal perçu. Elle en a souffert. Et quand on avait un enfant sans être mariée à l’époque, c’était assez redoutable. Le regard des gens n’était pas tendre. Cela a été, pour elle, une fuite.", insiste Marie-Laure Conchon, la présidente de l'association "Bessines Inspiration Valadon".
Marie Clémentine devient une enfant de Montmartre, de la bohème. Dès 15 ans, elle commence une carrière de modèle. Pour les plus grands, Toulouse-Lautrec, Puvis de Chavannes, Renoir... Mais depuis toujours, elle dessine.
Elle a 29 ans quand Degas découvre ses croquis. Le maître s’exclame « vous êtes des nôtres ». Un adoubement, sa vie d’artiste est lancée. Elle s’appelle désormais Suzanne Valadon. Autodidacte, sa peinture est avant-gardiste, sans concession, son style si singulier.
"C'est la force de la couleur évidement. Les contours noirs, c’est très important pour elle, et aussi la façon de présenter le nu, sans aucune convention, sans vouloir rentrer dans une complaisance, explique Saskia Ooms, responsable de la conservation au musée de Montmartre. Elle dit aussi ne m’amenez pas une femme qui veut être jolie, ce qui l’intéresse, c'est de montrer la réalité pour atteindre l’âme."
Dans sa peinture comme dans sa vie, Suzanne Valadon est une femme libre, audacieuse. En secondes noces, elle épouse André Utter, de vingt ans son cadet. Elle le peint en lanceur de filets. Elle est ainsi la première femme à avoir représenté la nudité d’un homme.
L'exposition Suzanne Valadon "Un monde à soi" est à découvrir au musée Pompidou de Metz jusqu'au 11 septembre. Elle sera ensuite montrée à Nantes ainsi qu'à Barcelone.