La Rochelle et Gradignan sur le podium des villes les plus "marchables" de France

Dans une étude publiée cette semaine par le collectif associatif "Place aux piétons", les deux communes de Nouvelle-Aquitaine reçoivent un satisfecit de la part des usagers. Ce baromètre national a pour ambition d'interpeller les élus sur leurs politiques de mobilités urbaines.

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Cyclable, La Rochelle l'est indubitablement. Voiturable, de moins en moins, de fait. Mais la cité huguenote est-elle "marchable" ? Derrière ce néologisme quelque peu disgracieux se cache un concept et, surtout, une étude on ne peut plus sérieuse qui vient d'être dévoilée par un collectif d'association baptisé "Place aux piétons". "La Fédération Française de randonnées pédestres", "Rue de l'avenir" et "60 millions de piétons" ont lancé cette vaste enquête fin 2020 et 68 510 français ont répondu au formulaire mis en en ligne entre le 7 décembre 2020 et le 15 Mars 2021.

"On n'est pas une minorité"

Le questionnaire interrogeait les usagers sur leur quotidien de piéton, sur leur sentiment de sécurité, leur confort de marche, la signalétique et le volontarisme politique de leur municipalité sur cette large problématique. Calqué sur le désormais célèbre baromètre des villes cyclables de la Fédération française des usagers de la bicyclettes, celui des piétons attribue une note à près de 200 villes. Si Strasbourg, Rennes et Nantes forment un podium attendu pour les grandes agglomérations, La Rochelle arrive troisième pour les communes entre 50 et 100 000 habitants et Gradignan première pour celles de 20 à 50 000. 

Mais le premier constat, comme on pouvait s'y attendre, est plutôt préoccupant. La note moyenne nationale est de 9,2% et la note la plus haute (Acigné en Ille-et-Vilaine) est de 14,9%. "Effectivement, on a beaucoup de chemin à faire", déplore Frédéric Brouet de la fédération de randonnées pédestres, "mais on peut dire aussi que les vélos ont ramé pendant très longtemps pour se faire leur place au soleil. A la présidentielle de 1974, René Dumont faisait ses déplacements en train et en vélo et il a fallu attendre pratiquement 40 ans pour que la cause cycliste soit prise au sérieux dans les villes. J’espère qu’on n’attendra pas aussi longtemps parce que les piétons, c’est la majorité des déplacements. On n’est pas une minorité dans les déplacements, on est une majorité de fait".

Dans ce baromètre inédit en France, 60% des sondés pensent que la circulation des engins motorisés est gênante, mais aussi désormais que, pour 54% d'entre eux, les aménagements cyclables constituent un facteur d'insécurité. "En fait, il y a deux catégories de ville ; celles qui ont fait la transition vélo il y a un certain temps, comme La Rochelle ou Strasbourg et d’autres qui ne l’ont toujours pas faite", explique Hervé Dupont de "60 millions de piétons", "dans celles qui l’ont faite, le constat, c’est que cette révolution cycliste n’est pas allée jusqu’à la marche et on commence à avoir des conflits entre les différents usages".

"Est-ce que les villes sont vivables ?"

"J’ai l’habitude de dire que ça fait 800 ans qu’on marche à Gradignan", explique Michel Labardin, le maire de la commune, en référence au prieuré de Cayac qui accueille, tous les ans, 500 pélerins sur les routes de Compostelle. Mais, Gradignan, tristement célèbre par le passé pour sa proximité avec la nationale 10 qui reliait Paris à Madrid, est désormais un écrin de verdure qui fait des envieux. Sur près de 300 hectares, 21 parcs communaux sont reliés entre eux avec des cheminements piétions et vélos. La ville est traversée par L'Eau Bourde, affluent de la Garonne, dont 95% des berges sont propriétés de la municipalité. Le résultat d'une politique entamée dans les années 70 qui s'est révélée cruciale dans l'épisode épidémique que nous venons de vivre.

"La vraie question à la fin de ce confinement, c’était "est-ce que les villes sont vivables ?", poursuit l'édile, "à Gradignan, c’est la règle, à moins de 500 mètres de chaque domicile il y a un parc. Donc sans trop se côtoyer, il y a tellement d’espace qu’on pouvait marcher tranquillement une demi-journée entière et on n’avait pas trop le sentiment d’avoir été confiné. Et ça, c’est la grande leçon. Il faut que nos villes supportent les crises économiques, climatiques ou sanitaires et la ville qui sait articuler du bâti de qualité et des espaces verts généreux propices au vélo et à la marche sur de longues distances, c’est une ville qui devient vivable".

"Le piéton a priorité"

A La Rochelle non plus, on n'a pas attendu le réchauffement climatique et les crises sanitaires, pour verdir l'image de la ville. C'est ici qu'est né le concept de vélos en libre service, les fameux vélos jaunes. On pourrait parler également des rues piétonnes et des bus de mer électriques. Une jolie vitrine qui était pourtant trompeuse pendant des années. La dernière décénie a indubitablement remis la problématique au coeur des politiques publiques. "J'ai fait le calcul", explique Olivier Prentout, adjoint en charge des mobilités urbaines, "dans le centre-ville, toutes les voitures garées occupent un hectare d'espace publique".

Alors aujourd'hui encore, au grand dam des automobilistes et des riverains excédés par les travaux, les aménagements font la part belle aux cyclistes et aux piétons, même si ces derniers peuvent légitimement se sentir lésés par rapport à leurs congénères à deux roues. Administrativement, on appelle ça des "zones de rencontre". La transition est aussi culturelle et les usagers ont besoin de s'adapter.

"Je suis un grand promoteur du vélo", poursuit l'adjoint, "mais vous allez avoir des cyclistes qui vont considérer dans cet espace que la bande cyclable, c’est pour moi et qu’avec mon vélo à assistance électrique, j’ai le droit de rouler à 25km/h mais c’est complètement inadapté sur le vieux port en plein été. Donc ça ne se fait pas en un jour, mais je suis confiant. Reste qu’en zone de rencontre, le piéton a priorité".

"Avant quand je parlais marche, on me riait au nez", s'amuse Anne Faure de l'association "Rue de l'avenir". Elle n'est pas mécontente du buzz médiatique que suscite ce baromètre, mais sait bien qu'il faut aller plus loin. Le 17 septembre prochain va donc se tenir à Marseille les premières assises nationales de la marche en ville. L'occasion pour le collectif de proposer aux collectivités et au gouvernement un "plan marche" avec pour objectif "une ville résiliente, apaisée et tournée vers l'avenir". 

"Aujourd’hui, le ministère de la transition écologique et celui des sports ont très bien compris que c’était des enjeux de santé et des enjeux liés au changement climatique qui étaient très importants. Donc le « plan marche »  que l’on va proposer aux assises, on n’en aura pas le bénéfice tout de suite, mais c’est quelque chose qui va être discuté et qui va rentrer dans la tête des gens", espère Anne Faure.

Les associations ont décidé de publier leur baromètre tous les deux ans, en alternance avec le baromètre des villes cyclables. "Dans l’inconscient collectif, c’est une problématique qui est désormais présente, mais dans le monde politique, c’est très variable. C’est pour ça qu’on met la pression pour que ce soit toujours à l’agenda", conclut Hervé Dupont. 

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